La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2022 | Semaine 11

L’année 2022 pour la rénovation thermique des bâtiments, c’est un peu comme l’année 1969 pour le rock “n” roll. Il se passe beaucoup de choses : l’entrée en vigueur de la réglementation RE2020 au 1er janvier, puis la mise en oeuvre effective du Décret tertiaire (bureaux, commerces, écoles, etc.) au 1er septembre. On y revient dans la Gazette de cette semaine.
Mais pour commencer, une recommandation actualisée : mangez des pommes… locales et de saison !

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Réflexions décarbonées

Notre sélection de la semaine

Fruits et légumes de saison : un enjeu environnemental et de santé publique

Proposition portée par Monsieur Michel VIALAY et 19 députés (LR)

La proposition de loi en bref

Selon le rapport de la Commission d’enquête sur l’alimentation industrielle de septembre 2018, la France pourrait compter 30 millions d’obèses d’ici 2030. Les populations les plus défavorisées seraient particulièrement touchées par ce fléau.

La consommation de fruits et légumes de saison locaux a plusieurs effets vertueux :
  • Ils répondent aux besoins du corps spécifiques de la saison en question ;
  • Leur consommation valorise les circuits courts et ainsi favorise la réduction de l’empreinte carbone du secteur ;
  • Les fruits et légumes hors saison sont souvent importés et transportés par des moyens de transport polluants et recouverts de produits chimiques permettant leur conservation. Agir pour en limiter la consommation est ainsi bénéfique sur le plan du transport.

Afin d’encourager cette consommation, la proposition de loi propose une réduction de la TVA à 2,1% pour les fruits et légumes de saison, identique à celle sur les médicaments. Elle souhaite par ailleurs mettre en place une taxe de saisonnalité pour dissuader l’achat de fruits et légumes hors saison.

Un peu de contexte

Le secteur agricole représente 25% des émissions de GES en France et représente 75% de la consommation d’énergie issue du pétrole. C’est donc, comme le souligne le Plan de Transformation de l’Economie Française (PTEF) du Shift Project, non seulement un secteur très contributeur au changement climatique, mais aussi celui que ce changement risque d’affecter le plus directement. Raccourcir les chaines d’approvisionnement et recycler font partie des leviers importants pour organiser la résilience du secteur. Le transport représente, quant à lui, 31% de la consommation énergétique du secteur, devant celle pour la production elle-même et celle de l’industrie agroalimentaire.

Ce qu’en pensent les Shifters

Les propositions destinées à encourager les circuits courts et la consommation locale de fruits et légumes nationaux sont bénéfiques. Concernant les orientations sectorielles de l’agriculture, la Stratégie Nationale Bas Carbone prévoit d’influencer la demande et la consommation dans les filières agro-alimentaires via le Programme National de l’Alimentation et de la Nutrition (PNAN) et le Plan National Nutrition Santé (PNNS). Pour les fruits et légumes, l’objectif à horizon 2023 consiste à augmenter leur consommation chez les adultes afin que 80 % d’entre eux consomment au moins 3,5 portions de fruits et légumes par jour.

Il n’est toutefois pas simple d’orienter la consommation des ménages en jouant sur les prix car ils fluctuent en fonction de la provenance et des modes de production. L’association de défense des consommateurs Familles Rurales publie annuellement un observatoire des prix, sur la base d’un panier « saison été » de fruits et légumes issus de l’agriculture conventionnelle ou biologique. L’observatoire de 20211 montre qu’une famille de 2 adultes et 2 enfants, respectant les préconisations de nutrition du PNNS, dépense en moyenne sur un mois :
  • 98 euros si elle optimise les prix,
  • 112 euros si elle ne consomme pas bio mais mixe produits français et étrangers,
  • 118 euros si elle ne consomme que des produits français,
  • 195 euros si elle consomme tout bio.

Actuellement la TVA sur l’alimentation s’élève à 5,5% en France. Dans le cas où elle serait réduite à 2,1% comme le propose la PPL, la dépense du panier « 100% français » passerait de 118 à 114 euros et serait encore largement supérieure aux deux premiers niveaux de dépenses. D’autres leviers d’action plus lisibles pour le consommateur et durables dans le temps, existent pour attirer l’attention sur les impacts environnementaux et sociétaux du secteur agroalimentaire. Par exemple, il est possible d’agir sur les chaînes d’approvisionnement de la restauration collective et par ce biais sensibiliser la population dès le plus jeune âge. Il est toutefois possible de s’interroger sur la pertinence de la réduction du taux de TVA appliqué sur les produits alimentaires vendus dans un emballage permettant leur conservation (diminution de 10% à 5,5%).

Dans ses travaux sur le sujet, The Shift Project préconise de se concentrer sur trois changements majeurs destinés à diminuer l’empreinte carbone du secteur et augmenter sa résilience :
  • Re-territorialiser certaines activités : circuits courts et filières de proximité, production locale de fruits et légumes, autonomie fourragère des élevages et recyclage des nutriments ;
  • Modifier nos habitudes alimentaires en réduisant les produits d’origine animale, le gaspillage, les emballages et la déforestation « importée », tout en rémunérant mieux les producteurs ;
  • Généraliser les pratiques agroécologiques et renforcer l’autonomie énergétique du secteur (biocarburant, biogaz, …).

La mobilisation des territoires est indispensable pour l’appropriation locale de ces enjeux liés à l’alimentation. Dispositifs transversaux par essence, les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) regroupent différents domaines de l’action publique (alimentation, agriculture, environnement, santé, justice sociale, économie, aménagement du territoire) pour les mettre en cohérence sur un territoire donné, autour de la thématique de l’alimentation. Ces dispositifs permettent d’influencer et d’accélérer les changements et transformations à mettre en œuvre sur les territoires.

1 « Rapport 2021 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires » :
www.franceagrimer.fr/content/download/66895/document/2021_06_15_Rapport_OFPM_2021.pdf

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Réflexions décarbonées

Bâtiments : décryptage du "décret tertiaire" applicable fin 2022

Projet porté par le Gouvernement

L’année 2022 s’annonce mouvementée pour les acteurs de la construction. Après la rentrée en vigueur de la nouvelle Réglementation Environnementale RE2020 au 1er janvier 2022, une nouvelle date importante se profile au 30 septembre de cette fin d’année.

Le décret tertiaire, déclinaison opérationnelle de l’article 175 de la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), entré en vigueur au 1er octobre 2019, sera mis en œuvre. Ce décret, qui couvre tous les bâtiments d’une surface tertiaire supérieure à 1000 m² (bureaux, commerces, écoles, etc.), a pour but de réduire les consommations énergétiques du parc immobilier existant. C’est un enjeu d’envergure, les usages tertiaires représentant environ ¼ des surfaces bâties sur le territoire français, et à peu près 15% des demandes nationales d’énergie1.

Ce décret impose, sur la base de consommations actuelles, dites de référence, ou sur la base de consommations forfaitaires dépendant de l’usage, une réduction graduelle des consommations. Les gains demandés s’échelonnent de 40% en 2030 jusqu’à 60% en 2050, par pas de 10 ans.

Sur la base d’un audit énergétique, il s’agit ainsi de déterminer l’ampleur des travaux à réaliser pour une mise en conformité avec ces objectifs de réduction, qui seront vérifiés pour la première échéance au 31 décembre 2030.

En amont de cette échéance, les propriétaires ou gestionnaires devront déclarer leurs consommations actuelles sur une plateforme centralisée appelée OPERAT, qui permettra de réaliser le suivi de performance du parc tertiaire français. En cas de non-déclaration ou non-respect des objectifs, des amendes ainsi qu’un site répertoriant les « mauvais élèves » seront mis en place.

Ces objectifs s’alignent avec la trajectoire de décarbonation et de sobriété portée par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Au-delà de l’objectif final de réduction, le reporting et la centralisation des données de consommation impliquera une meilleure prise en main et connaissance du bâti par leurs gestionnaires.

Certains points, également applicables au privé, sont cependant à préciser et/ou à renforcer comme indiqué dans le rapport du Shift Project (TSP) sur la décarbonation de l’administration publique :

  • Le seuil à 1000 m² exclut de nombreuses surfaces, avec pour le public uniquement 70% des bâtiments concernés. A 500 m², presque toutes les surfaces seraient inclues.
  • Une réduction de 60% en 2050 pourrait être renforcée à 90% comme le proposait le projet Decarbonize Europe de TSP.
  • L’objectif de réduction des consommations énergétiques de 40% en 2030 représente une première marche élevée, face à laquelle un accompagnement sera nécessaire, afin de structurer et mener à bien cette démarche d’optimisation, notamment dans les petites structures et collectivités. Des vérifications préalables des plans d’actions envisagés, avec mise en œuvre de dates jalons avant 2030, sont ainsi primordiales.

1 ADEME « Chiffres Clés CLIMAT, AIR ET ÉNERGIE » – Édition 2015 : www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/chiffres-cles-climat-air-energie-8705-bd.pdf

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