La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2022 | Semaine 36C’est la rentrée ! La Gazette est de retour pour vous proposer, chaque mardi, des analyses énergie-climat sur les travaux de nos décideurs publics. Bonne lecture ! |
Sommaire |
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Questions émissionsRéflexions décarbonées |
Questions émissions |
Le transport routier de marchandises face à la hausse des coûts de l’énergiePortée par M. Yves Bouloux (sénateur de la Vienne - Les Républicains) La situation économique des entreprises de transport routier de marchandises est régulièrement mise en avant par les parlementaires, en particulier depuis la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Yves Bouloux, sénateur Les Républicains, souligne dans une question au ministre la tension économique sur le secteur liée à différents facteurs qui se cumulent. Rappelons tout d’abord quelques chiffres clés sur le fret, issus du Plan de transformation de l’économie française (PTEF) : en moyenne, chaque année, 27 tonnes de marchandises sont transportées sur environ 200 km pour chaque Français. Cette activité est responsable de 9 % des émissions de gaz à effet de serre du territoire. Elle est assurée à 89 % par la route et à 9 % par le fer. Elle est donc très dépendante des énergies fossiles et, de ce fait, de toute fluctuation de prix de l’énergie. Or, le transport de marchandises est indispensable à nos modes de vie actuels, c’est pourquoi la décarbonation de ce secteur pour le rendre plus résilient aux futures contraintes énergétiques semble obligatoire. Revenons au sujet soulevé par le sénateur. Yves Bouloux dénonce l’impact de la hausse des prix de l’énergie et notamment du gaz et du gazole sur les charges des entreprises du transport routier de marchandises (TRM). Il rappelle que les objectifs environnementaux sont également des sources de coûts supplémentaires du fait de la fiscalité et des investissements associés. En réponse à cette tension économique, le sénateur présente les propositions de la Fédération des transports routiers pour pallier la hausse prévisionnelle de 4,5 à 4,8% des coûts de revient sur l’année 2022. La première mesure demandée par la Fédération des transports routiers est le gel de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) à un forfait de 20,71 euros/hl. Elle est contraire à la politique nationale inscrite dans la Loi climat et résilience, et contredit le PTEF qui préconise de résilier l’exemption des droits d’accise sur le pétrole. La hausse des coûts de l’énergie reste un problème important puisqu’elle est souvent reportée sur les clients finaux du transport routier de marchandises et impacte le pouvoir d’achat. Cependant d’autres leviers, non fiscaux, pourraient être mobilisés pour limiter cet impact :
Les deux autres mesures proposées par le sénateur, à savoir la mise en place d’un Grenelle pour le transport routier et la lutte contre la concurrence déloyale, semblent pertinentes :
Plus globalement, la transition du secteur du transport de marchandises est peu compatible avec les logiques de flux tendus et de satisfaction immédiate des besoins des consommateurs qui prévalent dans les entreprises. Leur remise en cause et la sensibilisation du grand public aux impacts écologiques des livraisons sont souhaitables pour diminuer les tensions et la pression sur le secteur. 2 Conseil d’Orientation des infrastructures. Bilan et perspectives des investissements pour les transports et les mobilités. Mars 2022. Liens utiles : |
Réflexions décarbonées |
Les territoires portuaires face à la transitionArticle publié par le journal Techniques de l'ingénieur et analysé ci-dessous par les Shifters Cet entretien réalisé à l’occasion des premières Rencontres de l’ingénierie maritime permet à Geoffroy Caude1 de pointer les défis de transition des territoires portuaires. Un peu de contexte… Lorsque l’on parle de territoires portuaires, le premier poste d’émissions qui vient à l’esprit est sans doute celui du trafic maritime au port et dans les approches portuaires. Cependant, ce poste est à relativiser. Un rapport conjoint de France Stratégie et du CGEDD « Prospective 2040-2060 des transports et des mobilités » publié en Février 2022 indique qu’en réalité, le principal enjeu en termes de réduction d’émissions de GES de ces territoires est à chercher du côté de l’industrie : en effet, plus du tiers des émissions de CO2 de l’industrie en France se situent dans les zones industrielles de Dunkerque, d’Haropa et de Marseille-Fos2. Quels sont les défis de transition des zones portuaires ? Pour Geoffroy Caude il s’agit du numérique et de l’énergie. .« Les établissements portuaires [doivent] se donner la capacité de limiter leurs propres émissions de gaz à effet de serre ou de polluants atmosphériques et celles des industriels ou des autres activités émettrices présents sur leur territoire ». Ceci signifie entre autres que « les zones portuaires doivent intégrer un volet d’économie circulaire ». Elles doivent aussi mettre l’accent sur de nouvelles énergies comme l’éolien, pour laquelle la France est en retard sur d’autres pays européens. Les raisons tiennent dans des facteurs naturels et des procédures qui doivent être améliorées en étant « plus attentifs à associer tous les publics concernés à tous les stades du projet ». La production d’électricité éolienne appelle un travail de planification spatiale maritime tant dans les zones d’implantation que dans les zones d’assemblage ou de maintenance au sein du port. Ce qu’en pensent les Shifters La gestion de cette transition est complexe. Il est difficile de prévoir la croissance des flux de marchandises et des rejets carbonés à traiter car il faut tenir compte à la fois de l’évolution structurelle des industries et des mutations dans l’usage des énergies. La réduction des vitesses de navires n’est pas inéluctable. Des solutions technologiques variées permettraient d’éviter ce recours radical. La vision proposée par Geoffroy Caude est réaliste par rapport aux enjeux. Les outils évoqués – l’entretien est bref – sont classiques et souvent en concordance avec les analyses du Shift Project. Est envisagée la décarbonation par l’usage de nouvelles technologies sachant qu’une solution unique ne réglera pas tout. Sont aussi convoquées les énergies renouvelables que sont l’éolien et le photovoltaïque ou encore le recours à l’économie circulaire. Ces éléments, sont également sous-jacents dans le PTEF. Enfin, le terme de sobriété semble enfin infuser dans de multiples discours au point de représenter un objectif presque naturel3. L’un des points les plus novateurs est l’idée de planification spatiale maritime :
Toutefois, miser sur la technologie pour répondre aux enjeux de transition du secteur doit être nuancé. Les technologies opérationnelles pour atteindre une décarbonation efficace d’ici à 2050 sont déjà dans les tuyaux. Il ne faut pas miser sur des technologies non matures, donc à l’efficacité et à la massification très incertaine. Par ailleurs, une diminution de l’activité doit être envisagée pour aller dans le sens de la sobriété. Comme le rappelait récemment J.M. Jancovici5, s’il est parfois possible de faire la même chose avec moins d’énergie, dans d’autres cas, il faudra produire moins pour diminuer notre empreinte carbone collective. L’entretien ne semble pas évoquer la remise en cause du modèle mais plutôt la recherche de solutions adaptatives pour qu’il perdure. Le fond de la question soulevée n’est donc pas tant de savoir si ce qui est envisagé est pertinent mais plutôt de connaître dans quel modèle l’inscrire et à quelle logique cette transition doit-elle contribuer. 1 Membre permanent du Conseil général de l’environnement et du développement durable, spécialiste des ports maritimes et des voies navigables 2 France Stratégie, CGEDD. Propective 2040-2060 des transports et des mobilités : www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/prospective_2040-2060_des_transports_et_des_mobilites_-_rapport_de_synthese_-_fevrier_2022.pdf 3 Sur l’évolution du vocable gouvernemental concernant la sobriété, la tribune publiée le 1er septembre 2022 : www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/01/le-mot-sobriete-est-desormais-sur-toutes-les-levres-d-elisabeth-borne-au-patron-du-medef_6139739_3232.html Liens utiles : |
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