La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant


The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 - Semaine 14

"Vraie loi climat" : le retour ! Comme promis la semaine dernière, voici la deuxième partie de notre analyse de cette proposition de loi.

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Questions émissions

Notre sélection de la semaine

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Pour une vraie loi climat (Part. 2)

Proposition de loi portée par Delphine BATHO, Matthieu ORPHELIN, Delphine BAGARRY, Albane GAILLOT, Hubert JULIEN‑LAFERRIÈRE, Aurélien TACHÉ, Cédric VILLANI - Députés

Rappel : Alors que le projet de loi “Climat et Résilience” est arrivé en séance publique à l’Assemblée nationale le lundi 29 mars, un groupe d’élus a déposé la semaine dernière une proposition de loi « pour une vraie loi climat ». Ce texte, porté par sept élus non-inscrits, dont l’ancienne Ministre de l’Écologie, Delphine Batho et six anciens députés de La République en Marche, se positionne comme porteur de la volonté des membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, tronquée par le texte proposé par le Gouvernement.
Cette « vraie loi climat » souhaite positionner la France sur une trajectoire conforme à ses objectifs climatiques « en permettent d’éviter plus de 50 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2030. »

Cette semaine, notre analyse se focalise sur les chapitres du textes traitant de l'aménagement du territoire, la gestion des forêts et l'artificialisation des sols; ainsi que la régulation de la publicité dont le but est d'initier un changement dans les habitudes de consommation.

Aménagement du territoire

La fin des coupes rases
L'objectif de l'art. 14 est de réduire les surfaces d’autorisation de coupe et de renforcer le contrôle sur les autorisations dérogatoires. Un élargissement de la base de calcul des surfaces « plafond » devrait inclure une notion de « forêt mosaïque » ( https://www.onf.fr/onf/+/8e4::infographie-la-foret-mosaique-une-nouvelle-sylviculture-face-au-changement-climatique.html) qui regroupe plusieurs parcelles individuelles dans un « plan local forestier » (PLF). Cette stratégie d'incitation à l’adaptation au risque climatique est soutenue par l’ONF dans le cadre du Pacte vert (« Green deal ») de la Commission européenne. Par ailleurs, l’entretien raisonné et coordonné sur l’ensemble du territoire national et communautaire permetterait une meilleure comptabilité et maîtrise de la séquestration de CO2.

Lutter contre l'artificialisation des sols
Pour continuer avec les puits de carbone – et aussi de l'étalement urbain, le texte (Art. 16.) souhaite intégrer les entrepôts logistiques de e-commerce dans le champ d’application de la police administrative des équipements commerciaux et, partant, de les soumettre à des contrôles administratifs supplémentaires en terme notamment d’aménagement du territoire et de développement durable. Nous notons plusieurs améliorations de la législation actuelle. En premier, la soumission des entrepôts logistiques de e-commerce à autorisation d’exploitation commerciale au même titre que les commerces de la grande distribution permettrait le contrôle a priori de ces équipements par les Commissions départementales d’équipement commercial au regard de divers critères d’aménagement du territoire et de développement durable. Par ailleurs, la construction d’entrepôts supérieurs à 2000 m2 de stockage engendrant une artificialisation des sols serait interdite, sauf dérogation dûment motivée comportant compensation d’une surface équivalente en sol non artificialisé. Imposer cette compensation est un outil intéressant, qui existe dans d’autres domaines de police administrative. Enfin, le moratoire sur la construction des plus gros entrepôts logistiques aux forts impacts environnementaux paraît également une bonne mesure pour lutter contre l’artificialisation des sols.Or, le moratoire sur la délivrance des permis de construire des entrepôts logistiques pour le commerce en ligne vise un seuil « supérieur à 3000 m2 », sans préciser de quoi. Pour aller encore plus loin, il conviendrait de rajouter « de surface de plancher », notion la plus couramment utilisée par le code de l’urbanisme, plus large que celle de surface de stockage (donc plus protectrice de l’environnement). En revanche, la notion de surface de plancher ne prend pas en compte les surfaces de stationnement dans son calcul. En complément, le mécanisme de compensation des sols artificialisés apparaît en l’état difficile à mettre en œuvre et à garantir, faute de toute précision sur son mécanisme et ses sanctions. Il apparaît donc nécessaire de réfléchir à des moyens de pérenniser les sols revenus à l’état naturel pour interdire toute future artificialisation.

Réguler la publicité

La présente loi veut réguler la publicité via deux volets : l’interdiction des panneaux publicitaires lumineux et surtout l’interdiction progressive de la « publicité sur les produits et services à fort impact négatifs sur l’environnement ». Le changement de comportements individuels sont un levier important qui pourrait, en étant appliqués pleinement, diminuer de 20% l’empreinte carbone totale de la France. A ce titre, la publicité, par sa capacité d’influence, constitue un levier important.
Avec des décrets d’application ambitieux, cette loi pourrait constituer une avancée forte dans la lutte contre le changement climatique. Pour aller plus loin, le Shift Project propose de reprendre certaines propositions de la CCC en la matière, notamment en généralisant l’affichage des émissions de GES dans les publicités, avec des données accessibles en open data. De plus, la publicité pourrait favoriser et mettre en avant les produits les plus vertueux sur le plan écologique.
Ces dispositions ont une incidence positive sur les émissions de GES et la dépendance aux énergies fossiles via deux leviers. Le premier, direct, est l’interdiction des panneaux publicitaires lumineux et numériques. Le second, indirect, est la limitation de la publicité pour les produits les plus émissifs en CO2

Pour aller plus loin, on pourrait généraliser l’affichage obligatoire de l'empreinte carbone des produits et services (à l’image de l’éco-score) et de demander aux entreprises de fournir des données structurées et « open data » pour calculer ce score. On pourrait également favoriser la publicité des produits les plus vertueux sur le plan écologique et d'allonger leur durée de garantie. En ce sens, l’esprit initial de la proposition de la CCC sur la publicité semblait plus ambitieux que la rédaction actuelle.

Liens utiles :

Plan de transformation de l'économie française - Focus sur la forêt et le bois ➤ https://theshiftproject.org/plan-de-transformation-de-leconomie-francaise-focus-sur-la-foret-et-le-bois/

9 propositions pour que l’Europe change d’ère - Proposition n°8 : Renforcer l'économie de la forêt
https://theshiftproject.org/article/pour-renforcer-leconomie-de-la-foret-developper-la-sequestration-de-carbone-par-les-forets-europeennes-decarboner-leurope-8/

Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité
https://theshiftproject.org/article/publication-du-rapport-decarboner-la-mobilite-dans-les-zones-de-moyenne-densite-cest-possible/

Décarboner la mobilité en Vallée de la Seine
https://theshiftproject.org/article/rapport-decarboner-mobilite-vallee-seine/

Déployer la sobriété numérique
https://theshiftproject.org/article/deployer-la-sobriete-numerique-rapport-shift/

"Faire sa part" - Etude Carbone 4
http://www.carbone4.com/publication-faire-sa-part/

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Consultation Publique sur la réforme de la garantie légale de conformité

La consultation est ouverte du 2021-03-26 au 2021-04-09

Deux directives européennes (2019/770 et 2019/771), qui renouvellent le cadre juridique de la vente de biens, notamment ceux qui « comprennent des éléments numériques », et de la fourniture de « services ou contenus numériques » aux consommateurs, sont en cours de transposition en France. Ces textes entendent notamment inclure les objets connectés dans leur périmètre.

Une consultation sur le projet d’ordonnance de transposition est ouverte jusqu’au 9 avril 2021. Elle est menée par la direction générale de la concurrence, consommation et répression des fraudes (DGCCRF), qui a co-rédigé ce projet avec le ministère de la justice.

Des dispositions de ces deux directives peuvent avoir un impact sur l’obsolescence matérielle et logicielle des équipements numériques - et des biens de consommation en général. Il s’agit notamment des durées de garantie des biens et services vendus ou fournis aux consommateurs. Allonger les durées pendant lesquelles les produits doivent être réparés, remplacés ou remboursés par les vendeurs peut contribuer à développer la « pérennité programmée des équipements électroniques » (rapport Déployer la sobriété numérique, 2020), ce qui est critique notamment dans un contexte annoncé de prolifération d’équipements connectés du quotidien, avec le déploiement de la 5G (rapport Impact environnemental du numérique : tendances à 5 ans et gouvernance de la 5G, 2021).

Par ailleurs et de manière plus générale, on peut s’interroger sur la pertinence actuelle d’adopter des textes qui ont pour objectif de favoriser le commerce en ligne transfrontière — à tout le moins, des études d’impact global devraient être conduites notamment en terme de fret, d’artificialisation des sols pour les entrepôts, etc. (voir les pistes d’étude ouvertes dans le rapport Plan de transformation de l’économie française, 2020).

Liens utiles :

Déployer la sobriété numérique, 2020)
https://theshiftproject.org/article/deployer-la-sobriete-numerique-rapport-shift/

Impact environnemental du numérique : tendances à 5 ans et gouvernance de la 5G, 2021
https://theshiftproject.org/article/impact-environnemental-du-numerique-5g-nouvelle-etude-du-shift/

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Questions émissions

en partenariat avec :   logo dixit

Investissement de l'État dans la gare de triage de Miramas

Question de Jean-Marc Zulesi - Député LREM :

M. Jean-Marc Zulesi interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, sur la gare de triage de Miramas et la politique française de soutien au développement du fret ferroviaire. Les objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre de la France obligent à repenser le fret et à le réorienter vers le ferroviaire, une formidable opportunité dont on doit aujourd'hui se saisir. Pourtant, sur les territoires, les gares de triage souffrent de décennies entières de sous-investissement. Dans les Bouches-du-Rhône, la gare de triage de Miramas en a fait les frais et n'est donc plus à sa capacité maximale de fret. Chaque jour passé sans investir ajoute une ligne à l'ardoise de la rénovation. Miramas est une gare de triage à bosse qui utilise le tri à la gravité. Cette méthode permet de réduire la durée et l'importance des manœuvres et de trier environ 120 wagons par heure contre 200 wagons par jour pour le tri à plat. De plus, d'un point de vue sécuritaire, le tri automatisé engendre très peu d'incidents. Pour ce territoire, l'investissement dans le fret est une opportunité de désengorgement des routes, un moyen de lutter contre les nuisances sonores et la pollution atmosphérique qui empoisonnent les citoyens. Grans accueille CLESUD, un terminal de fret ferroviaire et automobile, d'ailleurs financé et soutenu par le contrat de plan État-région : il y a là l'opportunité de renforcer ces deux pôles qui peuvent agir de manière complémentaire et ainsi renforcer le fret ferroviaire sur une zone où la densité de camions est très importante. Il souhaite donc savoir s 'il va saisir cette opportunité en soutenant la rénovation de la gare de triage de Miramas en complémentarité avec le terminal CLESUD de Grans et ainsi envoyer un signal fort au fret ferroviaire français.

Ce que nous en pensons :

Cette question orale de M. Zulesi vise le soutien de l'état pour la rénovation de la gare de triage de Miramas en complémentarité avec le terminal CLESUD de Grans. Plus largement elle nous permet de réfléchir à la place et aux caractéristiques du fret dans une économie décarbonée.

Le Terminal CLESUD est une plateforme logistique à Grans dans les Bouches-du-Rhône (13), à proximité de la gare de triage de Miramas, des zones industrielles de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre, zones d’import et d’export quotidien de volumes importants en matières premières et produits finis. À la croisée des axes de communication de l'Europe du Nord par la vallée du Rhône et de l'arc méditerranéen Espagne–Italie, le terminal est constitué d'un faisceau de voies ferrées électrifiées pour recevoir les trains et des équipements pour effectuer les manœuvres camions/trains.
La Gare de triage de Miramas est une des premières gares de triage de France par le nombre de wagons annuellement traits, c’est un nœud ferroviaire pour la desserte des marchandises du Port de Marseille vers l'arrière-pays national et européen avec un faisceau de cent voies installées.

Le secteur du fret (tous types de transport - routier, fluvial, ferroviaire - confondus) représente 10% des émissions de carbone en France et il est dépendant du pétrole à 95%.
Le Plan de Transformation de l’Economie Française du Shift Project préconise
· La réduction des flux de marchandises transportées (ex : circuits courts pour l'alimentation)
· Le report modal des marchandises vers le train, le transport fluvial, et les modes de transport actif pour réduire l'empreinte carbone
· Une meilleure efficacité dans les taux de chargement (routier et ferroviaire)

En l’espèce, la rénovation de la gare de triage de Miramas aurait une incidence positive sur la réduction des émissions de GES et de notre dépendance aux énergies fossiles. Sa rénovation va dans le sens des objectifs visés par le PTEF, notamment pour reporter une partie des flux routiers vers le ferroviaire. En effet, par manque d'investissement, le triage atteint aujourd’hui seulement 10% de sa capacité maximale en nombre de wagons.
La plateforme logistique CLESUD permet en première approche le report d'une partie du flux des marchandises routier vers le ferroviaire puisque des faisceaux de voies ferrées et équipements associés se situent directement sur le site logistique (multimodalité rail/route). Elle est très facilement accessible par l'autoroute (contournement de Miramas) ce qui pourrait permettre de réduire l'utilisation du fret routier au profit du ferroviaire sur le territoire pour le transport de marchandises provenant/à destination de l'Espagne et l'Italie (et inversement).
Cependant, un effet rebond potentiel de l’extension du CLESUD pourrait être une augmentation des flux de marchandises et du trafic routier localement (poids-lourds notamment et trajets domicile-travail), allant à l’encontre des préconisation du PTEF.
Pour améliorer davantage la proposition de Monsieur Zulesei, un cofinancement entre l'État et le conseil régional pourrait être envisagé afin que le coût de location des sillons (période durant laquelle la "voie" est affectée à la circulation d'un train entre deux points du réseau / équivalent d'un péage autoroutier) reste compétitif par rapport au routier. Si SNCF Réseau investit, le coût du "péage" risque d'augmenter.

Pour aller plus loin :
◦ "Vision globale du Plan de Transformation de l'Economie Française - Focus sur le Fret"
https://theshiftproject.org/focus-sur-le-fret/
◦ "Cartographie de la transition carbone"
https://theshiftproject.org/article/cartographie-de-la-transition-carbone-un-projet-collectif-ambitieux/

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La gazette du carbone résulte du travail des bénévoles de l'association The Shifters, essentiellement réalisé sur la base de l’expertise du Shift Project. Son objectif est d'informer sur les opportunités que présente l'arsenal juridique français pour décarboner notre société.
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