La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2023 | Semaine 30Bonjour chères lectrices et chers lecteurs ! Pour clôturer une année de publication riche et variée, nous vous proposons deux articles sur des problématiques bien différentes mais tout aussi concrètes :
Nous vous donnons rendez-vous en septembre pour une nouvelle année de recherches de décarbonisation tous azimuts ! Bonne lecture… et très bonnes vacances ! |
Sommaire |
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Réponse des Shifters à une Consultation PubliqueQuestions émissions |
Réponse des Shifters à une Consultation Publique |
Le gouvernement souhaite faire évoluer MaPrimeRénov’Portée par Le Gouvernement a mis en ligne une concertation publique sur la décarbonation des bâtiments. Du 5 juin au 28 juillet, l’ensemble des particuliers et organisations peuvent se positionner sur les mesures à prioriser pour favoriser l’accélération de la transition énergétique du parc de bâtiments français. Les questions posées concernent à la fois la rénovation des bâtiments tertiaires, les stratégies de rénovations du parc social et les actions à mener pour massifier les rénovations en logement privé. Parmi les 8 questions soulevées dans la concertation, le cinquième point concerne MaPrimeRénov’ que le gouvernement propose de revoir sous deux angles distincts : un premier angle « efficacité », axé sur le soutien au changement de type de chauffage; un second angle ciblant la « performance » ce qui conduit à privilégier des rénovations d’ampleur des logements mal isolés. Il faut remarquer que ces deux angles font échos à deux axes importants du Plan de transformation de l’économie française (PTEF) du Shift Project dans son chapitre « Habiter dans une société décarbonée ». L’Axe 3 du chapitre, « Décarboner la chaleur », se concentre sur le remplacement des chauffages fossiles par des énergies bas carbone pour le secteur du bâtiment. L’Axe 2, « Massifier la rénovation énergétique et performante », fait des propositions pour diminuer les consommations des bâtiments existants, notamment en proposant une amélioration des systèmes d’aides financières. Décarboner la chaleurLe premier pilier « efficacité » concerne le changement de vecteur de chauffage. « Le bâtiment résidentiel représente aujourd’hui un dixième des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France, en très grande majorité du fait du chauffage et des consommations d’eau chaude sanitaire. » Pour atteindre la neutralité carbone prévue par la SNBC, le PTEF recommande de massifier le raccordement aux réseaux de chaleur urbains, les systèmes de distribution où la chaleur est produite de façon centralisée en ville (5 millions de logements) et de changer d’énergie par le développement des pompes à chaleur pour les autres logements (10 millions de logements). En 2050, le plan prévoit la fin du fioul domestique comme vecteur de chaleur. Rénover de manière performanteLe second pilier « performance » met l’accent sur le ciblage des passoires thermiques et l’exigence de travaux d’ampleurs. Ce volet entre tout à fait dans la stratégie du PTEF qui préconise de se concentrer d’abord sur les logements les plus consommateurs afin d’atteindre des résultats substantiels rapidement. Ensuite, afin de mettre en œuvre une rénovation véritablement performante, il est nécessaire de généraliser la rénovation globale sur la rénovation geste par geste : « les rénovations globales en une seule fois, qui adressent l’ensemble des lots de travaux, restent aujourd’hui marginales en France. S’il est possible de fragmenter une rénovation globale en deux voire trois étapes sans dégrader excessivement la performance atteinte en fin de parcours, il est certain que l’ensemble des rénovations doivent être menées dans une approche globale. » (Rapport Habiter une société bas carbone) Le plan prévoit ainsi qu’en 2050 tous les logements seront étiquetés en DPE C ou mieux. ConclusionAu global, les sujets soulevés par cette question de la concertation semblent en accord avec les travaux du PTEF. L’évolution des aides est un levier primordial dans la stratégie de décarbonation du secteur, afin de simplifier et d’inciter les rénovations globales et performantes. Reste à savoir si cette nouvelle configuration en deux piliers permettra d’aller dans le sens d’une rénovation véritablement efficace, c’est-à-dire en traitant les deux volets comme inséparables. En effet, le rapport du Shift Project préconise de décarboner la chaleur systématiquement lorsque le bâti est rénové si l’on veut tenir le calendrier et atteindre la neutralité carbone pour 2050. Cette évolution de MaPrimeRenov’ en deux volets est donc intéressante si elle sert à aiguiller les travaux dans le bon sens. À cet égard, cette concertation donne l’occasion de mettre en avant l’amélioration de la distribution des prêts subventionnés, la facilitation de l’accès aux certificats d’économie d’énergie ou encore les évolutions de vote des copropriétés en vue de rénovation globales. Il faut espérer que le Gouvernement en tirera toutes les conclusions sur les aménagements des subventions et des financements nécessaires à la réalisation d’une transformation ambitieuse du parc existant. SourcesAnnexe : les questions contenues dans la concertationTERTIAIREQuestion 1 Question 2 : Question 3 : SOCIALQuestion 4 : PRIVÉQuestion 5 : Question 6 : Question 7 : Question 8 : Liens utiles : |
Questions émissions |
Friches agricoles ou industrielles : des logiques de requalification à distinguerPortée par M. Philippe Fait (Renaissance - Pas-de-Calais) Le député Philippe Fait attire l’attention du ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l’enjeu que représente la reconquête des friches agricoles dans l’aménagement durable des territoires pour répondre aux objectifs croisés de maîtrise de l’étalement urbain et de revitalisation des territoires ruraux1 . Soulignant que le fonds déployé par le Gouvernement2 pour financer des opérations de recyclage des friches ne concerne que les friches industrielles, il propose d’envisager de prévoir des possibilités de changement de destination et de réhabilitation des bâtiments agricoles sur le même modèle que les friches industrielles. Ainsi, il interroge M. le ministre sur la possibilité de mise en place de nouvelles mesures permettant d’allier l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et la requalification des friches agricoles. La lutte engagée contre l’artificialisation des solsLes surfaces recouvertes ou transformées de manière artificielle sous l’influence d’activités humaines entraînent un processus d’imperméabilisation des sols perturbant grandement les écosystèmes naturels, forestiers et agricoles. Introduit par la loi Climat et résilience en 2021, l’objectif de Zéro Artificialisation Nette s’inscrit dans une volonté de limiter la consommation de nouveaux espaces et, lorsque cela est impossible, de mettre en place des moyens de compensation sur une superficie équivalente à celles consommées. Le caractère disruptif et la difficulté d’application de la législation ZAN ne cessent de susciter des interrogations et oppositions depuis son annonce. En effet, ces politiques de régulation de l’usage des sols, pourtant essentielles face au dérèglement climatique et à la perte de la biodiversité, se heurtent à des intérêts contradictoires voire des incohérences entre les différentes politiques publiques. La reconversion des friches agricoles peut-elle contribuer à la ZAN ? La reconversion des bâtiments agricoles : un processus complexe, peu pratiqué dans les faitsLa proposition du député vise à faciliter la reconversion des bâtiments présents sur des friches agricoles dans le but de leur redonner une fonction économique et de revitaliser les communes rurales. Bien que le fait de massifier la rénovation du parc bâti et de ralentir le rythme de la construction neuve constitue un point stratégique fort de la décarbonation de l’économie selon le Plan de transformation de l’économie française (PTEF)3 , on peut tout d’abord s’interroger sur les surfaces en jeu, sans doute assez limitées, et leur localisation pas nécessairement attractive, par opposition aux friches industrielles ou urbaines. Par ailleurs, la reconversion des bâtiments agricoles présente des difficultés de mise en œuvre, allant parfois jusqu’à questionner la pertinence d’un choix de conservation. En effet, , ils diffèrent des autres constructions par leur usage et leur échelle et ne sont pas soumis aux mêmes réglementations4 . Conçus pour être des locaux de production ou de stockage, ces bâtiments agricoles prennent souvent la forme de hangars encadrés d’une ossature et d’un recouvrement en bois ou en métal. La plupart sont donc des structures légères non isolées car non chauffées. En outre, la présence d’amiante dans les murs ou les toitures est fréquente. Un projet de reconversion nécessiterait alors, outre le fait d’avoir un programme qui s’adapte au gabarit du bâti, de lourdes interventions pour la mise en sécurité et la dépollution de la structure, ainsi que pour l’isolation de l’enveloppe. Tous les terrains ou bâtiments, du fait de leur contamination potentielle ou de leur qualité architecturale inhérente à leur programmation d’origine, ne se prêtent pas à tous les usages. Du fait de la rareté de la pertinence de reconversion des structures agricoles, la prévision de nouvelles dispositions pour favoriser ce processus, comme suggéré par le député Philippe Fait, ne paraît pas d’une totale évidence. Il est difficile d’envisager le changement de destination d’un hangar agricole en habitation par exemple, et sa valeur à la revente – très liée à la localisation- n’est probablement pas à la hauteur des coûts de réhabilitation. Une réutilisation en hangar éventuellement après démolition-reconstruction risquent d’être souvent plus avantageux. D’ailleurs, en réponse à M. Philippe Fait, le Gouvernement indique que concernant le changement de destination des bâtiments agricoles, des possibilités existent déjà au titre du Code de l’urbanisme (articles L. 111-4 et L. 161-4). De plus, les PLU peuvent désigner des bâtiments susceptibles de faire l’objet d’un changement de destination, dès lors que ce changement ne compromet pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site5 . Rien ne s’oppose dans la législation à ces reconversions, mais elles manquent d’intérêt économique. Le recul des terres agricoles face à l’urbanisation : un danger pour les territoiresPlus fondamentalement, la reconversion des structures agricoles pose la question de la perte de ressource en sol pour l’usage agricole au profit de l’urbanisation. Si les travaux du Shift Project préconisent la reconquête de friches industrielles en milieu urbain, dans une perspective de densification et d’arrêt de la périurbanisation, les friches agricoles constituent une problématique fort différente : elles ne sont pas considérées comme déjà artificialisées6 et sont localisées principalement en milieu périurbain ou rural7 . Comme le souligne le rapport de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) paru en 20178 , les terres agricoles possèdent plusieurs caractéristiques physiques qui les rendent vulnérables à l’urbanisation. Comparés au prix des terrains bâtis, les prix des terres agricoles sont très faibles. De surcroît, les terrains de bonne qualité agricole sont souvent les moins coûteux à convertir de par la profondeur du sol et leur localisation historique à proximité des centralités. C’est la raison pour laquelle les terres artificialisées proviennent en majorité de terres agricoles9 . Pour ne pas réduire le potentiel productif de l’agriculture, une attention particulière doit être portée au lien entre qualité des sols et aménagement. Le PTEF insiste sur la nécessaire maîtrise de l’artificialisation qui doit viser des objectifs non seulement quantitatifs mais qualitatifs, en optimisant la production sur les terres les plus riches, en fonction de leurs avantages naturels10 . Qui plus est, cela doit également se faire dans une perspective de décarbonation globale de la filière, en mettant en place un système agricole résilient, soutenable et autonome à l’échelle locale. Pour réaliser cette relocalisation et diminuer les émissions de GES du transport de marchandises, il semble important de repenser l’utilité de ces friches, comme le préconise le PTEF : « Les infrastructures de stockage (silos, greniers, entrepôts…) se développent également là où les impératifs de résilience l’exigent, pour pouvoir faire face à des perturbations lourdes touchant la production agricole ou la logistique. »11 Bien qu’il ne s’agisse pas de renoncer à toute urbanisation, il est désormais nécessaire d’inventer de nouvelles manières d’habiter et d’aménager le territoire en limitant au maximum l’emprise sur les espaces agricoles, naturels ou forestiers, afin de les prendre en considération au-delà de leur potentiel de réserve foncière. 1 questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-6043QE.htm 2 Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a déployé un fonds de 750 M€ sur la période 2021-2022. 3 The Shift Project – Habiter dans une société bas carbone 4 Notons qu’alors que le recours à un architecte est obligatoire à partir d’une surface de plancher supérieure à 150m2 pour une construction classique, cela n’est obligatoire qu’à partir de 800m2 dans le cas d’un bâtiment agricole. 5 Le Gouvernement indique également que la loi n’a pas prévu de dispositif nouveau en plus de la procédure de mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées figurant aux articles L. 125-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime (CRPM). 6 Les surfaces artificialisées désignent toute surface retirée de son état naturel, forestier ou agricole. 7 Les espaces agricoles représentent plus de 50% de la superficie des territoires ruraux. 8 Rapport de 2017 : « Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols, déterminants, impacts et leviers d’action ». L’INRA est devenu en 2019 l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). 9 Les enquêtes de CORINE Land Cover (CLC) indiquent que les terres artificialisées depuis 2000 proviennent à près de 90% de terres agricoles. Le CLC est base de données européennes ayant produit un inventaire biophysique de l’occupation des sols produit par interprétation visuelle d’images satellite. 10 The Shift Project – « Climat, crises : comment transformer nos territoires ? », octobre 2022 11 The Shift Project – Vers un plan de transformation de l’économie française, Agriculture et alimentation. P.12 Liens utiles : |
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