La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2022 | Semaine 44

Les collectivités ne sont pas en reste !
Cette semaine encore, nous revenons sur le plan de sobriété énergétique (le dernier numéro sur ce sujet promis!) pour partager notre analyse sur les mesures préconisées par le Gouvernement pour réduire les consommations énergétiques de nos collectivités.

Bonne lecture à tous !

Sommaire

Réflexions décarbonées

Réflexions décarbonées

Plan de sobriété énergétique du gouvernement : focus sur la consommation des collectivités

Portée par Le Gouvernement

Pour rappel, le Plan de sobriété énergétique dévoilé par le Gouvernement le 6 octobre dernier, a pour objectif la diminution de 10% de la consommation énergétique du pays pour pallier la crise énergétique prévue sur les hivers 2022/2023. Avec ce Plan, le Gouvernement espère, entre autre, mettre au pas les particuliers, entreprises et collectivités sur les efforts à fournir pour atteindre l’objectif de réduction de 40% des consommations énergétiques du pays d’ici 2050. Nous nous intéressons ici aux consommations énergétiques des collectivités et aux mesures retenues dans le Plan de sobriété pour les diminuer.

Un peu de contexte…

Dans l’étude menée en 2017 par l’ADEME sur les dépenses énergétiques des collectivités locales1, la consommation énergétique des collectivités (communes et groupements à fiscalité propre2) était estimée à 39,6 TWh, soit 584 kWh par habitant. Les bâtiments sont le premier poste de consommation (78 %), suivis par l’éclairage public (12 %) et le carburant pour les déplacements professionnels (7 %). L’énergie consommée directement par les communes de métropole et les groupements à fiscalité propre provient en majorité de sources fossiles : 50 % et 49 % respectivement pour le gaz, le carburant et le fioul réunis (en omettant la part de sources fossiles utilisées pour la production d’électricité française).

Le plan de sobriété s’attaque donc tout naturellement aux deux premiers postes – bâtiments et éclairage – en incitant les collectivités à :
  • Pour l’éclairage : passer à l’éclairage LED, le moduler en fonction des besoins, appliquer strictement l’interdiction d’éclairage nocturne des publicités. Ces mesures se sont montrées efficaces comme le précise l’ADEME dans son rapport Dépenses énergétiques des collectivités locales : entre 2012 et 2017, elles ont permis aux communes de réduire les dépenses énergétiques liées à l’éclairage public de 34 %. Le plan de sobriété encourage donc les collectivités à poursuivre les efforts engagés.
  • Pour les bâtiments : engager leur rénovation énergétique en s’appuyant notamment sur les moyens mis à disposition par l’État dans le cadre du programme ACTEE 2 (Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique). Il s’agit d’outils d’aide à la décision (ressources documentaires, assistance technique spécifique dans le cadre d’appels à projets…) pour améliorer la performance énergétique et diminuer le bilan carbone de leur patrimoine bâti.

Le Gouvernement annonce également la mobilisation de moyens supplémentaires avec :

  • La prolongation du programme ACTEE en le dotant de 220 M€ supplémentaires pour soutenir des projets variés (éclairage public et rénovation, mais également effacement de consommation électrique3 et sobriété).
  • La création en 2023 d’un « fonds vert » de 1,5 Md€ en soutien aux projets de transition écologique portés par les collectivités, sans plus de détails à ce stade sur la définition des opérations éligibles.

Ce qu’en pensent les Shifters

La rénovation énergétique des bâtiments publics et la mise en place de mesures simples de sobriété font partie des axes identifiés dans le rapport « Décarboner l’administration publique » produit dans le cadre du Plan de transformation de l’économie française (PTEF). L’incitation et le soutien proposés par le Gouvernement sont donc pertinents. En revanche, il est regrettable que le plan de sobriété ne fasse aucune mention du mode de chauffage : les bâtiments étant en France principalement chauffés au gaz, passer à un chauffage électrique ou par pompe à chaleur est un levier intéressant de décarbonation pour les collectivités.

Autre point tout à fait regrettable, le non recours au levier des achats publics dans le plan de sobriété. Pourtant, les collectivités ont acheté en 2020 pour 41,6 Md€ de fournitures, travaux et services, et 17,6% seulement des marchés passés contenaient une clause environnementale4 ! Sur ce point, le PTEF préconise, d’une part, d’être sobre dans les achats et de n’acheter que le strict nécessaire, d’autre part d’intégrer des critères « carbone » dans tous les marchés publics et de prendre en compte des indices de durabilité et réparabilité.

Les collectivités, à travers les politiques publiques qu’elles mettent en œuvre, peuvent grandement influer sur les usages et contribuer à la limitation des consommations d’énergie et à la décarbonation. Par exemple, en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité ou des transports (AOT ou AOM), elles peuvent développer les mobilités douces et les transports en commun. Les collectivités peuvent aussi limiter les besoins en déplacements et l’artificialisation des sols en agissant sur le zonage5. Une autre illustration en ce qui concerne la diminution des émissions de GES est le service de repas végétariens dans les écoles, collèges ou lycées, que peuvent parfaitement décider les communes, départements et régions en décidant de réduire l’achat de produits d’origine animale ou, si la confection de repas est externalisée, en demandant à leurs prestataires d’en faire autant.

En conclusion, le plan de sobriété contient des mesures intéressantes, mais fait preuve de court-termisme et néglige l’impact que peuvent avoir les collectivités pour la décarbonation de l’ensemble de la société. A moins que le futur Fonds Vert ne cible de véritables mesures de transformation.

1 La librairie ADEME. Dépenses énergétiques des collectivités locales. État des lieux en 2017 : librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/493-depenses-energetiques-des-collectivites-locales.html

2 Définition Insee.fr : un groupement de communes à fiscalité propre est une structure intercommunale ayant la possibilité de lever l’impôt (taxe d’habitation, taxe sur le foncier bâti et le foncier non bâti, taxe professionnelle jusqu’en 2009 et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères).

3 Ou lissage de la courbe de charge par le pilotage de la demande : fr.wikipedia.org/wiki/Effacement_de_consommation_%C3%A9lectrique

4 Ministère de l’économie, des finances et de la relance. Recensement économique de la commande publique. Chiffres 2020 : www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/recensement/recensement_chiffres2020_20211012.pdf?v=1663600881

5 En évitant de faire des cités-dortoirs ou de grandes zones commerciales en périphérie et en favorisant la mixité des activités dans une zone (résidentiel et entreprises), cela participe à la réduction des besoins en déplacements.

▲ Sommaire

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