La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2022 | Semaine 02

Après plus de trois mois de travail législatif, la loi de finances pour 2022 a vu le jour le 31 décembre 2021. Nous nous sommes penchés sur le texte et avons suivi l’adoption (ou le rejet) de plusieurs milliers d’amendements. Voici, très brièvement – et sans vocation à être exhaustif – une analyse de quelques belles avancées, de quelques problèmes structurels et de mesures néfastes dans le budget de l’état pour 2022.

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Notre sélection de la semaine

Analyse du projet de loi de finance 2022 au regard des propositions du PTEF

Projet porté par le Gouvernement

Les moultes allers et retour entre commission des finance, un rejet en première lecture par le Sénat puis par la Commission mixte paritaire, un marathon de discussions en séance publique, une saisine Conseil constitutionnel, ont finalement aboutis à la promulgation du projet de loi de finances pour 2022.

Malgré l’adoption des amendements dont nous avons parlé dans la Gazette du 12 octobre 2021, l’analyse que nous vous livrons aujourd’hui montre que le gouvernement n’a toujours pas pris la mesure des efforts à fournir pour atteindre une trajectoire de diminution de nos émissions de GES.

Transports

1. Maritime / Fluvial :

  • Les amendements adoptés pour ce secteur visent à majorer le taux de déduction fiscale des coûts supplémentaires liés à l’installation de nouvelles techniques de propulsion moins carbonée.

Le suramortissement constitue le principal outil pour inciter les armateurs à installer des équipements à énergie propulsive décarbonée sur leurs navires (hydrogène, gaz naturel liquéfié et énergie du vent).
Ces mesures sont liées à la concertation du Fontenoy du maritime lancée fin 2020 pour rendre plus compétitif le secteur marin français. Elles incitent à l’utilisation d’énergies alternatives au fioul ou au diesel qui sont très émetteurs en CO2 et très polluants en oxyde de souffre et d’azote.
Parmi les carburants considérés comme « alternatifs » par les normes européennes, le GPL et GNL sont des énergies fossiles. Ils ont l’avantage d’émettre moins de polluants atmosphériques mais leurs émissions de CO2 restent quasi équivalentes à celles du fioul. De plus, l’utilisation du GNL nécessite l’installation d’équipements adéquats dans les ports, encore peu développés en France. Des expérimentations sont en cours pour décarboner la phase d’extraction du GNL avec le développement du bio-méthane issu de déchets.
Toutefois, le report modal du fret routier vers les modes de transports alternatifs tels que le fluvial est une solution proposée par le PTEF de TSP pour réduire les émissions de GES du secteur. En effet, une barge fluviale transporte l’équivalent de la charge de 125 poids lourds. Il est donc intéressant de solliciter les armateurs à faire évoluer leurs équipements pour avoir une empreinte carbone moins importante même si aujourd’hui la solution parfaite n’existe pas, excepté la sobriété.

Le GNL et carburant maritime : etat des lieux et perspectives

2. Aéronautique :

Amendements votés :
  • Modification des paramètres de la taxe sur les nuisances sonores aériennes avancée au 1er avril 2022 au lieu du 1er avril 2023
  • Réduction de la taxe intérieure appliquée à la consommation finale d’électricité pour les aérodromes alimentant les aéronefs au sol dans l’optique de réduire l’utilisation des moteurs auxiliaires qui fonctionnent avec du kérosène.

Ces mesures sont favorables à la réduction de GES en incitant à l’utilisation de l’électricité, une énergie finale majoritairement décarbonée en France. Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2022 prévoit également des investissements importants en faveur du secteur aéronautique et mise sur la solution technologique plutôt que la sobriété pour répondre aux enjeux climatiques du secteur. A contrario, les investissements pour le développement plus large du vélo notamment dans les centres-villes et zones de moyenne densité n’ont pas augmenté et stagnent par rapport à l’année dernière. Ces mesures ne vont pas dans le sens du Plan de transformation de l’économie française (PTEF) proposé par le Shift Project.

3. Déplacement domicile-travail :

Amendement voté :
  • Augmentation temporaire du plafond d’exonération d’impôt sur le revenu des frais de déplacements domicile-travail des employés pris en charge par les collectivités publiques (quel que soit le type de transport).
    Sans restriction sur le type de transport, cette mesure ne va pas dans le sens de la décarbonation des transports, la voiture à moteur thermique étant le moyen de transport majoritaire en France.

4. Ferroviaire :

Amendement voté :
  • Suppression de deux taxes pesant sur SNCF Voyageurs et liées à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire : CST (Contribution de Solidarité Territoriale) en 2022 et TREF (Taxe sur le Résultat des Entreprises Ferroviaires) en 2023. Elles représentaient environ 200 millions d’euros par an.
    Cette mesure favorise le développement du TGV avec la possibilité pour SNCF d’investir dans de nouveaux trains à grande vitesse. Toutefois, la suppression de ces taxes se fait au détriment des Intercités qui étaient financés par celles-ci. Malgré la volonté des parlementaires de rendre toujours plus performantes les lignes à grande vitesse pour concurrencer l’avion, il ne faut pas oublier les investissements envers les lignes classiques afin d’améliorer la desserte fine des territoires. Elle est amenée à jouer un rôle essentiel dans la mobilité locale s’il y a une volonté de décarboner le secteur des transports.
    Aucun investissement supplémentaire n’a été prévu pour le secteur du ferroviaire dans le PLF 2022 alors que plusieurs amendements ont été soutenus à ce sujet et que 3 milliards d’euros supplémentaires seraient nécessaires chaque année pour respecter la stratégie nationale bas carbone (SNBC).

Carburants alternatifs :

  • Clarification de la situation relative à l’utilisation de l’huile de soja dans les biocarburants qui sont très émissifs en CO2 donc favorable à la réduction des GES.

Énergie

Réseaux de froid

  • Un amendement adopté prévoit la mise en avant des réseaux de froid alimentés à plus de 50% par des énergies renouvelables, en y appliquant le même taux de TVA que pour les réseaux de chaleur renouvelable.

Il s’agit d’une mesure ayant une incidence positive sur émissions de GES nationales, des besoins en climatisation devant être anticipés avec le réchauffement climatique.

Bois énergie

  • Le PLF prévoit un meilleur encadrement de la filière bois énergie, avec la mise en œuvre d’un taux de TVA réduit (5,5%) pour les bûches labellisées, avec le développement prévu d’un label commun.

Les objectifs mis en avant sont la qualité (taux d’humidité réduit permettant une réduction de l’émission de particules fines et une amélioration du rendement énergétique), l’origine (forêts gérées durablement), et la création d’emplois (passage d’un marché informel à une filière structurée).

Dans son PTEF, TSP estime que le recours au bois énergie est nécessaire pour le chauffage des bâtiments. La ressource en bois doit néanmoins être préservée, et est donc réservée aux bâtiments n’ayant pas la possibilité de recourir à un réseau de chaleur ou à une pompe à chaleur.

Prix des énergies

  • Un amendement prévoyant la mise en place d’un « bouclier tarifaire » a été adopté. Celui-ci a pour objectif de contrer l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité.

Nous avons déjà évoqué ce sujet dans la gazette du 21 décembre. Pour répondre à l’enjeu de la hausse des prix de l’énergie, il convient de traiter le problème de façon systémique. Cette crise ne doit pas être présentée comme passagère. L’État ne peut pas se restreindre à des compensations conjoncturelles, mais se doit de proposer une approche holistique.

Efficacité énergétique des bâtiments

Rénovation

  • Le budget pour financer l’aide MaPrimeRénov’ est en baisse depuis 2021 (2 milliards contre 2,4 milliards).

Ceci ne va évidemment pas dans le sens de la réduction de l’empreinte carbone nationale, d’autant plus que la demande des particuliers est toujours plus importante (prévision de 800 000 demandes MPR en 2021).

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