La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

Des satellites et des hommes

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Alors que s’ouvre la COP26, la Gazette du Carbone regarde l’avenir et lève les yeux vers l’espace. Pendant que les dirigeants du monde entier s’accordent sur les engagements à prendre à l’horizon 2050, nous nous intéressons à l’impact environnemental du secteur spatial. Encore marginal aujourd’hui, en sera-t-il de même en 2050 avec la révolution NewSpace ?

NewSpace ou le rêve d’Icare

A l’occasion de son discours France 2030, le Président de la République a mis en avant un plan d’investissement pour le spatial incluant la conception de mini-lanceurs réutilisables, de nouveaux services spatiaux et d’une constellation de satellites. Ces propos résonnent avec la volonté de la Commission Européenne, (via sa présidente Ursula Von Der Leyen et son commissaire Thierry Breton), de développer une constellation concurrente des États-Unis.

Les ambitions Françaises et Européennes s’inscrivent dans un contexte de démocratisation de l’accès à l’espace facilité par l’apparition de lanceurs à bas coût. En parallèle, la standardisation et la miniaturisation des satellites, matérialisées dans les nanosatellites ont ouvert la fabrication à de nouveaux acteurs y compris des universités et des PME. Cet écosystème émergent, appelé NewSpace, se caractérise par un changement d’hégémonie des grands opérateurs étatiques historiques vers de nouvelles entreprises, start-up, PME ou multinationales en quête de diversification, agiles et rapides, souvent massivement financés.

Préserver l’espace pour sauvegarder la terre

Ce nouvel accès à l’espace se traduit par une forte croissance du nombre de lancements et une explosion du nombre d’objets en orbite qui pourrait s’accélérer au cours des prochaines années.
Comparé aux 2700 satellites opérationnels aujourd’hui, les leaders du secteur prévoient, à eux seuls de lancer 16 000 en orbite basse d’ici 2025, et jusqu’à 51 000 si le modèle économique se confirme. Ces méga-constellations ont pour objectif de fournir un accès internet par satellite à haut débit pour l’ensemble de la population mondiale.

Outre les nuisances et conflits d’usage liés à l’environnement spatial, comme l’augmentation du nombre de débris, pouvant saturer certaines orbites, ou la pollution lumineuse du ciel nocturne freinant la recherche en astronomie, ces méga-constellations posent la question de leur soutenabilité et de leur pertinence tandis que le réchauffement climatique et les crises d’approvisionnement nous font percevoir les limites planétaires matérielles de la terre.

Les émissions de gaz à effet de serre, directes et indirectes, d’un lancement ne dépassent pas quelques centaines de tonnes de CO2, soit, un vol long-courrier en avion. En revanche, les émissions de gaz et d’eau dans la haute atmosphère impactent la couche d’ozone et génèrent un forçage radiatif considérable.

Les conséquences sont certes marginales si l’on compare la centaine de lancements annuels aux 30 millions de vols pour l’aviation. Cependant, la croissance du nombre de lancements pourrait, à terme changer la donne, d’autant que les effets qu’ils engendrent sur les couches hautes de l’atmosphère sont encore peu connus.
Comme initié par l’ESA, l’Agence Spatiale Européenne, il convient d’étudier plus en détail l’impact environnemental du domaine de l’industrie spatiale en intégrant toutes ses particularités : multiplicité des combustibles, émission de gaz et combustion de débris en haute atmosphère, non recyclabilité des satellites, etc.

Quels impacts pour quels usages ?

Au-delà d’une critique du spatial qui n’aurait aujourd’hui pas lieu d’être, nous souhaitons questionner les usages de ce secteur au regard de son impact.

L’espace est un domaine éminemment régalien où se mêlent enjeux de souveraineté et objectifs géostratégiques liés à des intérêts économiques et scientifiques. Les satellites permettent de faire progresser nos savoirs sur l’univers, de suivre les conflits, d’évaluer l’impact du changement climatique ou encore de prévoir la météo, outil inestimable pour l’agriculture.

Pour autant, l’impact environnemental associé nous invite à un usage raisonné du spatial, dont le développement dépend, comme toutes les activités humaines, des ressources planétaires.
C’est pourquoi il serait intéressant, en amont d’un choix technologique, d’adopter une approche comparative des bénéfices.
La balance environnementale des méga-constellations de satellites, y compris leur approvisionnement en matériaux rares, pourrait ainsi être comparé au déploiement, déjà controversé, de la 5G et d’un accès à la fibre internet, d’autant que ces constellations se positionnent en redondance des réseaux terrestres.

Enfin, on ne peut faire l’impasse sur le tourisme spatial, la conquête martienne voulue par quelques-uns, ou les rêves de minage des astéroïdes qui risquent tous d’alourdir le bilan écologique du secteur spatial.

L’espace, au même titre que la terre, est un bien commun. Mais il est encore peu réglementé, son accès étant, jusqu’à très récemment, le monopole des états. Alors que les entreprises privées investissent massivement cet espace commun démuni de règles, nous invitons le législateur à renforcer la réglementation et à encourager la réalisation d’études des bénéfices-coûts environnementaux reposant sur des analyses de cycle de vie spécifiques à ce secteur.

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