La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 | Semaine 51

Dernière Gazette de l’année 2021, avec 2 articles sur 2 sujets « énergie-climat » de fond : la transformation du parc automobile français et le prix de l’énergie.
On en profite pour remercier notre incroyable équipe de contributeurs.rices, de relectrices et autres membres du Pôle Influence Droit Interne des Shifters pour cette année de collaboration ! Merci aussi à vous pour votre fidélité : vous êtes plusieurs milliers à nous lire chaque semaine, et alors que le chemin est encore long et sinueux, nous tenions à vous dire que vos retours constructifs et petits messages d’encouragements rendent le chemin de la décarbonation de l’économie française une aventure qui en vaut vraiment la peine !

Bonnes fêtes à vous et à l’année prochaine,

A&A – Rédacteur et Rédactrice en chef de la Gazette du Carbone

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Questions émissions

Notre sélection de la semaine

Renouvellement du parc automobile vieillissant : analyse de 4 approches politiques

Proposition portée par plusieurs députés

Dans la Gazette de cette semaine, nous faisons un focus sur le secteur du transport routier avec l’analyse de deux propositions de lois — « rétablir la liberté de circulation des automobilistes » (de M. Marc LE FUR et 17 autres député.e.s Les Républicains) & « instaurer un dispositif de prêt à taux zéro « mobilité durable » pour financer l’achat de véhicule propre » (de M. Gérard LESEUL et 28 autres député.e.s Socialistes) — et de deux questions orales — de M. François-Michel LAMBERT & de Mme Typhanie DEGOIS — parues en novembre, en lien avec l’utilisation de véhicules moins émissifs, notamment dans les centres villes à horizon proche (2022 – 2025).

Le secteur des transports représente plus de 30% des émissions de GES en France et constitue le 1er secteur d’émissions devant l’agriculture. Le transport routier représente plus de 90% du poids des émissions du transport mais la majorité de celles-ci est essentiellement due aux voitures particulières (51% des émissions en 2019). En effet, elles sont très énergivores en pétrole, réparties entre 60% de motorisation diesel et 39% de motorisation essence. Repenser ce moyen de transport et tout son système sont donc des leviers d’action importants sur lesquels les politiques publiques doivent se concentrer pour décarboner le secteur du transport et le rendre moins dépendant des énergies fossiles.

Un exemple d’action régie par la loi des mobilités depuis fin 2019 est la mise en place dans certaines métropoles de France d’une zone exclusivement réservé aux véhicules à faibles émissions, communément appelée « zone à faible émission ». Le nombre de villes concernées par ce dispositif va par ailleurs s’étendre à d’autres grandes villes à partir de 2021. Une proposition de loi (M. Le Fur et al.) publiée en novembre 2021 dénonce cette réglementation et la qualifie de discriminatoire envers les ménages modestes qui ne possèdent pas les moyens en l’état actuel d’acquérir un véhicule moins émissif. Elle souhaite donc tout simplement supprimer les zones à faibles émissions pour garantir la liberté de circulation à tous.

Rappelons que ce dispositif a pour but d’améliorer la qualité de l’air et d’inciter au report vers d’autres modes de transport moins carbonés. Le développement croissant des infrastructures routières depuis les années 1970 a eu une influence importante sur la périurbanisation des ménages, les rendant d’autant plus dépendant à la voiture au quotidien.

Pour réduire les inégalités entre les ménages modestes et aisés, des efforts doivent donc être menés sur plusieurs fronts : l’un d’entre eux est la mise en place d’aides importantes à l’achat d’un véhicule moins polluant. À ce sujet, depuis juillet 2021, une prime à la conversion des véhicules polluants est entrée en vigueur. Mme Typhanie DEGOIS, députée LREM de Savoie, estime toutefois que « la multiplicité des critères d’accès au dispositif constitue […] un frein à la mobilisation du dispositif ». Elle souhaite le simplifier en élargissant les conditions d’éligibilité.

M. François-Michel Lambert, député écologiste (RPS) des Bouches-du-Rhône, demande quant à lui la mise en place d’un outil d’évaluation de l’efficacité du barème bonus-malus (ex : la prime à la conversion citée plus haut) et plus largement d’« un processus d’évaluation systématique des politiques publiques » afin d’être en mesure de répondre aux défis climatiques actuels et futurs.
L’outil bonus-malus est connu pour soutenir le développement d’un marché uniquement à ses premiers pas. Aussi, même si les conditions d’éligibilité sont élargies ou ce dispositif évalué, il ne peut à lui seul favoriser l’acquisition de véhicules ayant moins d’impacts en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

La proposition de loi publiée en novembre 2021 visant à instaurer un dispositif de prêt à taux zéro « mobilité durable » (M. LESEUL et al.) a pour objectif de s’ajouter à celui de la prime à la conversion pour favoriser le renouvellement du parc automobile vieillissant actuel. Cette PPL renforce le dispositif déjà présent dans le projet de loi sur la lutte contre le dérèglement climatique et sur le renforcement de la résilience face à ses effets :

  • En appliquant les mêmes critères d’éligibilité que ceux de la prime de conversion (véhicules électriques, hybrides rechargeables, vélo avec ou sans assistance électrique, etc.) ;
  • En élargissant l’échelle d’application du dispositif englobant des ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 21 400 euros ;
  • En proposant un accompagnement dans les territoires : déploiement du réseau de maisons France Services ;
  • En appliquant une réduction d’impôt aux établissements de crédit et sociétés de financement versant des « prêts à taux zéro mobilité durable ».
  • En accélérant sa date d’application au 31 mars 2022 plutôt qu’en janvier 2023.

Les études du Shift Project sur la mobilité en France indiquent qu’un soutien financier constant entre 2020 et 2030 doit être mis en place pour accompagner les automobilistes souhaitant renouveler leurs véhicules.
En effet, dans le cas des véhicules électriques, le surcoût à l’achat par rapport à une voiture thermique demeure encore très important (entre 6000 à 15000 €).
Cette proposition de loi s’inscrit donc dans une démarche de décarbonation des transports puisqu’elle souhaite renouveler le parc automobile actuel par des véhicules à faibles émissions et inclut également le vélo au panel des véhicules éligibles.

Toutefois, les aides à l’achat de véhicules neufs doivent également être complétées par des aides à l’achat de véhicules d’occasion afin de toucher une échelle plus large de ménages.
Un autre point que souligne le Shift Project dans ses études est la réflexion à mener sur les caractéristiques du parc de véhicules à faibles émissions (notamment électriques) souhaitant être mises sur le marché.
Dans le cas où ce parc est composé de voitures à forte puissance et forte masse, même d’occasion, le surcoût à l’achat sera trop important pour permettre l’acquisition aux ménages les moins aisés. Il est donc primordial d’anticiper la question de la pénétration de ces nouveaux véhicules sur le marché automobile pour éviter de faire perdurer celui de la voiture thermique.

En outre, il ne suffit pas de remplacer de l’ancien par du neuf moins émissif pour décarboner la mobilité.
Il faut également repenser le système voiture en solo. Dans son rapport « Guide pour une mobilité bas carbone », le Shift Project met en avant la place prépondérante de la voiture dans l’espace public, notamment dans les centres villes à cause de l’infrastructure importante qui lui est dédiée, de sa production de masse et des nombreux services associés (stations-services, stationnement facile etc.).

Pour parvenir à changer ce système, il faut repenser la façon d’aménager les villes et les zones périurbaines pour diminuer les distances parcourues et inciter au report modal (développement du système vélo). Cela se traduit entre autres par la réduction de la place allouée à la voiture dans l’espace public via par exemple la mise en place de zone à faibles émissions.

Sources
Rapport sur l’état de l’environnement

Liens utiles :

▲ Sommaire

Questions émissions

en partenariat avec Logo Dixit

Faut-il baisser la TVA à 5,5% sur l’électricité, l’énergie calorifique et le carburant ?

Question posée par Guillaume PELTIER, Julien RAVIER, Bernard PERRUT et 11 Députés (LR)

Caractérisation de cette augmentation du prix de l’énergie

Tout d’abord, il est bon de rappeler que les causes de la hausse des prix de l’énergie sont multiples :
  • Premièrement, le prix de la tonne de CO2 a fortement augmenté (elle a triplé en un an, passant de 25 à 75 euros/tCO2), d’une part sous l’impulsion des politiques climatiques et d’autre part à cause d’un regain d’intérêt pour la production d’électricité à partir de charbon (lié à l’augmentation du prix du gaz), augmentant ainsi la demande de quota carbone.
  • De plus, la consommation due à la reprise de l’activité économique post-Covid engendre une tendance haussière sur les prix.
  • Enfin, le prix de l’électricité française, bien que peu soumis à cette hausse du prix de la tonne de CO2, grimpe pour une raison bien particulière : sa dépendance au prix du gaz. En effet, lors de la libéralisation du marché en 2000, le choix de la formation du prix a été celui de l’« ordre du mérite », c’est-à-dire que le prix de l’électricité s’aligne sur le coût de la dernière centrale appelée. Ce sont les centrales qui possèdent le coût marginal le plus faible qui sont appelées en premier. Ainsi, les énergies renouvelables, ne nécessitant pas de combustible, sont prioritaires sur le réseau. S’ensuivent les centrales nucléaires, puis les centrales fossiles. Les centrales à gaz sont généralement les dernières appelées, et le sont en particulier quand la demande devient importante. Si elles viennent à être appelées, le coût de l’électricité correspondra à leur coût de production, ce qui permettra de les rémunérer. D’où un lien direct entre le prix de l’électricité et celui du gaz naturel (fossile).

Une approche systémique indispensable

Pour répondre à cet enjeu de la hausse des prix de l’énergie, il convient de traiter le problème de façon systémique. Cette crise ne doit pas être présentée comme passagère. L’État ne peut pas se restreindre à des compensations conjoncturelles, mais se doit de proposer une approche holistique.

Baisser les taxes ne permettra pas de résoudre une insuffisance de disponibilité d’énergie par rapport aux besoins. Des subventions ou des allègements de taxes ne peuvent pas résoudre l’écart entre l’offre et la demande. Au contraire, cela pourrait avoir tendance à augmenter la demande, ce qui engendrerait une nouvelle hausse des prix, qui bénéficierait en priorité aux pays fournisseurs d’énergies fossiles.

Les réponses à cette crise

Il convient donc de mettre en œuvre des solutions de fond pour faire baisser notre demande en énergie à moyen et long terme. Il faudrait parler franchement et clairement de sobriété et de rénovation, tout en proposant des solutions pour que les ménages les plus fragiles soient moins dépendants aux énergies fossiles. Il faut convenir que cette crise n’est pas transitoire et qu’il est indispensable de mener une transformation en profondeur de notre économie. C’est dans ce cadre de réflexion que s’inscrit le Shift Project avec son Plan de Transformation de l’Economie Française (PTEF).

Liens utiles :

▲ Sommaire

La gazette du carbone résulte du travail des bénévoles de l'association The Shifters, essentiellement réalisé sur la base de l’expertise du Shift Project. Son objectif est d'informer sur les opportunités que présente l'arsenal juridique français pour décarboner notre société.
N’hésitez pas à faire suivre largement le lien d’abonnement de cette publication à tout⋅e personne intéressé⋅e et/ou susceptible d’influencer le débat parlementaire !

Pour réagir au contenu, demander des précisions, proposer des évolutions, contribuer à notre action vers les décideurs, une seule adresse : gazette@theshifters.org !

Vous pouvez également découvrir The Shift Project et devenir membre de l'association.

Se désinscrire de la gazette du carbone