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2024 | Semaine 14Chère lectrice, cher lecteur, La Gazette poursuit sa série d’articles sur les règlementations de la finance, dont l’importance ne doit pas être sous-estimée. Bonne lecture |
Sommaire |
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Réflexions décarbonées |
Réflexions décarbonées |
Optimiser les catégories d’investissement de la réglementation SFDR
Après avoir présenté dans deux précédents articles de la Gazette1 le bilan des débuts du règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) sur l’information relative aux produits d’investissement financier, puis le détail des modifications envisagées par le régulateur sur les publications, l’article de cette semaine revient sur le point central de la consultation de la Commission européenne2 : comment mettre en place un système de catégorisation des produits financiers et les caractéristiques souhaitables de ce système. Une attention particulière à la définition des catégories de produits est de fait indispensable pour éviter des confusions susceptibles d’entraîner l’achat involontaire de produits financiers non-durables par l’investisseur final. La mise en place de catégories plus explicites de produits durables pourrait ouvrir des portes à certains thèmes d’investissement actuellement peu mis en avant dans la réglementation actuelle, tels que les produits axés sur l’accompagnement de la transition, l’engagement actionnarial, l’investissement dans les PME ou les marchés émergents. Les catégories de produits poussées par la consultationLa consultation propose quatre catégories de produits particulières et interroge les participants sur leur pertinence : Catégorie A : les produits qui n’investissent que dans des actifs dont les émetteurs sont vertueux et responsables, et qui apportent des solutions ciblées et mesurables aux problèmes liés à la durabilité : production d’énergies renouvelables, construction de logement social… La catégorie A est clairement la plus exigeante. À cet effet, elle devrait :
Catégorie B : les produits qui fixent des objectifs de durabilité et devraient principalement baser leurs stratégies sur deux éléments clés :
Exempter cette catégorie de l’une ou l’autre des stratégies, d’engagement ou d’exclusion, laisserait une porte ouverte au greenwashing. Les « normes de durabilité » doivent être bien définies et pourraient éventuellement être pré listées par la réglementation afin d’éviter tout risque de greenwashing en sélectionnant des normes de durabilité pertinentes, des référentiels validés par la science. Catégorie C : les produits qui appliquent des critères d’exclusion. Sur ce point, les Shifters estiment que la stratégie d’exclusion ne devrait pas être considérée comme une catégorie de produits à part entière, exclusive d’autres stratégies. Il devrait plutôt s’agir d’un aspect complémentaire appliqué à toutes les catégories de produits avec une transparence accrue et une divulgation complète de la liste d’exclusion du producteur. Ainsi les distributeurs du produit financier pourront facilement relier les stratégies à des préférences de durabilité, en filtrant facilement les secteurs exclus par les produits financiers. Une catégorie de produits reposant uniquement sur des stratégies d’exclusion nous semble peu ambitieuse voire une voie ouverte vers le greenwashing. En effet, la maturité croissante du marché en termes ESG permet de considérer aujourd’hui les exclusions comme une norme minimale. Catégorie D : les produits qui visent à financer la transition, pour tous les acteurs économiques, dans un objectif d’amélioration quantifiable de leurs performances, que ce soient des objectifs de décarbonation, la mise en œuvre de plans de transition ou d’alignement progressif à la taxonomie. Les produits de la catégorie D, axés sur la transition des modèles d’affaires, devraient mettre l’accent sur les stratégies d’engagement et les indicateurs tangibles d’amélioration en matière ESG. Par exemple, l’utilisation du taux d’éligibilité/alignement à la taxonomie et son évolution peut s’avérer très efficace pour évaluer l’amélioration durable d’un portefeuille. L’enjeu est ici bien l’accompagnement des transitions inclusives de tous les secteurs économiques. Les critères d’exclusion peuvent être moins prioritaires dans ce contexte. En ce qui concerne la catégorie de produits D, nous percevons un risque significatif de greenwashing si les critères attendus en matière d’environnement, de social ou de gouvernance (ESG) ne sont pas définis au préalable. Pour atténuer tout risque de greenwashing lié aux plans de transition, il sera nécessaire de s’appuyer sur des référentiels scientifiques permettant de juger de l’ambition des objectifs et sur un audit des données reportées par des tiers accrédités : il s’agira donc d’acter de la transformation effective des modèles d’affaires. Les plans de transition éligibles devront notamment être validés sur des critères techniques objectifs, cohérents avec les études scientifiques existantes, comme l’est par exemple le plan climat ACT de l’ADEME. Ces précautions semblent cruciales pour une catégorie qui vise à spécifier des investissements visant des améliorations substantielles en matière de durabilité. La définition de seuils minimaux attendus et d’un horizon temporel contraint sont essentiels pour garantir le critère durable de cette catégorie. Critères de performance extra-financièreOutre l’introduction de seuils minimaux pour les principaux indicateurs de performance environnementale et sociale, les produits devraient démontrer de l’ambition et des jalons à atteindre au fil du temps. À cet égard, les Shifters estiment que la proportion minimale d’investissements dans des activités alignées sur la taxonomie pour les produits équivalents aux exigences de l’Article 9 devrait être de 10% au départ avec une évolution graduelle au fil du temps et de la construction des chaînes de valeur du marché. Par ailleurs, les indicateurs devraient inclure une liste de caractéristiques environnementales et sociales obligatoires avec des indicateurs associés, des critères minimaux ainsi que des caractéristiques obligatoires. Voici quelques exemples de critères environnementaux ou sociaux qui sembleraient nécessaires aux Shifters :
Faut-il d’autres catégories de produits ?L’ajout de catégories, sans en multiplier le nombre pour rester clair et simple, permettrait de clarifier le cadre actuel de la SFDR. Une catégorie supplémentaire (catégorie E) pourrait être utile, visant les stratégies qui contribuent aux efforts de « Pertes et Dommages » (Loss & Damage) tels que définis par les COP27 et COP28 : ces fonds se proposeraient de soutenir les marchés émergents en fournissant le capital nécessaire pour faire face à l’adaptation au changement climatique. Contrôles de la catégorisation des produitsL’aspect auto-déclaratif de la réglementation SFDR devrait être conservé. L’idéal serait une vérification par un tiers, mais les coûts induits ne crédibilisent pas cette option. À défaut, le choix auto-déclaratif doit passer par des modalités responsabilisant les fabricants de produits financiers, les incitant à une rigueur dans l’application de la réglementation. Il en va de la crédibilité de la construction d’un marché financier européen intégrant les enjeux de durabilité. Dès lors, la mise en place de sanctions élevées et dissuasives doit être envisagée en cas de greenwashing manifeste et d’anomalies détectées lors des contrôles aléatoires de l’AMF. L’utilisation des termes « vert » ou « durable » est un bon exemple : il semblerait contradictoire de permettre de les employer sans les inclure explicitement dans une/plusieurs catégories produits. Par voie de conséquence, toute déviation par rapport à cet usage devrait être soumise à des sanctions substantielles au titre du greenwashing. Réserver l’utilisation de certains termes à des catégories de produits explicites simplifierait les choses, permettrait de lutter efficacement contre le greenwashing et poserait un cadre clair et transparent, nécessaire à l’accélération du fléchage des flux de capitaux vers le financement de la transition. Ainsi, afin de renforcer la crédibilité de l’approche réglementaire européenne, il sera impératif de mettre en place des contrôles stricts et d’imposer des sanctions sévères face au greenwashing. En revanche, il est peu probable que ces nouvelles catégories de produits permettent à elles seules de totalement mettre un terme au greenwashing dans le monde financier. En effet, les racines du greenwashing sont plus profondes et requièrent des mesures plus globales. À vrai dire, la méthodologie de construction de ces catégories de produits pourrait même faciliter le greenwashing dans certains cas en permettant d’identifier des échappatoires conduisant à la promotion de produits faussement durables. Il sera donc nécessaire de faire évoluer ces définitions avec la pratique et de s’adapter aux éventuels abus. 1 Gazette du Carbone du 5 mars 2024 et Gazette du Carbone du 12 mars 2024 |
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