La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2022 | Semaine 14

Peut-on « relancer » l’industrie aérienne et lutter contre le dérèglement climatique ?
— Non.
Peut-on réduire les émissions en s’habillant mieux ?
— Oui.
Promis, on développe un peu plus dans les colonnes de la Gazette de cette semaine. Bonne lecture !

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Questions émissions

Questions émissions

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Reprise du transport aérien et lutte contre le dérèglement climatique

Portée par M. Roger Karoutchi (Hauts-de-Seine - Les Républicains)

M. Roger Karoutchi attire l’attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, sur les contraintes toujours plus fortes qui pèsent sur le secteur du transport aérien en matière environnementale, et son impact sur la compétitivité du transport aérien européen. […]

Passer de la contrainte à l’opportunité de résilience

Rapportée au passager, la consommation de pétrole qu’engendre le transport aérien est très supérieure à celle de n’importe quel autre moyen de transport. En effet, un passager en classe économique « consomme » environ 25L de carburant par heure de vol contre 4L par personne et par heure dans une voiture. En d’autres termes, le transport aérien est énergétiquement très peu efficient. En ce sens, plusieurs leviers d’efficacité ou de sobriété sont mobilisables tels que le renouvellement des flottes ou la densification des cabines (diminution du ratio des classes luxueuses).

Toutefois, face à l’inquiétude de la hausse du prix des billets d’avion, il convient d’opposer la perspective d’un système valorisant enfin une mobilité durable et cohérente avec les engagements pris en matière de climat.

Croissance de la fréquentation et baisse des émissions : un doux oxymore

Selon M. Karouchi, « il n’est pas question de remettre en cause les objectifs européens de réduction des émissions » mais « la hausse des prix des billets n’aidera pas [le transport aérien] à retrouver le taux de fréquentation de l’ère pré-Covid ». Faut-il donc supposer conciliables les objectifs de réduction des émissions et de restauration du trafic ?

Or The Shift Project indique dans son rapport « Préparer l’avenir de l’aviation » qu’étant donné la difficulté à dégager des voies de progrès techniques supplémentaires, la réduction progressive du trafic est le principal levier de réduction des émissions de CO2 et des effets climatiques hors CO2 du transport aérien.

En conséquence, toute politique de réduction des émissions de CO2 liées au trafic aérien qui n’inclurait pas une réduction du trafic devra être considérée comme hypocrite. Ainsi, un retour aux taux de fréquentation pré-Covid irait à l’encontre des propositions formulées par le Plan de Transformation de l’Economie Française (PTEF) du Shift Project, pour positionner le secteur sur la trajectoire de baisse des émissions fixées par l’accord de Paris.

De plus, la baisse des émissions que permettrait la défragmentation du ciel des États européens, suggérée par ailleurs par le sénateur, s’avérerait dans tous les cas insuffisante et très éloignée de l’objectif de 5% de baisse annuelle par rapport aux émissions actuelles.

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Stratégie environnementale de la mode et du textile

Portée par Mme Françoise Férat (Marne - UC)

Mme Françoise Férat attire l’attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la nécessaire stratégie environnementale du secteur de la mode et du textile. […]

Nous vivons aujourd’hui dans une société peu sobre en production de biens de consommation et notamment de produits textiles. En coton, laine, viscose, polyester ou encore lin ; de couleur rose, bleue, verte ou orange, nous voyons défiler des vêtements composés de matières et teintures différentes, sans en connaître l’origine ni le procédé de fabrication, à des coûts généralement bas.

Le secteur de l’industrie textile a connu un développement considérable depuis le début des années 2000 avec, notamment, la popularisation de la « fast fashion » qui promeut l’idée de vêtements éphémères et jetables, sans réfléchir aux conséquences destructrices qu’elle induit. Outre un bilan social catastrophique, l’industrie textile a des répercussions environnementales d’une ampleur considérable. En particulier, elle représente aujourd’hui 2% des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales, soit plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis1.

Mais d’où vient l’empreinte environnementale catastrophique d’un simple morceau de tissu ? Attardons-nous un instant sur l’ensemble du cycle de vie d’un t-shirt en coton, basique de nos garde-robes :

  • La première phase correspond à la transformation de la matière première, à savoir le coton. Cette industrie est destructrice pour les cours d’eau et nappes phréatiques à cause d’une consommation excessive de pesticides, d’engrais et d’eau douce. La consommation d’eau liée à la transformation du coton, pour 1 t-shirt, représente l’équivalent de 70 douches.
  • Concernant la phase de fabrication du t-shirt, face à une augmentation des coûts et des salaires en Europe, les multinationales de la fast fashion ont massivement délocalisé leur production en Asie du Sud, notamment au Bangladesh et au Pakistan. Au-delà des conditions de travail déplorables, cela entraîne des exportations massives, principalement en avion, qui génèrent la majorité des GES de l’industrie.
  • Par ailleurs, la teinture nécessite l’utilisation de produits toxiques qui se déversent ensuite dans les océans, les rivières et les fleuves (à l’origine de 20% de la pollution des eaux dans le monde).
  • Enfin, une fois la phase de fabrication du t-shirt terminée, son empreinte environnementale continue de s’alourdir lors de sa phase d’utilisation, avec les lavages réguliers (libération de microparticules) et le traitement de sa fin de vie. L’Europe, à elle seule, se débarrasse de 4 millions de tonnes de textiles par an, dont 80% d’entre elles sont simplement jetées aux ordures ménagères.
    p. Ce cycle textile est donc responsable d’une pollution des ressources en eau douce (coûteuse à traiter), d’importantes émissions de gaz à effet de serre et d’une pollution du sol et de l’air. Le constat est alarmant mais des solutions existent.

En France, il y a un accroissement du désir de consommation durable et responsable. C’est particulièrement le cas pour le secteur de la nourriture et de l’hygiène mais aussi du textile. En effet, d’après une étude de l’IFM (Institut Français de la Mode), près de la moitié des consommateurs européens déclarent avoir acheté des produits de mode écoresponsables en 2019 et près de 42% des Françaises font des achats de seconde main2.

Pour réduire les impacts carbone et environnementaux du secteur, le PTEF propose le développement de filières de recyclage et de réemploi pour augmenter la durée de vie des biens de consommation, tels que les produits textiles.

Une réglementation visant à réduire l’importation hors UE de produits textiles neufs contribuerait également à privilégier le circuit court et la production européenne. Comme dans tous les secteurs, il est primordial de réaliser un travail de sensibilisation à grande échelle sur l’impact environnemental des vêtements et, par là-même, valoriser le secteur du seconde-main/slow fashion. Des investissements de l’État, sous forme de subventions, sont de plus nécessaires pour inciter les consommateurs à se tourner vers du « Made in France », et l’industrie textile à investir activement dans la recherche et l’innovation (matériaux durables, efficience écologique).

La Commission européenne, de son côté, vient s’emparer du sujet en présentant, mercredi 30 mars, un projet de règlement sur l’écoconception des produits durables3. Il vise notamment à durcir les normes de fabrication et de prélavage industriel et à mettre en place un passeport numérique sous forme de QR Code, accessible à tous, pour apporter des informations sur la traçabilité et les matériaux. Toutefois, l’entrée en vigueur de ce texte n’est pas prévu avant 2024, sans prise en compte des diverses négociations avec le Parlement et le Conseil de l’UE.

1 multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/

2 www.ifmparis.fr/fr/actualites/etude-ifm-premiere-vision-sur-la-mode-ecoresponsable

3 www.touteleurope.eu/economie-et-social/textile-telephones-construction-la-commission-europeenne-veut-imposer-des-produits-plus-durables/

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