La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
![]() |
Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2025 | Semaine 16Chère lectrice, cher lecteur, À débat exceptionnel, édition de la Gazette… exceptionnelle. Lundi se tiendra un débat parlementaire qui nous intéresse au premier plan : la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (« PPE 3 »). Nous nous devions y contribuer surtout que c’est aussi l’annonce de la nouvelle note du Shift Project : « La souveraineté par la décarbonation : voie nécessaire pour la France et l’Europe ». Bonne lecture ! |
Sommaire |
|
Réflexions décarbonées |
Réflexions décarbonées |
PPE-3 : Le Shift Project verse quelques données essentielles à ce débat stratégique pour le pays !
La PPE-31 sera en débat à l’Assemblée nationale ce lundi 28 avril. Par cet article le Shift Project apporte sa contribution issue de la dernière note du Shift Project : « La souveraineté par la décarbonation : voie nécessaire pour la France et l’Europe »2 La PPE 3, défi du siècle !Le défi du siècle, c’est bien ainsi que la PPE-3 qualifie la transformation énergétique à mener. Il s’agit de sortir des énergies fossiles d’ici 2050, de mener une électrification massive de nos usages, de développer une production électrique décarbonée alors que 47 des 57 réacteurs nucléaires historiques pourraient arriver en fin de vie entre 2040 et 20503, sans oublier l’adaptation de l’ensemble des infrastructures de réseau et de stockage et la nécessité d’un vaste plan d’efficacité et de sobriété. Un débat largement engagé, et clivant, avant même son arrivée dans l’hémicycleAu-delà de la large consultation menée par le gouvernement, la PPE a donné lieu à différentes expressions et tribunes. Des positions contrastées en ressortent.
Ce qu’en pensent le Shift et les Shifters1. Notre économie est exposée à plus de 70% aux énergies fossiles : sa décarbonation est une urgence stratégique, pour le climat et pour notre souveraineté.S’il est exact que notre électricité est déjà décarbonée à 90%, rappelons qu’elle ne représente que 28%5 de l’énergie que nous consommons sur notre territoire. La seule électricité d’origine nucléaire ne représente que 20% de notre consommation territoriale. Nous importons 3 fois plus d’énergie sous forme de pétrole ou de gaz que nous produisons d’électricité nucléaire. Notre électricité décarbonée ne doit pas masquer notre très large dépendance aux énergies fossiles. Si nous ajoutons à cette consommation domestique l’énergie contenue dans nos importations de biens et de services, nous pouvons déterminer ce que le Shift Project définit comme L’exposition énergétique de notre économie. Cette exposition est 60% plus élevée que notre simple consommation. Regarder au-delà de nos frontières permet de voir que la part des énergies carbonées passe de 66% dans notre consommation domestique à 71% dans notre exposition! C’est ce volume global d’énergie carbonée qui met en péril notre souveraineté en nous rendant dépendant de ressources (pétrole, gaz et charbon) que nous ne produisons pas sur notre sol et qui sont exposées à des risques géopolitiques, à des guerres commerciales, à des fluctuations des prix ainsi qu’à des contraintes d’approvisionnement notamment pour le pétrole6. 2. Le développement indispensable d’une électricité décarbonée ne peut reposer que sur un mix nucléaire-ENR, exclure l’un ou l’autre élément du mix menace notre prospérité et notre souveraineté.L’électrification massive des usages conduit à une demande accrue d’électricité comprise selon les scénarios entre + 20% et + 70%7. Parier uniquement sur le nucléaire ne permet pas de répondre à ce défi. En effet, la fermeture progressive des réacteurs historiques arrivant en fin de vie à partir de 2040 pourra difficilement être compensée par la mise en service du nouveau nucléaire dont le rythme de déploiement reste incertain8. Promouvoir un déploiement du nucléaire à un rythme plus soutenu que celui envisagé par la filière elle-même semble aujourd’hui peu réaliste : l’option de 14 nouveaux EPR2 et de plusieurs SMR d’ici 2050 n’est déjà pas acquise. Ainsi, seul le développement rapide des ENR en complément du nucléaire permettra de nous assurer de disposer de suffisamment d’énergie à l’horizon 2050 ! Inversement, ne parier que sur les ENR nous expose à différents risques : risque de non acceptation par les populations, risques réglementaires9, risque économique du fait d’un cadre trop fluctuant, risque de compétences. Par ailleurs, un scénario reposant uniquement sur les ENR nécessiterait des objectifs d’adaptation du réseau électrique et de développement des moyens de flexibilité sans commune mesure et difficilement atteignables. Ainsi, face aux incertitudes qui concernent tant la filière nucléaire que les filières ENR, la minimisation des risques nous amène à préconiser de pousser simultanément l’ensemble de ces différentes filières pendant la période de la PPE-3, quitte à ajuster la stratégie en fonction des résultats observés. De façon plus prospective la PPE doit engager dès maintenant un effort de recherche sur des solutions de moyen et long terme, comme le développement de filières nucléaires à partir d’uranium appauvri (notamment réacteurs nucléaires à neutrons rapides), la valorisation de l’énergie perdue dans les centrales nucléaires et toute autre innovation dans le domaine des ENR. 3. Un important effort d’efficacité et de sobriété est indispensable.Aucune autre ressource, ou cumul de ressources, n’est capable aujourd’hui de produire sur le territoire français autant d’énergie que les énergies carbonées. La PPE-3 prévoit ainsi que l’énergie consommée nationalement sera 30% plus basse en 2050 qu’en 2022. Le Shift Project est plus prudent encore, et estime que la quantité d’énergie finale en 2050 sera la moitié de celle disponible aujourd’hui (-50%). Des politiques d’efficacité et de sobriété sont donc tout à fait déterminantes pour réussir notre décarbonation. Celles-ci reposent sur des infrastructures plus adaptées (aménagement du territoire, pistes cyclables…), sur des dispositifs moins énergivores (logement mieux isolés, véhicules plus légers…), sur des mesures réglementaires (incitations, taxes…), et sur une évolution volontariste des comportements individuels (réduction de la consommation de viande, trajets et voyages bas carbone, etc.). En conclusion, la PPE-3 doit être abordée en ayant une vision exhaustive de notre exposition énergétique et une vision claire de notre extrême dépendance aux énergies fossiles. Elle doit aussi être abordée en regardant plus loin que 2035, prenant en compte les enjeux de déploiement des énergies décarbonées lors de la décennie 2040-2050, dans un contexte d’arrêt progressive du parc nucléaire historique. Enfin, notre exposition énergétique reposant à 80% sur de l’énergie consommée en Europe, c’est bien un destin commun de la France et de l’Europe qui est en jeu face au défi de la décarbonation. Note des Shifters : 1 Programmation Pluriannuelle de l’Énergie pour les périodes 2025-2030 et 2031-2035 2 Nous nous limitons dans cet article seulement aux énergies carbonées, au nucléaire et aux ENR : photovoltaïque, éolien terrestre et en mer. Les autres sources d’énergie ont bien sûr leur importance, bien que plus limitées en volume, et sont traitées dans la PPE3 et dans la note du Shift. 3 En faisant l’hypothèse que l’ASN permettra le prolongement de la durée de vie des réacteurs de 50 à 60 ans, sinon leur arrêt interviendra plus tôt encore. 4 En particulier pour le bâtiment et les transports qui sont en retard sur la trajectoire SNBC. Source : Conseil de planification écologique, 31 mars 2025. 5 Tous les pourcentages de cette note reposent sur des données 2018. En 2018, 498 TWh d’électricité étaient produits pour une consommation domestique d’énergie de 1794 TWh. 6 Pour le pétrole le Shift Project défend l’idée d’une double contrainte : climatique et d’approvisionnement. Selon l’AIE, le pic de production du pétrole conventionnel a été franchi en 2018. L’Union Européenne pourrait être exposée à des risques d’approvisionnement en pétrole dans les 20 prochaines années. 7 Nous vous renvoyons aux travaux relatifs à la compréhension des différents scénarios. 8 Le prochain EPR 2 est prévu en 2035 mais cette date est loin d’être acquise. 9 Par exemple en matière de protection de l’environnement, sur terre et en mer. |
La gazette du carbone résulte du travail des bénévoles de l'association The Shifters, essentiellement réalisé sur la base de l’expertise du Shift Project.
Son objectif est d'informer sur les opportunités que présente l'arsenal juridique français pour décarboner notre société. Pour réagir au contenu, demander des précisions, proposer des évolutions, contribuer à notre action vers les décideurs, une seule adresse : gazette@theshifters.org !
Vous pouvez également découvrir The Shift Project et devenir membre de l'association. |