La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2023 | Semaine 01C’est reparti pour une nouvelle année, riche en analyses, débats et partages de l’actualité politique ! Après vins chauds et coupettes de champagne à gogo en cette fin d’année 2022, nous vous proposons de commencer 2023 en vous donnant plutôt l’eau à la bouche (parfait pour le « Dry January » !) avec :
Nous profitons de ce 1er numéro en 2023 pour vous souhaiter à tous nos meilleurs vœux. Une idée de première résolution ? Diffuser la Gazette du Carbone à son entourage ! |
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Questions émissions |
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Réduction de la vitesse sur autoroute : économies d'énergie ?Portée par Mme Élodie Jacquier-Laforge (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Isère ) « Mme Élodie Jacquier-Laforge, députée Démocrate interpelle M. le ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé des transports, sur le sujet des limitations maximales de vitesse applicables aux véhicules sur autoroutes fixées par l’article R. 413-2 du code de la route. Dans des conditions similaires, un véhicule consomme en moyenne 25 % de carburant en moins en roulant à 110 km/h plutôt qu’à 130 km/h. Au vu des tensions actuelles sur le marché de l’énergie, et de la nécessité de faire baisser la consommation énergétique globale du pays, la députée interroge le Gouvernement sur l’opportunité d’une généralisation de la vitesse maximale à 110 km/h ou 120 km/h sur l’ensemble du réseau autoroutier national. » Un potentiel d’économie importantThe Shift Project estime, dans son rapport « Voyager bas carbone », que pour la seule mobilité longue distance les français consomment 160 TWh d’énergie par an. Celle-ci est majoritairement associée à la voiture (43%), dont 60% de consommation sur autoroute qui représente donc une dépense énergétique de plus de 40 TWh par an (40 milliards de kWh). Une mesure très partiellement appliquée malgré des bénéfices immédiats manifestes.Comme le souligne la députée Élodie Jacquier-Laforge, une réduction de la vitesse permet une diminution de l’ordre d’un quart de la consommation énergétique du véhicule, selon les estimations des travaux du Shift Project. Cette conclusion ne semble plus faire débat, la Convention citoyenne pour le climat portait même cette mesure dans son rapport final1 en juin 2020. Dès lors est-il légitime de s’interroger sur l’absence de mesures plus incitatives fixées par le gouvernement, d’autant plus qu’un abaissement de la vitesse autorisée sur autoroute pourrait être mis en œuvre rapidement, avec un résultat immédiat. Le plan de sobriété énergétique2 proposé en octobre dernier par le Gouvernement en faisait même sa septième « mesure phare », en écho de la préconisation de la Convention citoyenne pour le climat. Il est décevant de constater que l’application de cette mesure est limitée à un faible volume de déplacements : cette limitation n’est aujourd’hui prescrite qu’aux seuls agents de l’État, pour leurs trajets professionnels, et avec leur véhicule de service. Le Gouvernement semble craindre une réaction négative de l’opinion publique, liée notamment au rallongement des temps de trajet, assez marginal en réalité. Il refuse toute mesure coercitive et se cantonne à de simples préconisations3 : réduire la vitesse, favoriser l’usage du train, etc. La déception est d’autant plus grande que les bénéfices de la mesure dépassent la simple réduction des émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie. La Convention citoyenne pour le climat a ainsi souligné son intérêt en termes de sécurité routière et de décongestion du trafic. The Shift Project estime également qu’une réduction de la vitesse maximale compense les inégalités de performances entre véhicules puissants, voraces en énergie et matériaux de production, et véhicules plus légers et plus sobres. Avec une limitation plus faible de la vitesse, ces derniers véhicules deviendraient plus attractifs car assurant un temps de parcours désormais identique aux véhicules plus rapides mais bridés. Plus encore, un certain allongement des temps de parcours de la voiture peut redonner de la compétitivité aux modes de transport collectifs, comme le bus et le train, à condition qu’un effort soit mené en parallèle pour en améliorer les performances. La question de fond restant : est-on prêt à ralentir et faire confiance aux français pour une mesure aussi simple et efficace, quitte à déployer davantage de pédagogie ? Faute de quoi, on peut s’interroger sur notre capacité à conduire la décarbonation de l’économie dans les délais impartis. 1 Convention citoyenne pour le climat. Rapport final. Juin 2020 – propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/le-rapport-final/ 2 Gouvernement. Dossier de Presse Plan de Sobriété. 6 Octobre 2022 – www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/dp-plan-sobriete.pdf 3 Déclarations de la Première Ministre Elisabeth Borne, le 14/11/22 : www.francetvinfo.fr/societe/securite-routiere/limitation-de-vitesse-a-110-km-h-sur-les-autoroutes-elisabeth-borne-estime-que-ce-n-est-pas-la-bonne-voie_5478075.html Liens utiles : |
Renouveau du bassin minier : la rénovation énergétique des logements prend du tempsPortée par M. Bruno Bilde (Rassemblement National - Pas-de-Calais) Dans le cadre d’un Contrat d’intérêt national1 signé le 7 mars 2017, l’État s’engageait à mobiliser 100 millions d’euros pour le renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais. S’inscrivant dans une stratégie globale d’aménagement et de développement du territoire, ce plan prévoyait le financement de projets de rénovation énergétique de logements au sein de 35 cités minières. Signalant le « flou » entretenu par l’État à propos des modalités du déploiement des fonds, le député Bruno Bilde questionne le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires sur la nature réelle de cette contribution et demande des précisions quant au calendrier du plan de financement. La rénovation des logements miniers : un enjeu écologique et social de tailleInscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, le bassin minier s’étend sur environ 120 km au nord de la France. Il est touché par un déficit d’attractivité et un taux de pauvreté élevé3. L’Engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM) établi sur 2017-2027 vise à améliorer les conditions de vie et de logement de 1,2 million d’habitants. Le programme prévoit notamment le financement de la rénovation énergétique de 23 000 des 70 000 logements d’origine minière, dont 20 000 appartiennent au principal bailleur social du Nord : Maisons & Cités, détenu par la Région et la Caisse des Dépôts4. Ce parc est principalement constitué d’habitations individuelles ou mitoyennes en briques, regroupées dans des corons5 ou cités ouvrières. Bâties majoritairement entre les années 1820 et 1940, ces maisons sont aujourd’hui dégradées en raison de leur ancienneté, souvent de trop petite ou mal distribuées, et surtout énergivores. Environ 38% des logements propriété de Maisons & Cités présentent un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé E, F ou G6, un taux proche de celui de l’ensemble des résidences principales françaises7, avec les interdictions afférentes de mise en location imposées par la loi Climat et Résilience qui inquiètent aussi le secteur HLM8. Avec une enveloppe budgétaire de 80 000 euros en moyenne par logement, les travaux de réhabilitation prévus par l’ERBM comprennent principalement la pose d’une nouvelle isolation thermique des toitures, planchers et parois, le remplacement du système de chauffage et des menuiseries intérieures, le ravalement des façades, et si besoin, le remplacement d’équipements (sanitaires) ou l’agrandissement de la surface habitable. La région des Hauts-de-France se situant en zone climatique H19 (parmi les zones froides), la consommation énergétique de son secteur résidentiel est supérieure de 11 % à la moyenne nationale10. Ce que soulignent les travaux du Shift ProjectLa massification de la rénovation énergétique du parc immobilier et la généralisation d’une isolation performante des enveloppes constituent un levier essentiel pour faire baisser autant que possible les émissions carbonées du bâti, qui représentent aujourd’hui 12 % des émissions de gaz à effet de serre en France, en très grande majorité du fait du chauffage. Le Plan de Transformation de l’Économie Française du Shift Project (PTEF) recommande que cette rénovation cible en priorité les logements les plus énergivores, en privilégiant les ménages les plus modestes, et est donc en concordance avec le projet de l’ERBM. Une avancée assez floue de l’opération, qui illustre sans doute la complexité des rénovationsDepuis le lancement de l’ERBM en 2017, Maisons & Cités avait livré 5 000 logements rénovés en février 2022, et mis 8 000 logements en travaux, « soit 40% de l’objectif de lancement de travaux », selon le directeur général Jean-François Campion. La réponse ministérielle au sénateur Dagbert évoque, de son côté, un chiffre de seulement 3 330 logements rénovés en avril 2022 ; à ce rythme, on peut craindre que le délai de 10 ans initialement annoncé ne soit très largement dépassé. Concernant la gestion des effectifs de rénovation, l’ERBM évoque « une adaptation avec un véritable chantier de simplification, à la fois de [ses] process, de [ses] méthodes de travail, pour faire gagner en productivité »11, et même d’une « réorganisation nécessaire ». D’autres sources mettent toutefois en avant la difficulté de trouver les nombreuses expertises professionnelles nécessaires à la rénovation. La réponse ministérielle évoque quant à elle la création de près de 990 emplois dans le cadre du déploiement du zonage bassin urbain à redynamiser (BUD). Enfin, il est surprenant de constater que le financement d’une opération engagée depuis 2017 ne soit pas totalement bouclé et suscite les interrogations de nombreux élus locaux, y compris le Président de la Région des Hauts-de-France Xavier Bertrand12, notamment sur les modalités du déploiement des fonds promis par le Gouvernement. En réponse, le président de la République a annoncé le déblocage d’une nouvelle enveloppe de 100 millions d’euros pour le financement du volet urbain de la rénovation des cités minières. Or, le coût global de l’opération a été estimé entre 1,5 et 2 milliards d’euros13. La principale source de financement provient d’un crédit d’un milliard d’euros contracté par Maisons & Cités auprès d’une filiale de sa maison-mère, la Caisse des Dépôts14. On note également l’intervention de la Banque Européenne d’Investissement et du FEDER, deux institutions européennes. La complexité du financement n’est pas inhabituelle sur des opérations d’une telle envergure. Sa bonne fin paraît assurée par les ressources de Maisons & Cités, qui investit 330 M€ par an dans l’ensemble de son patrimoine15 Il n’en reste pas moins qu’une plus grande clarté serait souhaitable sur ce projet emblématique. Comme le rappelle le PTEF, la rénovation du parc de logement constitue un chantier de longue haleine, qui impose une action globale et organisée. Pour ce faire, l’État doit accélérer et simplifier l’instruction des process et financements pour permettre d’atteindre les objectifs visés. 1 Les Contrats d’intérêt national (CIN) permettent la réalisation de projets d’aménagement complexes d’envergure nationale grâce à une gouvernance partenariale entre l’État, les collectivités et des acteurs économiques publics et privés. 2 www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ211024981.html 3 Rapport de l’INSEE paru le 17 septembre 2019 – www.insee.fr/fr/statistiques/4214601 4 Maisons & Cités est propriétaire de 63 000 logements. Son capital est détenu à 64% par Epinorpa, l’Établissement public rattaché à la Région Hauts-de-France et à 34 % par CDC Habitat. 5 bassinminier-patrimoinemondial.org/lhabitat-minier/ 6 Rapport de Jean-Louis Subileau « Préfiguration d’un contrat partenarial d’intérêt national pour le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais ». 7 Selon le Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, 22 % de l’ensemble des résidences principales en France présente un DPE classé E, 10 % classé F et 7 % classé G – www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2022-07/document_travail_60_parc_logements_dpe_juillet2022_infopdf.pdf 8 www.batiactu.com/edito/nouveau-dpe-monde-hlm-navigue-a-vue-et-s-inquiete-interdiction-62595.php 9 Dans le cadre de la RT 2012 puis de la RE 2020, le CEREMA a défini avec Météo France des zones climatiques afin de prendre en compte l’impact des spécificités climatiques d’un territoire sur les consommations d’énergie liées aux besoins de chauffage. Elles ont été déterminées en fonction des températures en période hivernale (H1, H2 et H3) et des températures estivales (a, b, c et d) – www.rt-batiment.fr/IMG/pdf/guide_re2020_dhup-cerema.pdf 10 Projet régional rev3 des Hauts-de-France : rev3.hautsdefrance.fr/thematique/ameliorer-lefficacite-energetique-de-lhabitat/ 12 Communiqué de presse de la Région des Hauts-de-France du 2 février 2022 – www.hautsdefrance.fr/communique-de-presse-engagement-pour-le-renouveau-du-bassin-minier-236-millions-deuros-investis-par-la-region-depuis-2017/ 13 Synthèse de l’action de l’État en 2019 dans le cadre de l’ERBM – www.prefectures-regions.gouv.fr/hauts-de-france/content/download/66470/435644/file/ERBM_Actions%20Etat%202019_synth%C3%A8se%20r%C3%A9gionale%20-%20vdef%2013-02-2020.pdf 14 Article publié le 15 novembre 2019 par la Banque des Territoires – www.banquedesterritoires.fr/renovation-thermique-de-logement-dans-le-bassin-minier 15 groupe-cdc-habitat.com/groupe/groupe-cdc-habitat/maisons-et-cites/ Liens utiles : |
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