La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2023 | Semaine 02Cette semaine, deux articles qui analysent le soutien financier des pouvoirs publics aux collectivités :
Bonne lecture! |
Sommaire |
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Questions émissions |
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Le bouclier tarifaire en faveur des collectivités localesPortée par M. Ian Boucard (Les Républicains), Territoire de Belfort « Le député Ian Boucard attire l’attention du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique sur la hausse des coûts liée à l’inflation du prix de l’énergie et sa répercussion sur le budget des collectivités locales. Des mesures ont certes été mises en place afin d’atténuer cette hausse de prix pour l’énergie, mais elles ne bénéficient qu’aux collectivités ayant moins de 10 employés et moins de 2 millions d’euros de recettes annuelles, ce qui crée une forte inégalité. Le député évoque le risque de la répercussion de cette hausse sur les impôts directs locaux, en particulier par augmentation de la contribution économique territoriale, et la possible dégradation consécutive de certains services publics avant de demander une généralisation du bouclier tarifaire à toutes les collectivités territoriales. » Rouages essentiels de l’administration publique, les collectivités locales possèdent des compétences propres à chaque échelon. > Source : Vie publique – Fiche thématique : Qu’est-ce qu’une collectivité territoriale ou collectivité locale ? Les répercussions d’une flambée des prix peuvent conduire à dégrader l’exercice de chacune de ces compétences ou, à l’inverse, à sensiblement accroître en compensation les impôts locaux. Une solution à court terme pour pallier la crise énergétiquePour accompagner les collectivités durant cette période économique difficile, la Première ministre a annoncé, le 27 octobre dernier, deux mesures dédiées aux collectivités territoriales1 :
Le Gouvernement déploie ainsi un soutien financier de près de 2,5 milliards d’euros. Ces dispositifs sont financés indirectement par les marges exceptionnelles des énergéticiens (TOTAL, EDF…) en 2022, au travers des dividendes et prélèvements, tout deux versés en faveur de l’État. La préconisation des Shifters pour les collectivités localesLes mesures prises peuvent certes aider les collectivités à traverser la crise énergétique actuelle, mais ne résolvent en aucun cas la dépendance aux énergies fossiles que les tensions géopolitiques et climatiques récurrentes ne cessent de démontrer. Les aides de l’État allègent la pression budgétaire sur les collectivités territoriales, mais réduisent plus sûrement encore l’incitation à passer en revue l’utilité de chaque dépense énergétique et les moyens de faire des économies durables. Il convient de davantage encourager à la décarbonation de l’administration publique et de décliner des plans d’action selon les compétences des collectivités et les types de territoire. Si elles étaient utilisées pour investir dans la décarbonation, les subventions auraient un effet très significatif sur les infrastructures énergétiques des collectivités territoriales et ceci de façon pérenne, tous les hivers par exemple pour le chauffage, alors que la subvention de fonctionnement n’allège la charge que sur une saison de chauffe. L’enjeu de la décarbonation de l’administration publique reste d’autant plus important que, dans son ensemble, elle représente 20 % de l’emploi en France, 30 % du parc immobilier tertiaire et 2/3 des repas servis en restauration collective2. À cet égard, le Plan de transformation de l’économie française (PTEF)2 du Shift Project promeut des mesures simples et importantes :
Certaines de ces actions peuvent avoir un impact dès 2025, telles que l’amélioration thermique des bâtiments, la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les cantines, le passage des véhicules thermiques à l’électrique, ce dernier étant particulièrement adapté aux mobilités locales et quotidiennes que gèrent les collectivités. 1 www.economie.gouv.fr/hausse-prix-energie-dispositifs-aide-entreprises#ETI Liens utiles : |
Inflation vs attractivité des transports collectifsPortée par Mme Florence Lasserre (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Pyrénées-Atlantiques) La députée Florence Lasserre (Les Démocrates) a alerté en août dernier le ministre des Transports, Clément Beaune, sur la situation économique des autorités organisatrices des mobilités (AOM). Elle a demandé au Gouvernement d’expliciter les mesures qui seront mises en œuvre en 2023 pour éviter une hausse des tarifs pour les usagers ou une baisse du niveau de service des transports. De fait, les années 2020 à 2022 ont été jalonnées d’épisodes de déstabilisation du monde des transports, qui peine à retrouver une situation pérenne. Tempêtes sur le financement des transports publicsLes transports collectifs ont principalement trois sources de financement : le versement mobilité1 payé par les employeurs du territoire concerné, les recettes commerciales issues de la vente des titres de transport aux usagers et la contribution des collectivités. Lors de la crise sanitaire de la covid-19, les pertes commerciales des AOM ont été doublées. Les ventes de titres ont fortement chuté à la suite des confinements et les recettes liées au versement mobilité ont également baissé en raison du chômage partiel massivement utilisé par les entreprises2. Dans le contexte de la crise sanitaire, l’État avait mis en place un dispositif de compensation des pertes de ressources fiscales : son montant était calculé à partir de la différence entre les recettes perçues par la collectivité concernée entre les périodes 2017-2019 et 2020-2021. Ce dispositif a cependant été critiqué car considéré par certains comme désavantageant les collectivités ayant conservé leur compétence en propre : les pertes du versement mobilité étaient dans ce cas souvent neutralisées par les autres ressources de la collectivité telles que la taxe d’habitation ou la taxe foncière3. Il a été partiellement remédié à ces inégalités dans les aides prévues par la loi de finance de 2021. Aujourd’hui, les réseaux n’ont cependant pas encore retrouvé leur fréquentation pré-COVID. La généralisation du télétravail a pesé sur le nombre d’usagers des transports collectifs4. La dynamique est trop récente pour que ses effets aient été bien analysés en termes de report modal ou au regard du besoin de déplacement (l’hypothèse d’une baisse de la fréquentation au profit de la voiture ne peut toutefois être écartée). À la crise COVID s’est ajouté l’impact de la guerre russo-ukrainienne sur le prix des matières premières. Les coûts augmentent pour les opérateurs de transport, ce que les contrats n’avaient pas toujours bien intégré, qu’ils prennent la forme de délégations de service public5 ou de marchés publics. Les AOM ont des difficultés à maintenir le service et poursuivre les investissements nécessaires à l’amélioration de la mobilité quotidienne sur leurs territoires. Certaines AOM envisagent déjà d’augmenter les tarifs des transports pour faire face à l’inflation de leur coûts6 quand d’autres s’y refusent et préféreraient revoir les projets de nouvelle desserte à la baisse. Le rapport DuronCes crises successives ont concentré l’attention des pouvoirs publics sur les questions de financement des transports collectifs, aussi bien des investissements que de dépenses de fonctionnement. Plusieurs mesures ont par ailleurs été proposées par les représentants des collectivités et un rapport sur le modèle économique des transports collectifs a été établi par Philipe Duron en 2021 à la demande du ministre des Transports Baptiste Djebbari7. S’en sont suivies des discussions parlementaires sur la réduction de la TVA sur les transports collectifs de 10 % à 5,5 %. La mesure a été votée en novembre 2022 par le Sénat pour deux ans contre l’avis du Gouvernement qui considérait que le signal prix serait faible quand bien même tous les gains seraient redistribués aux usagers8. Mais elle pourra favoriser le financement des AOM et de leurs investissements, une perspective qui remporte davantage d’adhésions sans toutefois clore les nombreux débats en cours. Plus généralement, de nombreux élus et experts s’accordent pour déplorer la tendance à la baisse de la participation des usagers9, soulignant que la qualité de l’offre est le facteur déterminant pour les attirer et permettre le report modal. Le rapport Duron recommande d’ailleurs de plafonner le versement mobilité si le ratio recettes commerciales/dépenses est inférieur à 30 % ou en cas de gratuité10. D’autres ressources sont envisagées telles que la taxation des usagers des infrastructures routières, en orientant une partie de la TICPE11 (taxe sur l’énergie) vers le financement des transports publics, ou encore une contribution des plateformes de commerce en ligne12. Toutes ces mesures vont dans le sens d’une priorisation des transports collectifs par rapport aux transports individuels motorisés et rejoignent les propositions défendues par The Shift Project dans son « Guide pour une mobilité bas carbone » publié en février 2020. Plus largement, la capacité des transports collectifs à assurer un service efficace, et donc à attirer les usagers, ne dépend pas seulement des infrastructures. Il faut également un système urbain qui rende les transports alternatifs à la voiture efficaces, ainsi que des incitations fiscales dans ce sens. The Shift Project insiste également sur le devoir de l’État de définir avec les collectivités et leurs représentants des « méthodologies permettant d’harmoniser d’un territoire à l’autre les outils d’évaluation et de suivi des transports, [pour] assurer le respect de la trajectoire nationale de sortie des énergies fossiles. » 1 En France, le versement mobilité est une contribution qui est entrée en vigueur en janvier 2021. Créée par la loi d’orientation des mobilités pour financer les transports et les services de mobilité, elle est due par les employeurs privés ou publics (source : Wikipédia) 5 « [..] contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. » (Source : loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 dite loi MURCEF) 7 www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/RAPPORT%20DURON.pdf 9 « Ainsi, de 2000 à 2015, le taux de couverture moyen des dépenses d’exploitation par les recettes tarifaires a enregistré une baisse régulière. » – www.vie-publique.fr/en-bref/20003-financement-des-transports-collectifs-urbains-la-part-des-usagers 10 www.fnaut.fr/le-rapport-duron-reprend-plusieurs-propositions-de-la-fnaut/ 11 Taxe Intérieure sur la Consommation de Produits Énergétiques : principale taxe intérieure de consommation perçue en France qui porte sur certains produits énergétiques, notamment ceux d’origine pétrolière. 12 www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/RAPPORT%20DURON.pdf Liens utiles : |
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