La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2022 | Semaine 50Aujourd’hui, un peu de contenu pour vous réchauffer le cerveau… Alors que l’examen du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables entame sa 2e semaine à l’Assemblée Nationale, nous vous proposons une présentation rapide du texte et l’analyse synthétique des Shifters. Bonne lecture (et restez couverts !) |
Sommaire |
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Notre sélection de la semaineQuestions émissions |
Notre sélection de la semaine |
Projet de loi relatif à l'accélération de la production d’énergies renouvelablesProjet porté par Le Gouvernement Alors que la menace de coupures de courant pour délestage se précise avec les froids hivernaux et permet d’illustrer très concrètement les contraintes énergétiques auxquelles nous serons toujours plus confrontés, le Gouvernement cherche à compenser les retards accumulés dans l’évolution du mix énergétique français. Son projet de loi relatif à « l’accélération de la production d’énergies renouvelables », adopté à une large majorité au Sénat le 4 novembre 2022, a connu la semaine dernière et jusqu’à hier lundi des débats mouvementés à l’Assemblée nationale. De fait, en 2020, la France était le seul État membre à ne pas avoir atteint la cible de 23 % de renouvelables fixée par l’Union européenne, avec risque d’amende. Cette part ressort à seulement environ 13 % de l’énergie primaire1 et de 19 % de la production électrique française (12 % d’hydraulique qui plafonne et 7 % de photovoltaïque + éolien, à fort potentiel). Il est plus que temps de se ressaisir, considérant l’objectif gouvernemental pour 2050 de multiplier par dix la production d’énergie solaire, de déployer 50 parcs éoliens en mer et de doubler la production d’éoliennes terrestres. Ce que prévoit le projet de loiLe projet de loi « vise à lever des verrous administratifs et de procédure pour diviser par deux les délais de déploiement des projets de production d’énergie bas carbone ». Il s’articule autour de quatre axes :
Ce qu’en pensent les ShiftersPour mettre toutes les chances de notre côté, il faut mener les efforts de front : sobriété, efficacité, nucléaire (auquel un projet de loi sera bientôt consacré), et renouvelables dont il convient effectivement d’accélérer le déploiement. Saluons ici l’amorce d’un arsenal de procédures juridiques permettant de mieux accompagner les indispensables changements de nos systèmes énergétiques et plus largement économiques, face aux défis du changement climatique2. Même si certaines mesures de simplification sont temporaires, elles permettent d’expérimenter : une pérennisation sera à envisager, ou pas, le cas échéant. Par ailleurs, les débats parlementaires sont bienvenus dans la mesure où ils participent à l’appropriation de ces enjeux, à la condition toutefois de voter un texte de consensus et de le mettre en œuvre rapidement. Plus la France tarde à lancer les indispensables grands travaux d’infrastructures d’énergies renouvelables, plus les coûts seront élevés pour acquérir les métaux nécessaires, en voie de raréfaction pour certains. Et plus la sobriété imposée sera forte en 2050. Force est de constater que certaines positions parlementaires illustrent une médiocre connaissance des enjeux climatiques long terme. La notion de « saturation visuelle » (véritable nid à contentieux par son imprécision) ou les mesures d’éloignement des mâts d’éoliennes paraitraient assez spécieuses aux habitants dont les villages ont jadis été engloutis par la construction de barrages hydrauliques, dont nous sommes tous heureux de profiter aujourd’hui de la production électrique. En revanche, il est légitime de s’assurer que le principe louable de partage avec les acteurs locaux de la valeur économique créée soit correctement décliné à l’échelle locale et micro-économique, en fonction des contraintes effectivement subies par chacun. L’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France que les débats semblent avoir imposé risque également de poser problème, même si plus de souplesse leur est demandée en contrepartie3. Il faudra que les décrets d’application soient assez clairs et limitatifs à cet égard. Enfin, signalons l’amendement adopté prévoyant de recouvrir les toitures des bâtiments non-résidentiels de peinture blanche3, une mesure de bon sens pour lutter contre les îlots de chaleur, dont le champ devrait être étendu. 1 Les énergies renouvelables en France | Chiffres clés des énergies renouvelables : www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables-2021/1-les-energies-renouvelables-en-france 2 The Shift Project – « Scénarios énergie-climat : Évaluation et Mode d’emploi » : le nouveau rapport du Shift en partenariat avec l’Afep – Novembre 2019 : theshiftproject.org/article/scenarios-energie-climat-evaluation-mode-emploi-rapport-shift/ Liens utiles : |
Questions émissions |
Audits énergétiques des "passoires thermiques" : le marché immobilier secoué ?Portée par M. Vincent Ledoux (Renaissance - Nord) Le député Vincent Ledoux appelle l’attention de la ministre de la Transition énergétique sur l’audit énergétique des logements classés F ou G suite à un diagnostic de performance énergétique (DPE). Cet audit a été rendu obligatoire par la loi Climat et résilience du 24 août 2021. Toutefois, malgré la publication du décret et de l’arrêté, le Gouvernement a estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour l’entrée en vigueur de cette obligation. Cette mesure demeure pourtant vivement attendue. Aussi le député Ledoux demande-t-il au Gouvernement de bien vouloir lui indiquer l’action entreprise pour permettre dans les meilleurs délais sa mise en œuvre. L’audit énergétique : pour quoi faire ?À l’heure de la nécessaire sobriété énergétique, dans un contexte d’approvisionnement et de production tendu, rappelons que le secteur du bâtiment représente 44 %1 de l’énergie consommée en France et que les bâtiments résidentiels sont à eux seuls responsables d’un dixième des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France . Le parc résidentiel est vieillissant, avec plus de la moitié des bâtiments construits avant 1975, et peu renouvelé, au rythme de 1 % à 2 % par an. Il devient critique de mettre en place des leviers d’amélioration de la performance énergétique (et environnementale) des logements. La réalisation d’un audit énergétique par un professionnel compétent permet de dresser l’état actuel de performance du logement, mais surtout de fournir des recommandations sur les travaux à engager pour l’améliorer. Quelle est la situation actuelle ?L’obligation légale conduit à une hausse de la demande de diagnostics, auprès de professionnels déjà fortement sollicités par les entreprises soumise au décret éco-énergie tertiaire sur leurs bâtiments. Il y a donc un déséquilibre entre l’offre et la demande, qui devrait s’aggraver puisque l’obligation d’audit sera étendue d’ici 2025 et 2028 aux logements étiquetés E et D respectivement. Cela conduit le Gouvernement à repousser une fois de plus l’entrée en vigueur de cette obligation, prévue pour le 1e avril 2023. En outre, pour rappel, l’interdiction à la location les logements dits « passoires thermiques », ayant un DPE de classe F et G, entrera en vigueur en janvier 2023, visant à inciter les propriétaires à engager des travaux. Cette politique risque cependant de rester un peu courte : le marché enregistre déjà une tendance des propriétaires-investisseurs à renoncer face au coût et à la complexité de la rénovation (notamment en copropriété) et à revendre2. Un déséquilibre risque de se creuser jusqu’à devoir déplorer, dans quelques années, plusieurs milliers de candidats locataires ne trouvant pas à se loger3, et presque autant de primo-accédants propriétaires des mêmes passoires thermiques, achetées à prix décotés à défaut d’alternatives, mais toujours pas rénovées. Ces constats rejoignent les préconisations du Plan de transformation de l’économie française (PTEF) pour une montée en puissance rapide de la filière de rénovation, la rénovation des logements les plus énergivores et consommateurs d’énergie carbonée en priorité, ainsi que la rénovation globale en une fois des logements dont l’étiquette DPE est inférieure à C pour les emmener vers les classes A, B et C. Vers une transformation du secteur de l’emploi dans le domaine énergétique ?Le PTEF identifie un besoin croissant d’ingénieurs pour les rénovations thermiques et de maîtres d’œuvre pour la coordination des différents métiers. Il mise sur une hausse d’activité dans les domaines du diagnostic et de l’audit énergétique, mais une baisse dans celui de la promotion immobilière. Il avance des pistes de réponse à ces besoins, telles que le développement de la formation continue, le renforcement de l’attractivité des métiers de rénovation, qui commence à se lancer à une échelle locale, ou encore la reconversion des actifs hors BTP vers les métiers de la rénovation. Force est de constater que, à l’heure actuelle, rien ne semble garantir une application de l’obligation en avril 2023. En conclusion :
1 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 2021 Liens utiles : |
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