La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2023 | Semaine 27Bon matin chères lectrices et chers lecteurs ! Alors que les vacances scolaires sont à nos portes, nous sommes ravis de vous présenter cette semaine 2 articles passionnants :
Bonne lecture ! |
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Questions émissions |
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Les enjeux de la planification écologiquePortée par Jean-Claude Requier (Lot – RDSE) M. Jean-Claude Requier, Sénateur RDSE du Lot, souhaite interroger Madame la Première ministre sur sa responsabilité en matière de planification écologique et énergétique, ainsi que l’évolution de la dotation au fonds vert, dont les collectivités bénéficient déjà. La nécessité de conduire une planification écologiqueLa question de M. Requier touche un sujet structurant. Face aux conséquences de plus en plus visibles du dérèglement climatique, la nécessité de conduire une planification écologique est désormais largement reconnue1 . La Première ministre Élisabeth Borne est en charge de planifier et accélérer la transition écologique2 et le Secrétariat général de la planification écologique (SGPE), organisme interministériel créé en juillet 2022 est chargé sous son autorité « […] de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire. Il veillera à la bonne exécution des engagements pris par tous les ministères en matière d’environnement »3 . Ses effectifs, récemment passés de 15 à 25 membres4 , présentent des profils variés : ingénieurs, experts des questions environnementales, financières et économiques, spécialistes de la mobilisation. Il est organisé en trois pôles : Ambition (élaboration des politiques publiques), Impact (suivi de la mise en œuvre opérationnelle), Mobilisation (mobilisation des parties prenantes). Il devrait faciliter le suivi des objectifs d’atténuation des émissions de GES et d’adaptation de la France. Des objectifs sectoriels accrus de réduction des émissions de gaz à effet de serreLe 22 mai 2023, la Première ministre a dévoilé les trajectoires cibles de décarbonation à horizon 2030 par secteur (transport, agriculture, bâtiment, industrie, énergie), lors d’un Conseil national de transition écologique (CNTE5 . Le nouvel objectif à atteindre est de 270Mt CO2e en 2030 (contre une cible actuelle de 311Mt CO2e). Provisoire (car il devra être inscrit dans la loi), il implique d’accélérer la réduction des émissions de GES : à hauteur de -4,1% de réduction par an entre 2022 et 2030, contre une réduction observée de seulement -2% par an entre 2019 et 2022. Il faut littéralement redoubler d’efforts. D’ici septembre, le Gouvernement devrait lancer les consultations relatives aux orientations de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC 3), à la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale de la biodiversité (SNB). Par ailleurs, un projet de loi énergie climat devrait voir le jour à l’automne. Enfin, le SGPE a engagé avec les collectivités locales une méthodologie de la territorialisation de la planification écologique et des «travaux de territorialisation de la planification écologique avec les collectivités locales » seront menés au second semestre 20236 . La planification écologique fait encore face à beaucoup d’inconnuesLa première porte sur les scénarios d’évolution du climat et les contre-mesures à déployer. À titre d’exemple, le SGPE note que les capacités d’absorption des puits de carbone forestiers sur le territoire français ont été divisées par deux depuis 2010 du fait du dérèglement climatique7 (hausse de la mortalité des arbres et ralentissement de leur croissance), mais ne donne en contrepartie aucun objectif chiffré d’augmentation des puits de carbone en 2030 alors que tous les scénarios de réduction les impliquent. Les puits de carbone sont des « systèmes capables de capter et stocker du CO2 présent dans l’atmosphère »8. Le Shift Project rappelle que les territoires ruraux devront devenir absorber plus de GES du fait de leur potentiel de puits de carbone (espaces naturels, terres agricoles et forêts), afin d’aider les territoires urbains à compenser leurs émissions. Ces derniers et les pouvoirs publics devront en retour mobiliser leurs importantes ressources (moyens financiers, ingénierie, formation, réseaux d’acteurs, etc.). La seconde inconnue est budgétaire. À l’image de Jean-Claude Requier, sénateur du Lot (RDSE), de nombreux élus s’interrogent sur les moyens qui seront alloués à la mise en œuvre d’une planification écologique ambitieuse : les pouvoirs publics eux-mêmes notent que « tout cela va nécessiter un accompagnement important, en particulier pour les collectivités locales, afin qu’elles soient en mesure de subvenir à leurs nombreux besoins en matière de rénovation énergétique, d’éclairage public, de gestion des déchets ou de mobilité »8.
Pour répondre aux inquiétudes des élus sur le financement de la transition écologique dans les territoires, la Première ministre a acté la pérennisation du fonds vert pour 2024, sans toutefois la garantir au-delà, ce qui ne permet pas aux élus locaux de se projeter suffisamment sur le long terme. Le CITEPA11 , organisme scientifique, affirme à juste titre qu’il « faudra dégager des moyens de financement et de fiscalité supplémentaires dans le budget de l’Etat. Cela impliquerait donc que le projet de loi de Finances pour 2024 traduise l’ambition et les objectifs renforcés du Gouvernement.»12 Le Haut Conseil pour le Climat relève également que « l’atteinte des objectifs de la SNBC nécessitera une forte augmentation des investissements publics et privés en faveur du climat. […]. Au-delà des différences méthodologiques, toutes les études s’accordent sur le fait que les investissements climat actuels sont insuffisants pour atteindre les objectifs de la SNBC 2. »13 .C’est une loi de finance pluriannuelle qu’il faudrait envisager. Enfin, la dernière inconnue est l’acceptabilité des mesures par les parties prenantes. Le SGPE note que la moitié de la réduction des émissions de GES entre 2019 et 2030 repose sur des « mesures nouvelles soumises à concertation sur les modalités de mise en œuvre » et des « mesures qui restent à documenter »14 , une expression dont le vague peut inquiéter : toutes ces mesures seront-elles effectivement mises en œuvre et permettront-elles d’atteindre l’objectif fixé par la Première ministre ? Les propositions du Shift ProjectCertes, le SGPE travaille dans la bonne direction. Mais, comme le Shift Project le souligne, nous vivons «le dernier mandat présidentiel complet avant 2030, date à laquelle les émissions auront dû être divisées de moitié par rapport à 1990 (elles ont jusqu’ici baissé de 23 % seulement). Les élus locaux doivent dès maintenant ouvrir les chantiers permettant d’atteindre cet objectif »15 . Le rapport « Climat, crises : comment transformer nos territoires » du Shift Project, propose cinq principes d’actions pour prioriser les enjeux et engager les territoires dans un changement de trajectoire, sans attendre que les objectifs de soient inscrits dans la loi :
Ainsi, les élus et décideurs locaux peuvent agir sans attendre la validation finale des objectifs sectoriels de réduction. Le Shift Project en résume les trois étapes.
1 www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ23050420G.html 2 Axe n°2 : Planifier et accélérer la transition écologique 3 Décret n° 2022-990 du 7 juillet 2022 relatif au secrétariat général à la planification écologique, Légifrance 4 Le Monde. 29 avril 2023. Dans l’ombre d’Elisabeth Borne, le travail discret du secrétariat général à la planification écologique 6 p25, Planification écologique, SGPE, CNTE, 22 mai 2023 7 p18, Planification écologique, SGPE, CNTE, 22 mai 2023 8 Puits de carbone : les naturels d’abord 11 Le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique association à vocation scientifique créée en 1961 et mandatée depuis plus de 20 ans par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire pour développer les inventaires nationaux d’émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, www.citepa.org/fr/presentation/ 12 Vers la nouvelle stratégie française énergie-climat : la Première Ministre pose les premiers jalons 13 Rapport annuel, Haut Conseil pour le Climat, juin 2023 14 p9, Planification écologique, SGPE, CNTE, 22 mai 2023 15 Climat, crises : comment transformer nos territoires, les cahiers résilience des territoires, The Shift Project, 2022 16 Évaluation environnementale des budgets des collectivités territoriales, Guide méthodologique, I4CE, 2022 |
L’auto-train, une fausse bonne idée pour décarboner les vacancesPortée par M. Éric Gold (Puy-de-Dôme - RDSE) En août dernier, M. Éric Gold (sénateur RDSE) avait appelé l’attention de M. le ministre délégué auprès de la Ministre de la transition écologique, chargé des transports sur sa position relative à l’auto-train. Cette pratique serait, selon M. le Sénateur, avantageuse en termes d’émissions de CO2, c’est pourquoi il demande si des actions sont envisagées pour relancer et promouvoir l’auto-train dans les années à venir1. Cette question s’inscrit dans la réflexion sur le problème des alternatives à la voiture individuelle, notamment pour les vacances, qui cumulent des déplacements à longue distance et du dernier kilomètre. L’idée derrière l’auto-train est de trouver un compromis entre les avantages du train et ceux de la voiture. Cette démarche de complémentarité des modes de transports est intéressante, mais l’auto-train constitue-t-il pour autant une solution à la décarbonation de la mobilité moyenne et longue distance ? Quelques chiffres et constats sur le secteurLe secteur de la mobilité longue distance (au-delà de 80 km du domicile à vol d’oiseau) représente 9% des émissions nationales de GES. Sur l’ensemble du secteur, l’avion et la voiture sont utilisés pour 85% des distances. Seules 12% des distances sont effectuées en train alors qu’il émet 40 fois moins que la voiture2. S’il est donc urgent de privilégier le train aux autres modes de transport longue distance afin d’atteindre nos objectifs de décarbonation, que penser de l’auto-train ? L’auto-train, ancien moteur des vacances en famille, est-il à la hauteur des enjeux climatiques ?On appelle intermodalité le fait de permettre l’utilisation successive d’au moins deux modes de transport différents, et c’est un des enjeux de la transition du secteur pour s’adapter aux besoins des individus tout en s’affranchissant des énergies fossiles. L’auto-train pourrait donc être vu comme un moyen de complémentarité de la voiture et du train afin de conserver les avantages de chaque mode. Le train est utilisé pour la plus grande partie du trajet et permet de bénéficier d’une électricité bas carbone tandis que la voiture personnelle permet de se rendre facilement du domicile à la gare de départ puis de la gare d’arrivée au lieu de villégiature et dans les différents lieux touristiques. À l’origine, ces auto-trains étaient principalement des trains de nuit (train-auto-couchettes) permettant de relier Paris et le nord à Avignon puis d’autres villes du sud de la France. Ils représentaient également un moyen de relier la France à la Belgique, l’Allemagne et l’Autriche. Ils répondaient à la fin des années 50 et durant les années 60 au besoin de se rendre rapidement et sûrement en vacances et ont été remplacés par la suite avec le développement du réseau autoroutier. Comme moyen d’intermodalité, l’auto-train comporte plusieurs faiblesses. En termes économiques et logistiques, il se caractérise par des charges fixes élevées liées notamment à des infrastructures de chargement et à des matériels de transports mal amortis compte tenu d’une activité essentiellement saisonnière3 et donc d’un faible taux de remplissage4 : même en termes de réduction des émissions, il ne fait pas sens de construire des wagons très spécialisés utilisés quelques mois dans l’année . Plus généralement, comme l’indique le rapport “Voyager bas carbone” de The Shift Project, il est essentiel de prendre en compte l’usage de la voiture non seulement pour se rendre sur le lieu de vacances mais également son usage sur place : “Lorsque les touristes viennent en voiture, la voiture reste leur mode de déplacement sur place (pour les courses, rejoindre les pistes…) avec la marche à pied. Lorsqu’ils s’y rendent en train, ils utilisent les transports en commun sur place pour rejoindre leur logement, puis pour se déplacer dans la station : navettes routières, funiculaires, etc.” L’auto-train pourrait ainsi renforcer l’utilisation de la voiture sur le lieu du séjour en donnant l’opportunité de se déplacer sur place en voiture au lieu des transport en commun. Il est évident que se passer de la voiture personnelle entraîne des contraintes sur place et c’est sur celles-ci qu’il faut agir pour permettre la décarbonation du secteur. L’auto-train ne constitue pas un véritable levier de la transition car il s’insère dans la continuité du modèle de mobilité pensé autour de la voiture. Les défis à relever selon le Shift Project concernent donc :
Les propositions de transformation de la mobilité pour 2050 consistent à reporter une grande partie du trafic routier et aérien vers le ferroviaire. Pour répondre aux défis mentionnés précédemment il serait nécessaire de déployer les axes suivants :
ConclusionComme l’indique le rapport Voyager bas carbone du Shift Project, “le développement d’une offre qui permet de venir sans voiture est clé.” Venir sans voiture a du sens parce qu’une fois sur place on sera davantage enclin à utiliser les transports en commun ou le vélo et la marche. Il faut d’ailleurs que cette nécessité d’ordre climatique soit présentée comme une opportunité : “la voiture est actuellement associée au sentiment de contrôle/liberté. Mais les trajets en voiture conduisent à différents désagréments : fatigue, stress, embouteillage, problèmes de stationnement etc, qui ne sont évidemment pas mis en avant dans la publicité. Au contraire, le train permettra de profiter pleinement du temps de trajet et devrait devenir synonyme de sérénité, l’autocar et la navette permettant aussi d’accéder à l’endroit souhaité sans avoir à s’inquiéter du stationnement ; le vélo à assistance électrique permettra la découverte d’espaces inaccessibles en voiture”5 . Un effort de réorganisation et d’accès aux ressources de transports à courte distance dans cette perspective est à promouvoir dans les zones touristiques. 1 www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ210924344.html 2 The Shift Project – Climat, crises : Le Plan de transformation de l’économie française, chap.9 3 Auto Train : la SNCF prévoit de ne plus desservir plusieurs villes – Le Parisien, 29 octobre 2017 4 SNCF : le service Autotrain bientôt supprimé – Le Parisien,10 avril 2019 5 ADEME, 2017, cité dans The Shift Project – Voyager bas carbone Liens utiles : |
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