La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2022 | Semaine 30Alors que la Commission européenne se penche sur la sécurisation de la situation énergétique en Europe face au menace de la fin d’approvisionnement du gaz russe, les États membres de l’Union européenne, pouvant influencer grandement la réussite de ce projet n’ont pas encore dit leur dernier mot. Le récent projet de loi sur le pouvoir d’achat en France en est un bon exemple, et ce n’est pas rassurant au sujet de nos dépendances aux énergies fossiles. |
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Réflexions décarbonées |
Réflexions décarbonées |
Un plan européen pour retrouver une souveraineté énergétiqueArticle paru dans Contexte Energie le 21 juillet 2022 et analysé par les Shifters Il n’aura échappé à personne que le contexte géopolitique tendu depuis le mois de mars 2022 a de multiples conséquences sur notre vie de tous les jours, et que la situation n’est pas près de s’améliorer. Les réductions d’approvisionnement énergétique par la Russie, en réponse aux sanctions économiques décidées par l’Europe, pourraient avoir de lourdes conséquences dans les mois à venir. Les grands fournisseurs d’énergie ont déjà incité à réduire les consommations des entreprises et des ménages en prévision de la saison hivernale. C’est au tour de la Commission européenne de prendre des mesures pour tenter de sécuriser la situation énergétique en Europe. Ce plan européen1 paru le 20 juillet est un nouvel outil réglementaire aux mesures uniquement incitatives pour le moment, mais qui, en théorie, encadre les travaux menés dans les États membres. Il est à noter que ce texte déroge au principe historique de la Commission de ne pas prendre de mesures visant une source d’énergie donnée. Réduire de 15% la consommation de gaz entre le 1er août et le 31 mars 2023… Cet objectif défini par la Commission concerne tous les États membres et permettrait une économie de 45 milliards de m3 de gaz2, ce qui éviterait à l’Europe une rupture d’approvisionnement au cas où le robinet russe serait complètement coupé. La proposition de règlement doit être étudiée par le Conseil des ministres européens de l’énergie dans les jours à venir, compte tenu de l’urgence à anticiper les répercussions négatives sur les secteurs industriels et de l’imminence du 1er août. Par des mesures immédiates dans le secteur de l’industrie… Si la Commission européenne a fixé un objectif global, la définition et la mise en application des plans d’action pour y parvenir sont du ressort des États membres. La Commission insiste cependant sur la nécessité de focaliser ces mesures dans un premier temps sur le secteur industriel pour épargner les ménages. Elle encourage ainsi les mécanismes d’enchères ou d’appels d’offres qui permettent de compenser financièrement les industries souhaitant réduire leur consommation de gaz, et promet d’assouplir l’encadrement des aides aux industriels. Si ces mesures n’étaient pas suffisantes, la Commission européenne envisage de réduire ou stopper l’approvisionnement aux industries jugées « non essentielles » identifiées par une liste définie au niveau européen. Il est donc urgent que les États membres se penchent sur le sujet de manière à adapter les plans d’action à chaque industrie, afin d’encourager la réduction de consommation tout en intégrant les spécificités de chaque secteur. Le Plan de transformation de l’économie française (PTEF) du Shift Project, dans sa partie industrie, dresse justement, pour la France, un état des lieux par grande filière (sidérurgie, ciment et béton et chimie). Bien qu’orienté vers la réduction des émissions de carbone et non uniquement de la consommation de gaz, ce plan peut servir ce base de réflexion. … financées par l’argent public… Certaines mesures bénéficieront de l’appui financier de l’Europe, en particulier celles visant à diminuer le recours au gaz pour privilégier un passage aux énergies renouvelables, à l’énergie nucléaire voire à certains combustibles fossiles au cas par cas. La possibilité de remplacer le gaz par des « combustibles fossiles plus polluants » ne doit pas être prise à la légère mais dûment encadrée, y compris dans le temps. L’enjeu est d’éviter les effets en cascade futurs qui obéreraient la logique de décarbonation des activités humaines, telle que présentée dans le PTEF mais aussi dans les objectifs européens de souveraineté énergétique et de préservation du climat. Il faut le rappeler : quoi qu’il arrive, les stocks d’énergie fossile sont finis. Les travaux du Shift Project sur le pétrole et le gaz naturel montrent la déplétion en cours des différents réservoirs alimentant l’Europe. Que ce soit pour des raisons géopolitiques à court terme ou des raisons physiques à moyen terme, l’Europe devra sortir du gaz. Il faut donc se garder de remplacer une crise d’approvisionnement imminente par une nouvelle dépendance, doublée de la pression économique durable d’investissements décidés à la hâte. Les États membres doivent se saisir de cette situation de crise pour orienter dans le bon sens leur usage de l’énergie. Les débats actuels à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi sur le pouvoir d’achat renseignent sur la position probable de la France vis-à-vis de ces mesures et font craindre des effets à long-terme portant préjudice aux ambitions nationales en matière de réduction des émissions carbones3. Pour rappel, pour retrouver une prétendue « souveraineté énergétique », ce projet de loi autorise notamment l’augmentation des capacités de stockage, d’importation et de traitement d’énergies fossiles en France (sachant que le gaz naturel émet 10 à 40 fois plus de CO2 que les énergies renouvelables)4. Par ailleurs, l’Agence France Presse indique ce 25 juillet que la France « ne veut pas d’un objectif de réduction uniforme en Europe » mais souhaite une analyse au cas par cas de la situation de chaque État membre. La France dépend effectivement peu de l’approvisionnement russe ; elle estime en outre ne pas être en mesure de pouvoir exporter 15% de sa production vers l’Allemagne même en cas d’une réduction équivalente de consommation de gaz sur le territoire. Les causes principales invoquées sont la taille limitée des gazoducs et les médiocres capacités d’interconnexion entre l’Allemagne et la France. Nous avons encore du travail avant d’espérer réduire nos consommations énergétiques si, même en situation d’urgence, les États membres ne font pas preuve davantage de solidarité et surtout de sobriété quand l’énergie vient à manquer chez leurs voisins. 1 energy.ec.europa.eu/system/files/2022-07/Regulation.pdf 3 www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc 4 gazetteducarbone.org/2022/07/12/la-gazette-du-carbone-semaine-28-12-juillet-2022 Liens utiles : |
Culture : les grands festivals déconnectés des enjeux écologiques et climatiquesArticle publié par le journal Le Monde et analysé par les Shifters Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 17 juillet, quatre « éco-conseillers » du secteur culturel s’alarment de la déconnexion des grands festivals avec les enjeux écologiques et climatiques. Les festivals ont pourtant pu constater cet été leur exposition aux risques liés au dérèglement climatique : les deux premiers jours des Eurockéennes de Belfort ont été annulés en raison d’intempéries violentes, et le Hellfest de Clisson (Loire-Atlantique) a subi quant à lui des températures caniculaires, entraînant plus de 800 interventions des pompiers, malgré les efforts des bénévoles qui arrosaient en continu les spectateurs – et ce en plein épisode de sécheresse et dans un département soumis en partie au régime de « restriction d’eau » depuis la mi-juin, interdisant tout prélèvement, y compris agricole, sauf usages prioritaires. « Plus gros chantier électrique éphémère de France », « Plus grand parking de France » : les déclarations du directeur du Hellfest, Ben Barbaud, illustrent parfaitement la tendance des grands événements culturels et sportifs : une fuite en avant des échelles de grandeur qui impacte directement leur empreinte écologique. Le rapport « Décarbonons la culture » publié en novembre 2021 par The Shift Project s’est penché sur les trajectoires possibles pour un festival de cette stature. L’essentiel de l’impact carbone d’un grand événement est lié à la mobilité – du public en premier lieu, des artistes et du matériel. Viennent ensuite l’alimentation et les boissons, l’énergie, le merchandising. Le rapport conclut que les mesures, même les plus volontaristes (éco-conception des spectacles, mutualisation du matériel, des scénographies, suppression totale de la viande, relocalisation des achats, développement du co-voiturage…) ne sont pas suffisantes face à la croissance exponentielle des jauges. The Shift Project propose de remplacer un événement de 300 000 personnes par 10 événements de 30 000 personnes – ce qui permet de réduire fortement l’impact lié au transport des festivaliers, venus de beaucoup moins loin. De plus, la tribune du Monde fait état des enjeux économiques pour les communes qui accueillent les événements et les professionnels qui en vivent : « Sans changement de direction rapide, et sans prise de conscience de la dépendance [de nombreux acteurs locaux envers] ces festivals, le choc pour les économies locales risque d’être sévère. ». Mais cette prise de conscience a pour obstacle des illusions tenaces comme le constate déjà le Shift Project dans son Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF)1 : « Les professionnels de la culture sont sous l’effet d’un trompe-l’œil : puisque les enjeux de l’énergie et du climat sont le plus souvent abordés à travers le bâtiment, l’agriculture ou les transports, ils ne se croient pas directement concernés. » Ainsi, sur un sujet en apparence périphérique pour la transition énergétique, les événements récents nous montrent qu’il est important de se saisir des enjeux de tous les secteurs et que le domaine culturel pose des défis majeurs. Enfin, l’enjeu est celui de l’éducation du public : en adoptant les transformations nécessaires, les festivals pourraient alors être le lieu d’une acculturation à la sobriété et au mode de vie en accord avec la transition écologique, comme l’indique encore le PTEF : « le secteur culturel peut sensibiliser les citoyens, il peut aussi montrer que de nouvelles formes de rencontres sont possibles entre les œuvres, les artistes et leurs publics. De cette réinvention dépendra notre capacité à émouvoir et à nous émouvoir d’une autre manière, soutenable. » 1 The Shift Project, Climat, crises. Le plan de transformation de l’économie française, Paris, Odile Jacob, 2022 Liens utiles : |
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