La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2023 | Semaine 06Après vous être remplis la panse ce weekend avec la recette de crêpes d’antan, nous vous proposons cette semaine de digérer la fin de l’analyse des Shifters sur la consultation nationale pour la SFEC (pour rappel : Stratégie française énergie-climat). Reprenons ensuite contact avec la nature en analysant la question parlementaire d’une députée qui alerte sur la baisse des subventions publiques allouées aux zones Natura 2000 (petit écrin de biodiversité). Bonne lecture ! |
Sommaire |
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SFEC : Comment planifier, mettre en œuvre et financer notre transition énergétique ?Réponse des Shifters à une Consultation Publique mise en ligne par le Gouvernement Le troisième et dernier thème de la consultation vise à recueillir le point de vue sur la place, le rôle et les leviers d’actions des différents acteurs (État, collectivités territoriales, entreprises, citoyens) pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Il interroge les problématiques suivantes :
Faut-il des interventions publiques dans les marchés de production et de consommation d’énergie ? |
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Les sites Natura 2000 d’Auvergne-Rhône-Alpes menacées par la réaffectation des subventions européennesPortée par Mme Laurence Heydel Grillere (Renaissance - Ardèche) La députée Laurence Heydel Grillere attire l’attention du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires sur l’intention du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes de ne plus allouer l’enveloppe des Fonds européens agricoles pour le développement rural (FEADER) au financement des zones Natura 2000, en les redirigeant entièrement vers le secteur de l’agriculture. Au regard des enjeux essentiels de préservation de l’environnement, elle déplore que l’opportunité de décentralisation offerte par le transfert de compétence en matière de transition écologique de l’État vers les régions en février 2022, puisse desservir le territoire et sa biodiversité. Le dispositif Natura 2000 est un réseau de sites écologiques créé par l’Union européenne suite au sommet de Rio en 1992. L’objectif était de mettre en place une politique de préservation de la diversité biologique et du patrimoine naturel à l’échelle de l’UE. Ainsi, chaque État membre a identifié sur son territoire les espèces animales et végétales ainsi que les habitats « en danger de disparition, vulnérables, rares ou endémiques »1 , définis comme étant d’intérêt communautaire. Vers une baisse des subventions du réseau Natura 2000 en Auvergne-Rhône-AlpesEn France, le réseau Natura 2000 mobilise des fonds nationaux sous forme de crédits de l’État2 à hauteur de 60%, ainsi que des fonds européens à 40%, notamment via le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen de développement régional (FEDER). Sur la période 2007-2013, le budget annuel moyen consacré à la gestion et à l’animation des sites français était de 150 millions d’euros. En Auvergne-Rhône-Alpes, le réseau Natura 2000 compte 260 sites et couvre 13,3% du territoire. En août dernier, le président de la région a annoncé sa volonté d’allouer entièrement le montant des crédits FEADER au secteur spécifique de l’agriculture, faisant de la région la seule qui a choisi de ne pas flécher les crédits de cette enveloppe vers Natura 20003. Il explique que cette décision est motivée par la baisse de 20% des crédits FEADER pour la période 2023-2027, qui expose au risque d’une baisse globale de l’aide au monde agricole. La région explique vouloir favoriser les investissements de compétitivité des exploitations agricoles. Pourquoi préserver la biodiversité ?Les travaux du Shift Project insistent sur le fait que le déclin actuel de la biodiversité résulte en partie du réchauffement climatique, lié aux activités humaines qui exercent de surcroît des pressions directes majeures sur les écosystèmes4. Or, la biodiversité joue un rôle fondamental dans la régulation du climat. L’objectif de neutralité carbone implique la préservation des « puits de carbone » naturels que représentent les forêts, les zones humides, les océans et les sols, qui ont une capacité à stocker d’importantes quantités de CO2. Même si le dispositif Natura 2000 protège uniquement la biodiversité rare et menacée, il permet de lutter contre l’uniformisation de la biodiversité qui est un facteur majeur de son érosion globale. Cette uniformisation se traduit en effet par un renforcement de la proportion des espèces dites généralistes aux dépens de celle des espèces dites spécialistes, phénomène observé au cours de toutes les grandes crises d’extinction. De fait, les espèces les plus menacées sont précisément les espèces spécialistes, qui s’adaptent difficilement aux perturbations de leurs milieux. La pertinence du dispositif Natura 2000 est donc manifeste. Le choix d’un développement agricole et économique au détriment de la préservation du vivant ?Cette décision de la région alimente une opposition stérile entre agriculture et préservation de l’environnement, alors que la transformation des modèles agricoles nécessite de favoriser la biodiversité, et est essentielle pour la résilience des systèmes alimentaires face au changement climatique. Les subventions Natura 2000 participent au financement de programmes d’actions à destination des citoyens et en faveur des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Dans le cadre de contrats spécifiques, les agriculteurs sont notamment accompagnés à la mise en œuvre de mesures agroenvironnementales (préservation des zones humides, labour des prairies, installation de haies) sur leurs terrains grâce à une indemnisation de la différence entre les surcoûts et la perte de revenus par rapport aux pratiques conventionnelles5. Certains agriculteurs risquent donc d’être pénalisés par cet abandon dans leur désir de gérer leurs exploitations en accord avec la préservation de l’environnement. Le dispositif Natura 2000 offre un accompagnement précieux pour les agriculteurs, qui prend toute sa valeur dans une stabilité à long terme. La généralisation de l’agroécologie est identifiée par le Shift Project comme l’une des clefs de la décarbonation du secteur agricole d’ici 2050 et du développement d’un modèle capable d’adaptation. L’agroécologie est une approche globale permettant une plus grande diversité génétique et paysagère, un usage économe des ressources en eau et énergie, et une meilleure protection des milieux. Le Plan de transformation de l’économie française (PTEF) rappelle que l’homogénéisation des systèmes agricoles et la généralisation des pratiques intensives sont largement responsables du déclin de la biodiversité en Europe6. En opposition, l’agroécologie s’insère dans une démarche de préservation des milieux naturels, notamment par l’amélioration de la qualité des sols. En effet, cette pratique permet d’augmenter la teneur des sols agricoles en matières organiques, ce qui favorise la séquestration du carbone atmosphérique7. La bonne mise en œuvre de la politique Natura 2000 repose sur le dialogue entre les acteurs locaux, au sein d’un comité de pilotage, qui élaborent un document d’objectifs dont le suivi est assuré par des animateurs de site8. Ces derniers sont garants de l’application effective du document d’objectifs Natura 2000 et de la gestion des sites. La perte des subventions FEADER dans la région pourrait avoir comme effet de supprimer 100 à 200 postes, menaçant directement la pérennisation du dispositif. ConclusionLa décision de la Région Auvergne-Rhône-Alpes est incompatible avec les objectifs de transition écologiques et les préconisations du Shift Project en termes d’actions à mener. Si la transition écologique doit être territorialisée afin de tenir compte des spécificités locales, une région ne devrait pas fixer ses objectifs sans se soucier de sa contribution à plus grande échelle, notamment à la limitation du changement climatique et la préservation de la biodiversité. 1 www.ecologie.gouv.fr/reseau-europeen-natura-2000-0 2 Ces derniers proviennent principalement des ministères chargés de la Transition écologique et de l’Agriculture. 3 Depuis la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration) du 21 février 2022, les financements alloués aux sites Natura 2000 ne sont plus gérés par l’État, mais par les régions. 4 Pertes principalement liées à la monoculture des terres agricoles et la surexploitation des espèces animales, à la destruction et la fragmentation des milieux naturels qu’engendre l’urbanisation, et à la pollution des eaux, des sols et de l’air. 5 www.natura2000.fr/sites/default/files/references_bibliographiques/analyse_maec_n2000-1.pdf 6 theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/04/TSP-PTEF-V1-FL-Agriculture.pdf 7 Des sols riches en matières organiques stockent davantage de carbone et limitent les émissions de protoxyde d’azote. Outre l’augmentation de la séquestration du carbone atmosphérique, ces pratiques agricoles sont à favoriser en elles-mêmes car elles ont aussi une grande pertinence agronomique. – librairie.ademe.fr/cadic/6936/feuilleton_sols_transitions2050_ademe.pdf 8 www.ecologie.gouv.fr/reseau-europeen-natura-2000-0 Liens utiles : |
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