La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2024 | Semaine 15Chère lectrice, cher lecteur, La Gazette fait l’école buissonnière cette semaine mais cependant en environnement d’agriculture industrialisée. Elle s’interroge sur l’impact des engrais de synthèse sur les émissions de gaz à effet de serre dans l’agriculture. Bonne lecture ! |
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Questions émissions |
Questions émissions |
L'impact des engrais de synthèse sur les émissions de GES dans l'agriculturePortée par M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés) M. Dominique Potier, député de la 5ème circonscription de Meurthe-et-Moselle, a interrogé M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les modes de calcul certifiés d’émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, ils favoriseraient selon lui l’usage d’engrais de synthèse plutôt que les amendements organiques. Sans rentrer dans le détail de ces calculs, qui mériteraient du reste d’être questionnés, l’impact et les conséquences de l’utilisation des engrais de synthèse, notamment en termes d’émission de GES, se doivent d’être étudiés. Le développement des engrais de synthèsePour se développer, les plantes prélèvent des nutriments présents et disponibles dans le sol, en particulier l’azote, le phosphore et le potassium. Le maintien de la fertilité d’un sol vise à garantir que les besoins physiques, chimiques et biologiques nécessaires à la croissance des plantes puissent être assurés. L’utilisation d’engrais, tout comme d’autres pratiques agronomiques comme la rotation des cultures, permet d’augmenter la teneur du sol en certains nutriments. Ceux-ci peuvent être organiques (effluents d’élevage, composts, etc.) ou de synthèse. Jusqu’au début du XXe siècle, avant que ne soient inventés les engrais de synthèse, la fertilisation des sols reposait uniquement sur la rotation des cultures et les engrais organiques issus de la polyculture-élevage ou d’une logique extractiviste (par exemple l’importation de guano du Pérou ou les extractions des tourbières). Au cours du XXe siècle, l’agriculture européenne et française s’est modernisée. Elle s’est mécanisée, spécialisée (avec un recul concomitant de la polyculture-élevage) et est devenue plus productive notamment grâce à l’amélioration génétique, les améliorations foncières (par exemple le remembrement, l’irrigation des terres) et l’usage d’intrants de synthèse (engrais minéraux, produits phytosanitaires)1. Après 1950, les livraisons d’engrais minéraux à l’agriculture accompagnent l’augmentation du rendement des grandes cultures (céréales à paille, maïs, oléagineux, protéagineux, betterave…)2. Les rendements agricoles, notamment des grandes cultures ont ainsi beaucoup augmenté entre 1950 et 2000 et sont globalement stables depuis 20003. L’impact sur le climat et l’environnementAujourd’hui, les fertilisants minéraux représentent 60% des tonnages commercialisés d’engrais4 La consommation d’engrais minéraux baisse depuis les années 90 même si c’est de manière différente selon le type d’élément fertilisant (pour l’azote, la baisse est moins forte que pour le phosphore ou la potasse). En 2022, la France importait plus de 80% de ses engrais minéraux5, dont une large part provient de pays en dehors de l’Union européenne, créant une double dépendance : aux pays tiers producteurs de ces engrais et aux énergies fossiles qui servent à fabriquer ou extraire les engrais minéraux. L’impact des engrais minéraux sur l’environnement et sur les émissions de gaz à effet de serre est important. En effet, la fertilisation des sols, qu’elle soit minérale ou organique, est à l’origine de 80% des émissions nationales de protoxyde d’azote (N2O). Ce gaz représente 42% des GES émis par le secteur agricole et a un pouvoir réchauffant environ 300 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2). Ainsi, le protoxyde d’azote est responsable, à lui seul, de près d’un dixième des émissions totales de gaz à effet de serre du pays. Il ne faut pas non plus oublier les émissions indirectes du secteur, liées à la production des engrais de synthèse et requérant une quantité importante de gaz naturel. À titre d’exemple, pour l’azote, les usines de production d’engrais azotés présentes sur le territoire français émettent 2,6MtCO2 tout en ne couvrant que 30% de la consommation intérieure6. En terme d’impact environnemental plus global, les minéraux apportés parfois en surplus se retrouvent pour moitié perdus (volatilisés ou lessivés), ce qui a un impact sur la qualité de l’air (volatilisation de l’ammoniac) ou la qualité de l’eau (lixiviation des nitrates) Selon le dernier rapport du Haut Conseil pour le Climat, les émissions de GES du secteur agricole ont baissé de 13% entre 1990 et 2021. En particulier, les émissions relatives aux cultures, principalement dues à l’épandage d’engrais, ont elles aussi reculé : -15% sur la même période. Cette baisse résulte surtout d’une baisse de la fertilisation azotée minérale, dont la pratique est optimisée. Ce qu’en pensent les ShiftersLes ressources en engrais minéraux étant voués à décliner par épuisement des gisements ou par raréfaction des énergies fossiles nécessaires à leur synthèse ou leur exploitation, le Plan de transformation de l’économie française (PTEF) du Shift Project propose7, afin de renouer avec une certaine autonomie, de retrouver une circularité dans l’utilisation des nutriments. Comment ? En développant les cultures fixatrices d’azote (légumineuses), en adoptant des pratiques agronomiques limitant la volatilisation de l’ammoniac lors de l’épandage et en optimisant les apports d’engrais minéraux. Il faut noter que la méthode « grande culture » du Label Bas carbone (cadre de certification climatique volontaire de l’État en France) prévoit la prise en compte des nombreux leviers de réduction des émissions de GES associées à la fertilisation azotée. Le PTEF propose également de valoriser et recycler à grande échelle les biodéchets et les excrétas humains (urines et matières fécales). Dans l’agglomération parisienne par exemple, 4,6 kg d’azote par an et par personne sont ainsi dirigés vers les stations d’épuration. De là, 65% sont renvoyés dans l’atmosphère lors de l’étape de dénitrification, 30% dans les rivières sous forme de nitrates, et seulement 5% sont recyclés dans les boues d’épuration. Or, théoriquement, si tout l’azote contenu dans les urines des habitants de l’Île-de-France était recyclé, 110% des besoins agricoles en azote seraient satisfaits8. En mars dernier, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé un « plan de reconquête engrais ». Si la dépendance à l’importation est un enjeu de taille, il ne faudra pas oublier l’enjeu principal de réduction d’utilisation des engrais minéraux afin de limiter les impacts environnementaux de l’utilisation de ceux-ci. 1 Lecuyer, Bérengère, Vincent Chatellier, et Karine Daniel. « Les engrais minéraux dans les exploitations agricoles françaises et européennes », Économie rurale, vol. 333, no. 1, 2013, pp. 147-157 2 Les livraisons d’engrais minéraux en France – Académie de l’Agriculture de France, 2022 3 Évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire de la France – SGPE 4 Édition 2021 de l’Observatoire national de la fertilisation – ANPEA 5 Évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire de la France – SGPE 6 La planification écologique dans l’agriculture – SGPE 7 The Shift Project, Climat, crises : le plan de transformation de l’économie française 8 Fabien Esculier, 2018. Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. Thèse de doctorat de l’Université Paris-Est. Sous la direction de Josette Garnier (METIS) et Bruno Tassin (LEESU). |
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