La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant


The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 - Semaine 7

Loi Climat : l'occasion rêvée du quinquennat (à saisir !)

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Notre sélection de la semaine

Lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

En dépit de son intérêt, ce projet de loi dit "Climat et Résilience" revoit à la baisse les ambitions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) comme le Conseil National de la Transition Écologique (CNTE) regrettent le manque d’ambition de l’exécutif dans la reprise, manifestement “filtrée” avant même leur arrivée au Parlement, des propositions de la CCC. De l’aveu même de l’exécutif, le texte n’est pas à la hauteur de la trajectoire nécessaire aux ambitions de l’Accord de Paris : il ne permettrait de sécuriser qu’entre la moitié et les deux tiers de l’objectif entre les émissions en 2019 et la cible en 2030, soit une réduction de 112 MtCO2eq par an.

En s’appuyant davantage sur les propositions initiales de la CCC, son expertise et les recommandations issues de ses travaux de recherche, voici ce qu'il nous semble utile de soutenir.


I. CONSOMMER

Le changement des comportements individuels pourrait réduire, de manière réaliste, 20% de l’empreinte carbone totale en France ("Faire sa part", étude publiée par Carbone 4 en juin 2019, en lien ci-dessous). Les choix de consommation des Français sont un levier indispensable pour décarboner l'économie d’autant qu’ils influent sur la volonté des entreprises à réduire leur impact environnemental et climatique. C’est à ce titre que le consommateur doit être protégé contre le greenwashing - une ambition affichée en ce début d’année par la Commission européenne.

Pour que les consommateurs modifient leurs comportements en privilégiant des produits à faible impact environnemental, ils doivent avoir accès à une information fiable au moment de l’achat, à une publicité avec des informations claires et factuelles pour faciliter leur choix de produits éco-responsables.

C'est pourquoi il nous semble indispensable de généraliser de l'affichage environnemental des produits et services intégrant leur empreinte carbone, obligatoire et accessible au grand public à l’image de l’éco-score de Yuka. Les entreprises devront fournir les informations nécessaires pour calculer ce score avec des données structurées et en « open data ». À l’image des publicités pour les aliments gras, l’alcool et des annonces immobilières, une mention alertant les consommateurs sur les impacts environnementaux compléterait ce dispositif avec potentiellement une interdiction de publicité dans certains cas. Inversement, la publicité pourrait favoriser et mettre en avant les produits les plus vertueux sur le plan écologique - l’esprit initial de la proposition de la CCC sur la publicité semblait plus ambitieux que la rédaction actuelle. Nous proposons également d’allonger de 2 à 5 ans la durée de garantie des produits.


II. PRODUIRE & TRAVAILLER

Changer les comportements individuels ne suffira pas pour réduire notre empreinte carbone jusqu’à atteindre des émissions compatibles avec la neutralité carbone. Pour y parvenir, les 3/4 des efforts devront venir de la décarbonation massive des entreprises (étude Carbone 4 précitée). Or, la transition écologique ne va pas nécessairement de soi pour elles, les enjeux climatiques n’étant pas ou peu valorisés dans les comptes de résultats.

La loi doit offrir un cadre pour les y encourager : nous proposons que les entreprises mettent à disposition annuellement en “open data” l’impact carbone des biens/services qu’elles produisent et ce sur toute la chaîne de valeur (Scope 1, 2 et 3). Afin que soit prise en compte l’empreinte carbone du numérique, nous prônons une véritable politique de sobriété numérique : intégration d’un budget spécifique dans la SNBC et régulation du secteur (ARCEP, CSA, Sociétés nationales de programmes télévisuels) sur cette base, information du consommateur (vidéo en ligne, consommation de données en temps réel), évaluation environnementale des projets numériques, renforcement des critères environnementaux pour l'attribution des marchés publics.


III. SE DÉPLACER

La transition en matière de mobilité est d’autant plus essentielle que le secteur des transports émet à lui seul 31% des émissions de GES nationales, dont près de 90% sont liées à l’usage de la route. Les co-bénéfices aux mobilités actives seront nombreux en matière de santé, de sécurité routière, de nuisances sonores, de développement de filières d’avenir, d’aménagement équilibré du territoire et de renforcement du tissu économique local.

Nous proposons de favoriser les incitations à l’usage des modes actifs et partagés au quotidien, en renforçant notamment le forfait mobilités durables. L'accroissement des contraintes fiscales (malus poids) nous semble incontournable pour dissuader d'acquérir des véhicules neufs et toujours plus polluants - comme nous savons le faire pour le tabac ou l'alcool qui sont reconnus dangereux pour la santé. Enfin, nous souhaitons aussi redéfinir la place de l’aérien dans le mix de transports de la France en réduisant l’offre nationale quand une alternative ferroviaire satisfaisante existe en moins de 4h30.


IV. SE LOGER - RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS

En France, le secteur du bâtiment est à l’origine d’un quart des émissions de gaz à effet de serre, de la moitié de la consommation d’énergie, et de plus de 15 milliards d’euros d’importations annuelles de pétrole et de gaz. Or, la majorité du parc immobilier est constituée de bâtiments dont le niveau de consommation est trop élevé. La rénovation thermique représente aussi un enjeu en termes de précarité énergétique. En effet, en France, 7,5 millions de logements sont des « passoires thermiques » (catégorie F ou G au sens du diagnostic de performance énergétique DPE). La rénovation de l’essentiel du parc existant a elle aussi des co-bénéfices au-delà de la lutte contre le changement climatique : sauvegarde du patrimoine bâti, préservation de la balance commerciale française (et donc de l’endettement du pays), l’emploi et le confort (voire la santé) dans les logements.

Le financement, la complexité, la méconnaissance des dispositifs d’aide et le manque de soutien aux rénovations performantes expliquent en grande partie le retard pris en matière de rénovation. Pour respecter l’objectif de la Stratégie National Bas Carbone (SNBC) de faire en sorte que l’ensemble du parc de logement soit décarboné et en moyenne au niveau “basse consommation” à l’horizon 2025, il est impératif d’accélérer le rythme des rénovations.

Nous soutenons la généralisation d'une politique de rénovation globale des bâtiments, en interdisant dès le 1er janvier 2025 toute nouvelle mise en location d’un bien d’étiquette DPE inférieure F ou G ET d’émissions supérieures à >55kgCO2/m²/an. Les modes de chauffage particulièrement polluants (chaudières fioul) doivent également être éliminés dès que possible (opérations de rénovation globale, logements neufs). Il serait enfin utile d’encadrer les documents à remettre par les soumissionnaires dans le cadre d’appels d’offres publics, afin de garantir que les projets présentés respectent l’objectif de réemploi et/ou d’usage des matériaux biosourcés.


V. SE LOGER - ARTIFICIALISATION DES SOLS

Les sols, en permettant de stocker du carbone, présentent un intérêt majeur pour compenser les émissions anthropiques de CO2 et renforcer la sécurité alimentaire. Selon un rapport du GIEC de 2019, les sols absorbent chaque année 30% des émissions humaines de GES. Or, en France, entre 20 000 et 30 000 hectares sont grignotés chaque année sur la nature et les terres agricoles, soit plus de 4 terrains de football par heure. Par ailleurs, l’étalement urbain nécessite le développement de nombreux réseaux ainsi qu’un usage accru de la voiture, générant un coût énergétique et économique élevé.

L’artificialisation des sols a donc des conséquences négatives, à la fois en termes de consommation énergétique, d’émissions de CO2 et d’atteinte aux espaces naturels et agricoles. Pour protéger ces puits de carbone et réduire le rythme du réchauffement climatique, il convient de promouvoir un urbanisme circulaire qui permette de reconstruire la ville sur elle-même en favorisant la densification.

Pour ce faire, il y a lieu de systématiser l’urbanisation dans l’enveloppe urbaine existante en favorisant la densification et l’utilisation des logements vacants. Il est également fondamental de prendre des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace, entraînant la désertification des centres bourgs et conduisant à l’urbanisation rampante.


VI. SE NOURRIR

L’agriculture est aujourd’hui confrontée à des enjeux sociaux et environnementaux. Les agriculteurs ne peuvent pas vivre décemment du revenu de leurs exploitations et le secteur est responsable de 20% émissions nationales de gaz à effet de serre. La viande et les produits laitiers totalisent 85% de GES de l’alimentation des Français.es au stade agricole. Il est donc impératif d’accompagner la transition de l’agriculture vers un modèle qui permette de produire une alimentation saine, qui rémunère les producteurs dignement et qui limite la consommation d'énergie fossile. Cette transition est aujourd’hui plébiscitée par les consommateurs qui sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les circuits courts afin de limiter les intermédiaires entre le producteur et le consommateur. De plus, la crise du COVID-19 a remis à l’agenda politique les questions de souverainement alimentaire.

Il convient donc d’orienter la production agricole vers des modèles moins émetteurs de gaz à effet de serre et d’encourager le changement de comportements vers un régime alimentaire à moindre empreinte carbone, notamment dans la restauration collective.

En ce sens, nous défendons des mesures visant à favoriser le recours des circuits courts dans les marchés publics et imposer un choix végétarien quotidien dans les restaurants collectifs.

Liens utiles :

http://www.carbone4.com/wp-content/uploads/2019/06/Publication-Carbone-4-Faire-sa-part-pouvoir-responsabilite-climat.pdf
https://theshiftproject.org/article/climat-preparer-avenir-aviation-propositions-shift-contreparties/https://theshiftproject.org/article/guide-mobilite-quotidienne-bas-carbone-rapport-shift/
https://theshiftproject.org/article/deployer-la-sobriete-numerique-rapport-shift/
https://theshiftproject.org/article/grand-debat-mobilite-logement-propositions/
https://theshiftproject.org/crises-climat%e2%80%89-plan-de-transformation-de-leconomie-francaise/

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La gazette du carbone résulte du travail des bénévoles de l'association The Shifters, essentiellement réalisé sur la base de l’expertise du Shift Project. Son objectif est d'informer sur les opportunités que présente l'arsenal juridique français pour décarboner notre société.
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