La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2022 | Semaine 43

Dans ce numéro de la Gazette, un seul article mais pour le moins conséquent !
Vous retrouverez ainsi une nouvelle analyse des Shifters sur les quelques mesures prises par le Gouvernement dans son plan de sobriété énergétique pour le secteur du numérique, l’occasion de faire un rappel sur l’empreinte carbone de ce secteur, indispensable à notre quotidien!

Bonne lecture !

Sommaire

Réflexions décarbonées

Réflexions décarbonées

Plan de sobriété énergétique du gouvernement : focus sur le secteur du numérique

Portée par Le Gouvernement

Cet article consacré au numérique se penche d’abord sur le plan de sobriété énergétique du Gouvernement puis rappelle l’impérative réduction de l’empreinte carbone du numérique, deux sujets liés mais distincts.

Le plan de sobriété du Gouvernement pour le numérique

Le numérique n’apparaît pas au premier rang des leviers d’économie d’énergie pour 2024 dans le plan de sobriété énergétique du Gouvernement. Cela peut sembler étonnant, sachant que l’objectif est entre autres de « lisser les pics » de consommation électrique et que, selon le rapport commun de l’ADEME et l’Arcep1, la consommation électrique annuelle du secteur est estimée à 48,7 TWh, soit 10 % de la consommation électrique française (ou encore celle de plus de 8 millions de foyers français).

Les mesures du plan de sobriété pour le numérique sont les suivantes :
  • Déployer la fibre optique pour diminuer la consommation énergétique des réseaux fixe et mobile ; elle est passée de 3 089 GWh en 2017 à 3 803 en 2020 et pourrait doubler d’ici 2035 sans plan d’action.
  • Baisser la climatisation des centres de données : une augmentation de 2°C de la température peut diminuer la consommation d’énergie de 7 % à 10 %.
  • Optimiser le passage en veille des box internet et TV en cas de non-utilisation.
  • Mettre en place les bilans carbone d’une centaine de start-ups pour accélérer leur transition énergétique.

Une remarque : le réseau avec fibre optique est en effet quatre fois plus efficace que le réseau cuivre en termes de consommation énergétique, mais les réseaux mobiles sont deux fois plus énergivores que les réseaux fixes. L’impact du déploiement de la fibre ne sera significatif que si les usagers du numérique (particuliers et entreprises) se connectent de manière plus fréquente au wifi.

Plus généralement, on peut regretter que ce plan ne fasse qu’effleurer le sujet, avec une ambition à court terme, et soit très centré sur la consommation directe des usages numériques. Ainsi, des technologies numériques de rupture – intelligence artificielle, ordinateur quantique, 5G – sont mentionnées par ailleurs dans le plan de sobriété énergétique. Si elles sont indéniablement porteuses d’opportunités, The Shift Project défend la nécessité, préalablement à leur déploiement, d’une analyse coûts (dont environnementaux) /bénéfices pour valider leur opportunité et la maîtrise des risques de rebond annulant les gains de performance.

En effet, en confondant la performance d’une technologie avec la maîtrise globale et quantitative de la consommation qu’elle permet, on oublie que l’effet rebond2 a jusqu’ici toujours annulé les gains de performance et conduit à davantage de consommation. Sans sobriété réelle, la performance crée l’augmentation de l’usage et donc des émissions de gaz à effet de serre dans l’absolu.

The Shift Project promeut avant tout une sobriété numérique, pour les entreprises comme pour le grand public, basée sur une consommation numérique non plus « gloutonne » ou compulsive mais raisonnée avec des technologies et des infrastructures déployées au plus près des besoins.

Qu’en est-il de la décarbonation du numérique ?

Le plan de sobriété énergétique traite comme son nom l’indique de la réduction des consommations énergétiques directes du numérique (usages). Si nous nous intéressons à présent à l’empreinte carbone du secteur, rappelons que, au niveau mondial, la phase de fabrication des équipements numériques en représente 78 %, tandis que lorsque la phase d’utilisation n’en représente que 21 %. Autrement dit, l’usage des équipements numériques est bien moins énergivore que leur fabrication. Par ailleurs, selon le rapport Lean ICT du Shift Project, « la consommation d’énergie réelle durant le cycle de vie d’un smartphone est 33 fois plus importante que sa consommation électrique propre annuelle ».

Le secteur du numérique (biens et usages) représente actuellement « seulement » 2,5 % de l’empreinte carbone annuelle de la France2 (16,9 Mt CO2 eq). Toutefois, sa part pourrait augmenter de manière significative si aucune mesure n’était mise en place pour maîtriser la croissance du secteur. Selon le rapport de la mission d’information du Sénat sur l’empreinte environnementale du numérique, son empreinte carbone pourrait augmenter de + 60 % d’ici à 2040, pour atteindre 6,7 % de l’empreinte carbone nationale.

Accélérer la prise de conscience de l’impact environnemental du numérique dans les entreprises, les organisations publiques, la recherche et au sein du grand public est donc nécessaire. L’objectif est d’en faire un critère de décision dans toutes les politiques d’achat et d’utilisation des équipements électroniques. Les organisations doivent pour cela disposer de références et d’outils adéquats. The Shift Project a proposé le Référentiel environnemental du numérique (REN) pour donner des ordres de grandeur vérifiés sur l’énergie et les matières premières mobilisées par la production et l’utilisation de technologies numériques courantes. Aller plus loin nécessiterait, par exemple, que la puissance publique s’empare de ce référentiel et propose une base de données publique plus large (sur le modèle de la base carbone de l’ADEME). Il serait alors possible de procéder à un bilan carbone des grands projets numériques avant leur lancement.

Pour conclure, même si le plan de sobriété énergétique du Gouvernement se présente comme inscrit dans la durée pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles, la sobriété y apparaît moins comme un devoir de maîtrise de nos consommations à moyen terme que comme une façon de prioriser nos actions à court terme pour faire face à la situation très tendue de nos approvisionnements énergétiques du moment.

1 www.arcep.fr/actualites/actualites-et-communiques/detail/n/environnement-190122.html

2 Définition issue du rapport « Lean ICT » du Shift Project paru en octobre 2018 : Identifié dès la Révolution industrielle, l’« effet rebond » décrit comment l’amélioration du rendement énergétique d’un objet particulier (locomotive, ordinateur, etc.) débouche la plupart du temps non sur une diminution, mais au contraire sur un accroissement de la consommation d’énergie globale dédiée à la fonction technique que remplit cet objet (transport ferroviaire, informatique, etc.). De très nombreuses recherches ont confirmé cet état de fait. Voir en particulier (Santarius, Walnum, & Aall, 2016).

▲ Sommaire

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