La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2022 | Semaine 20La hausse du coût de l’énergie est un sujet qui a été soulevé à de nombreuses reprises par les élus de la nation. Si nous ne pouvons pas analyser toutes les questions posées au Gouvernement à ce sujet, nous vous proposons aujourd’hui de réfléchir sur le lien entre le prix de l’électricité et les finances locales. Une réflexion qui pourra être élargie à un grand nombre d’industries et de secteurs d’activité. Bonne lecture ! |
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Questions émissions |
Questions émissions |
Conséquences de la hausse du coût de l'énergie sur les finances localesPortée par M. Serge Babary (Indre-et-Loire - Les Républicains) M. Serge Babary attire l’attention de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur les conséquences de la hausse des prix de l’énergie sur le budget des collectivités territoriales. Les prix de gros de l’énergie en Europe ont considérablement augmenté depuis début 2021. Cette flambée est liée à une conjonction de facteurs. Nous n’en citerons que quelques-uns ici. Tout d’abord, une importante reprise économique post-covid a entraîné partout dans le monde une augmentation de la demande en énergie. Ensuite, un hiver rude en Europe a accru la pression à la hausse sur les prix, notamment du gaz. Enfin, les tensions géopolitiques avec la Russie ont perturbé les approvisionnements européens en énergies fossiles, et donc l’équilibre entre offre et demande. En résulte une hausse spectaculaire des prix de l’énergie, en tête desquels le gaz naturel. Là où le maximum historique avait été d’à peine plus de 25€/MWh en 2013, celui-ci était redescendu à 5€/MWh au plus fort de la crise Covid, avant de remonter aux alentours de 20€/MWh, et de s’envoler à plus de 100€/MWh aujourd’hui, soit une multiplication par au moins 5 en un an. Cette hausse s’est répercutée sur les prix de gros de l’électricité, également en hausse à cause d’une conjonction de facteurs : hausse du prix du carbone atteignant 100€/t, production éolienne plus faible qu’à la normale, indisponibilité de centrales électriques en Europe (sur incident ou en raison de fermeture), panne sur certaines interconnexions. Dans ce contexte de tension de l’offre, le prix du gaz en forte hausse a grandement impacté le prix de l’électricité sur le marché. En effet, les deux sont liés par le mécanisme de préséance économique (ou merit order) : le prix de l’électricité sur le marché européen est déterminé par le coût marginal de l’unité de production la plus coûteuse qu’il faut mettre en fonctionnement pour pouvoir satisfaire la demande en électricité, dans notre cas des turbines à gaz. Autrement dit, le prix de l’électricité est indexé sur celui du gaz car ce sont les centrales à gaz qui nous permettent en temps réel d’ajuster l’offre d’électricité à la demande. Si le gouvernement a récemment mis en place un bouclier tarifaire pour les particuliers contre la hausse des prix de l’énergie, il n’en va pas de même pour les collectivités territoriales. En effet, elles sont totalement exposées aux fluctuations des prix de l’énergie sur les marchés de gros, que ce soit en temps réel ou avec un temps de latence, et ce malgré la diversité des formes que peuvent prendre les contrats de fourniture d’énergie (durée, part d’énergie renouvelable dans la fourniture…). En effet, depuis 2016 et l’entrée en vigueur de la loi NOME1, celles-ci ne sont plus éligibles aux tarifs réglementés pour les installations électriques importantes, et doivent donc se fournir en électricité par le biais d’appels d’offres régissant la commande publique. Or, l’énergie représente une part conséquente du budget des communes. D’après le rapport “Dépenses énergétiques des collectivités locales” publié par l’Ademe en 20172, l’ensemble des collectivités territoriales a consommé un peu moins de 40 TWh d’énergie en 2017, pour un coût total de 3.86 milliards d’euros, soit un prix moyen de 97€/MWh. Ce même rapport indique que l’énergie représente en moyenne 4,2% du budget des communes, et cette part est d’autant plus importante que la population est faible : elle est de 6,8% pour les communes de moins de 500 habitants, et de 3% pour les communes de plus de 50 000 habitants. Pour ce qui est des communautés de communes (ou GFP, Groupement de communes à Fiscalité Propre), cette part oscille autour de 2%. Que ce soit pour les communes ou les GFP de métropole, le chauffage et l’éclairage des bâtiments représente 60 à 70% du budget énergétique, contre 10 à 20% pour l’éclairage de la voirie publique, et 10 à 15% pour le carburant. Les DOM se démarquent par une moindre proportion des bâtiments et une plus grande proportion de l’éclairage, du fait du moindre besoin de chauffage. À supposer que les collectivités territoriales aient maintenu leur consommation au niveau de 2017, et si l’on suppose que les fluctuations sur les marchés de gros se répercutent dans les prix pour les collectivités, un doublement des prix signifie le doublement des dépenses énergétiques des collectivités, passant de 4 à 8 milliards d’euros, pour une part dans les dépenses qui passerait de 4,2 à 8% du budget des collectivités si l’on suppose constantes les autres dépenses. Alors, comment se prémunir contre de telles fluctuations ? Même dans le monde bas carbone pour lequel le Shift Project et les Shifters militent, un marché de l’électricité fonctionnant sur le principe de merit order (ou préséance économique) implique que les prix de gros seront toujours fixés par l’unité de production la plus chère dont le fonctionnement est nécessaire à la satisfaction de la demande. En remplaçant du chauffage au gaz par du chauffage à l’électricité dont le prix est indexé sur celui du gaz, l’électrification aurait vraisemblablement peu d’impact direct sur l’exposition des collectivités aux fluctuations de prix ; en revanche, la sobriété et l’efficacité sont deux leviers efficaces. Dans son rapport sur le secteur public, le Plan de Transformation de l’Économie Française du Shift Project propose notamment la mise en place d’un ambitieux plan de rénovation énergétique des bâtiments publics, qui diminuerait fortement la consommation des bâtiments publics et donc l’exposition des collectivités aux cours de l’énergie. Du côté de l’efficacité encore, le renouvellement du parc de lampadaires constitue une piste porteuse, puisque l’association française de l’éclairage estime que 40% ont plus de 25 ans et qu’il serait possible de réaliser 40 à 70% d’économies d’énergie3. Du côté de la sobriété, la diminution de la température dans les bâtiments publics a récemment fait l’objet d’une circulaire du premier ministre, bien qu’elle ne soit pas adressée aux collectivités. La diminution de l’éclairage public, déjà en marche dans des communes rurales comme dans certaines métropoles, constitue là où elle est possible un réservoir d’économies important. Ainsi, s’il est possible pour l’État de protéger à court terme les collectivités comme il le fait avec les particuliers, nous pensons que cela sera impossible à long terme, et que la décarbonation par la sobriété et l’efficacité sont des leviers efficaces pour s’en protéger. 1 Cabinet Seban associés, “L’achat d’électricité par les collectivités publiques”, 2011 : www.seban-associes.avocat.fr/wp-content/uploads/2015/08/pub_achatdelectriitepdf.pdf 2 ADEME, “Dépenses énergétiques des collectivités locales”, 2019 : www.actu-environnement.com/media/pdf/news-34469-depenses-energetiques.pdf 3 Association Française de l’Eclairage (AFE), “Éclairage dans les collectivités : les chiffres clés”, 2017 : sev84.fr/wp-content/uploads/2017/08/11-17-15-3-50-Eclairage_collectivites_chiffres_cles.pdf Liens utiles : |
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