La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2022 | Semaine 47

Bon matin !
À la Gazette, nous faisons aujourd’hui un focus mobilité :
- Premièrement, nous répondons à la question d’un député sur la pertinence de l’utilisation du fret fluvial en zone urbaine en remplacement du fret routier (avec ou sans propulsion hydrogène).
- Le vélo est ensuite mis à l’honneur dans un second article puisque le Plan vélo fête cette année ses 4 ans, l’occasion de présenter les leviers d’action supplémentaires à enclencher rapidement pour placer le vélo au cœur de la mobilité quotidienne des français.

Bonne lecture !

Sommaire

Questions émissions

Réflexions décarbonées

Questions émissions

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L'hydrogène pour le fret fluvial : un levier d'action pour décarboner le transport de marchandises ?

Portée par M. Jean-François Portarrieu (Horizons et apparentés - Haute-Garonne)

Le député Jean-François Portarrieu interroge le ministre en charge des Transports sur l’opportunité d’utiliser des péniches propulsées à l’hydrogène (projet Hybarge) pour réduire le recours au fret routier lors de l’évacuation de gravats, notamment dans le cadre du chantier de la 3ème ligne de métro de Toulouse, en cours de construction.

Intérêt du transport fluvial

The Shift Project affirme l’intérêt d’un transport de marchandises et de matériaux massifié, et d’un report sur la voie fluviale. Selon son Plan de transformation de l’économie française (PTEF), le remplissage des véhicules sur la route doit être augmenté, ce qui passe par la mutualisation systématique des flux et des trajets, ainsi que par une réduction des cadences de transport, pour transporter plus et moins souvent. Il précise également que, même sans avancée technologique, tout transport autre que routier thermique permet de décarboner. Une barge Freycinet est équivalente à 30 poids lourds, tandis qu’une barge Grand Rhénan déplace autant de marchandises que 100 poids lourds, pour une division du taux d’émission de CO2 par km allant de 2 à 5.

À noter qu’aujourd’hui, la très grande majorité des bateaux est encore à propulsion thermique avec une motorisation diesel. Toutefois, même dans ces conditions, le report du fret routier vers le transport fluvial reste vertueux pour la réduction des émissions de GES.

De plus, ce mode de transport parait bien adapté à l’évacuation des déchets de construction en milieu urbain puisqu’il évite d’aggraver la congestion routière qu’aurait générée leur évacuation par camions, et réduit les émissions de particules, en particulier avec une propulsion à l’hydrogène.

La propulsion des barges à l’hydrogène est-elle une solution pertinente de décarbonation ?

Dans les transports, l’intérêt de l’hydrogène a surtout été identifié (notamment par le Gouvernement français) pour les modes de transport lourds, auxquels appartient le fret fluvial. Toutefois, actuellement, l’offre en hydrogène « vert », c’est-à-dire produit en utilisant des énergies non-carbonées, est très faible sur le marché. En effet, 96 %1 de la production d’hydrogène est réalisée à partir d’énergies fossiles et est extrêmement polluante : cet hydrogène est désigné sous le nom d’hydrogène « gris ».

Il convient donc de destiner en priorité l’hydrogène « vert » à des usages industriels n’ayant pas d’alternative (métallurgie, production des engrais de synthèse, etc.) pour lesquels l’hydrogène « gris » est actuellement utilisé, tandis que d’autres solutions existent pour le transport (batteries, bioGNV, etc.).

Cela ne doit pas empêcher cependant le développement de solutions hydrogène pour les transports lourds, afin de préparer le moment où l’offre en hydrogène « vert » sera suffisamment développée pour couvrir les besoins de l’industrie et une partie de celle de la mobilité lourde2.

1 RTE. Hydrogène vert : mythe ou réalité ? – www.rte-france.com/wiki-energie/hydrogene-vert-mythe-realite

2 Carbone 4. Entre illusions et scepticisme, quel rôle pour l’hydrogène dans la mobilité décarbonée ? – 22/10/2020 – https://www.carbone4.com/decryptage-hydrogene-mobilite-decarbonee

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Réflexions décarbonées

Le Plan vélo fête ses 4 ans : comment le rendre encore plus efficace pour déconstruire le "système voiture" ?

Le Gouvernement

Le Plan vélo et mobilités actives initié par le Gouvernement en 2018 fête ses 4 ans. La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé le 20 septembre une nouvelle dotation de 250 M€. Le Plan vélo vise l’augmentation de la part modale du vélo de 3 % à 9 % d’ici 2024. Au même moment, la climatologue Valérie Masson-Delmotte et le président de la Fédération française des usagers de la bicyclette Olivier Schneider appellent l’État à engager un véritable « Plan Marshall du vélo » pour accélérer la planification écologique1.

À l’heure où la décarbonation des mobilités s’impose comme une urgence, la « petite reine » possède des atouts considérables pour remplacer la voiture sur les trajets de courte distance. La mobilité quotidienne est responsable d’environ 14 % des émissions françaises de GES2, soit la moitié des émissions du secteur des transports, et reste fortement dominée par la voiture thermique (83 %). D’après The Shift Project, les mobilités actives (marche à pied ou vélo) combinées aux transports en commun pourraient efficacement remplacer la voiture sur une grande partie des déplacements quotidiens. Le contexte réglementaire évolue de manière favorable aux aménagements cyclables, depuis la loi sur l’air et l’énergie (LAURE) de 1996 jusqu’à la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019.

Extension du domaine du vélo : planifions la fin du « système voiture »

Le vélo représente un puissant levier de réduction des émissions de GES. Mettre le vélo au cœur des territoires entraîne des co-bénéfices certains pour la mobilité bas carbone, le cadre de vie et la santé publique, tout en en favorisant l’activité physique et la réduction de la pollution. La pratique du vélo doit encore changer d’échelle et se massifier en milieu urbain comme rural. En particulier, le vélo à assistance électrique (VAE) représente une véritable alternative à la voiture pour les déplacements quotidiens : une étude de l’ADEME révèle que 63 % des utilisateurs de VAE se servaient auparavant de leur voiture pour ces mêmes trajets3.

Localement, la programmation doit être axée vers la promotion du vélo et la réduction de l’espace disponible pour la voiture, notamment au travers du schéma directeur cyclable4 — l’outil de planification de référence pour le vélo. Articulé aux documents de planification5, ce schéma entend assurer un maillage et une continuité des aménagements cyclables sur le territoire. Nourri d’une réflexion globale sur les transports, le schéma directeur vélo interroge l’intermodalité, les plans de circulation des véhicules motorisés et la hiérarchisation du réseau viaire, tout en programmant les investissements pluriannuels requis.

L’incitation à l’usage du vélo passera également par la déconstruction du « système voiture ». Après des décennies de politiques favorables à l’automobile, l’usage du vélo doit être encouragé par des mesures fortes comme la réduction des distances de déplacement par la diversification et la densification des tissus urbains, la limitation de la vitesse de circulation et du nombre de places de stationnement, ainsi que par une refonte de la fiscalité, cette dernière étant encore trop favorable aux voitures individuelles.

Augmenter les financements vers le vélo

L’apport de 250 M€ au plan vélo devrait favoriser des investissements dans les infrastructures et le stationnement en zones périurbaines et rurales. Selon The Shift Project toutefois, malgré une volonté de déployer des mobilités actives décarbonées, les moyens alloués à la mise en place d’un « système vélo » sont encore insuffisants6. Certes, le fonds de soutien aux mobilités actives et de nombreux financements nationaux et locaux7 soutiennent le développement du vélo, mais ils ne suffiront vraisemblablement pas à atteindre les objectifs d’augmentation de la part modale du vélo à 9 % d’ici 20241. La Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) estime à 2,5 Mds€ l’investissement nécessaire à l’atteinte de cet engagement du Gouvernement.

Pour se rapprocher des résultats constatés dans certains pays européens8, les investissements publics en faveur du vélo devraient s’élever à 30 €/an/hab, soit bien plus que les montants actuellement consacrés9. Par ailleurs, les fonds mobilisés par l’État sont majoritairement redistribués sous forme d’appels à projets, une limite de cette méthode étant de pénaliser les collectivités peu outillées en ingénierie territoriale sur le sujet10.

Par ailleurs, le coût d’acquisition d’un vélo — 2000 € en moyenne pour un VAE — reste élevé pour les ménages, et le système d’aides associé n’est pas toujours lisible.

Renforcer le maillage territorial, la sécurité routière et l’envie de pédaler

La priorité réside dans le renforcement du maillage d’infrastructures cyclables sur le territoire, particulièrement les territoires peu denses. « Doubler le réseau cyclable français d’ici cinq ans », tel est l’objectif avancé par la FUB. À cette fin, l’expérimentation de bandes et aménagements cyclables s’avère utile pour améliorer rapidement la circulation à vélo et en favoriser l’acceptabilité. Par ailleurs, la réglementation et la signalisation sur les voies cyclables à double-sens et la réduction de la vitesse automobile à 30 km/h permettent d’améliorer la sécurité des cyclistes. Des aménagements vélo séparés (voies vertes, pistes cyclables), notamment dans les zones de circulation dense, renforcent également la sécurité, tout en visant une diminution du trafic routier. Une attention particulière doit être apportée aux intersections, lieux de conflits potentiels, ainsi qu’aux continuités.

Enfin, le renforcement de la sécurité11 des stationnements vélo est essentiel pour généraliser les déplacements quotidiens. Réduire de nombre de places de stationnement motorisé ou les réorienter en périphérie, développer des emplacements sécurisés pour cycles constituent des pistes prometteuses pour favoriser l’essor du vélo. La structuration d’une filière vélo est également l’un des axes importants du développement d’une industrie bas carbone, créatrice d’emplois.

1 Le Monde. Tribune « Valérie Masson-Delmotte et Olivier Schneider : « L’Etat doit engager un plan Marshall pour le vélo » » – 14/09/2022 – www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/14/valerie-masson-delmotte-et-olivier-schneider-l-etat-doit-engager-un-plan-marshall-pour-le-velo_6141515_3232.html

2 The Shift Project, Climat, crises. Le plan de transformation de l’économie française, Paris, Odile Jacob, 2022

3 L’ADEME. Développer le système vélo dans les territoires. Octobre 2021 – librairie.ademe.fr/cadic/5357/cahier-developper-le-systeme-velo-01431.pdf

4 Pour les collectivités (EPCI, communes, collectivités compétentes pour la gestion d’un réseau routier). Idéalement à l’échelle de l’Établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

5 Plan de mobilité, SCOT, SRADDET, PLU (i)…

6 The Shift Project. « Plan vélo » : peut (beaucoup) mieux faire – 20/09/2018 – theshiftproject.org/article/plan-velo-peut-beaucoup-mieux-faire/

7 Pour l’État : fonds de soutien aux mobilités actives, plan de relance, plan vélo, dotation de soutien à l’investissement pour les mobilités durables.

8 Part modale de la bicyclette de 27 % aux Pays-Bas, 18% au Danemark.

9 S’il n’existe pas encore d’étude actualisée concernant les dépenses publiques en faveur du vélo, les investissements des collectivités territoriales étaient estimés à 8,9 euros/hab en 2019, contre des niveaux atteignant 25 à 30 €/an/hab dans des pays du Nord de l’Europe.

10 La Gazette des communes. Plan vélo : les collectivités vont devoir carburer – 20/09/2022 – www.lagazettedescommunes.com/825882/plan-velo-les-collectivites-vont-devoir-carbure/?abo=1

11 Compter au minimum 1000 euros pour sécuriser des box vélo : www.mairesdefrance.com/m/article/?id=1448

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