La gazette du carbonePour un arsenal juridique décarbonant |
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Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.
2022 | Semaine 09Cette semaine, on s’intéresse au commerce, de la publicité à la livraison. |
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Notre sélection de la semaineQuestions émissions |
Notre sélection de la semaine |
Transport de marchandises : des leviers de décarbonisationProposition portée par Mme Nicole BONNEFOY et 21 Sénateurs La proposition de loi déposée à la présidence du Sénat le 2 février 2022 est découpée en 2 chapitres : Identification des itinéraires autoroutiers gratuits contournant une voie autoroutière et transformation en « zone de réduction des nuisances »Plusieurs routes nationales ou départementales (en 1×2 voies ou 2×2 voies) sont très proches des réseaux autoroutiers. Alors que la vitesse des camions est limitée de 80 à 90 km/h, il est plus intéressant économiquement, pour les camions, d’emprunter ces axes car ils s’affranchissent des coûts de péages. Cependant, ces circulations créent un encombrement sur des voiries non adaptées, des nuisances locales et une détérioration de l’infrastructure routière que l’utilisateur ne compense pas financièrement. Le principal point positif de ce texte consiste à transférer le flux de camions circulant actuellement sur des voiries non adaptées vers les autoroutes payantes, conçues pour ce type de circulation. A ce stade, cette proposition n’a cependant pas d’impact significatif sur la réduction des émissions de GES car le flux de camions à moteur thermique reste constant, il y a seulement un transfert de flux d’une infrastructure à une autre. Ce qu’en pensent les Shifters : Un axe d’amélioration de ce texte serait l’identification des zones de réduction des nuisances pour créer d’une part des corridors routiers sur autoroutes, électrifiés, permettant à des camions munis d’un pantographe de circuler en mode électrique. D’autre part, le recensement de l’ensemble de ces corridors pourrait permettre d’identifier là où les infrastructures ferroviaires existent afin de développer des autoroutes ferroviaires sur des axes nationaux. Informer les clients de l’impact environnemental du service de livraison et interdire la mention « livraison gratuite »D’après la fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), le marché du commerce en ligne de biens (environ 63 Mds€ en 2020) s’est accru de 37 % par rapport à 2019. Mais il ne représente encore que 13 % du commerce de détail en France et conserve un potentiel de développement important. Ce qu’en pensent les Shifters : Même si le texte ne permet pas en soi une réduction des émissions de GES, il permet a minima de faire comprendre au « client consommateur » que toute livraison n’est pas gratuite et qu’elle a un coût financier et environnemental. Il serait possible d’aller encore plus loin, en reprenant les propositions ci-dessous, faites dans le cadre du rapport1 rédigé en février 2021 par France Stratégie, le Conseil général de l’environnement et du développement durable et l’Inspection Générale des Finances.
1 « Pour un développement durable du commerce en ligne », février 2021 – pages 47 et 48 Liens utiles : |
Questions émissions |
Papier vs. numérique ? — L'impact environnemental de la publicitéQuestion posée par Mme Sylvie Tolmont (Socialistes et apparentés - Sarthe) Mme Sylvie Tolmont alerte Mme la ministre de la transition écologique sur les répercussions de la loi [Climat et Résilience] sur le secteur de l’imprimerie. En effet, l’article 9 prévoit l’expérimentation d’une interdiction de la distribution à domicile d’imprimés papiers ou cartonnés non adressés à visée commerciale, lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres. Si elle comprend la mise en place de mesures fortes pour tendre vers une transition écologique, elle s’interroge sur l’efficacité de la mise en place de cette expérimentation. En effet, le résultat d’une telle mesure semble être à nuancer au vu du faible impact environnemental du papier face au numérique. Grâce à l’utilisation de papiers certifiés et la mise en place du traitement de production, les campagnes d’imprimés publicitaires sont plus vertueuses que les campagnes publicitaires numériques. De plus, l’expérimentation de cette loi peut menacer jusqu’à 30 % des activités des imprimeries et des sociétés de distribution de documents. Ce qu’en pensent les Shifters :Dans le cadre de ses missions en faveur d’une consommation responsable, l’ADEME a engagé une étude pour réduire le gaspillage des imprimés publicitaires sans adresse. Ces derniers représentaient 894 000 tonnes en 2019 en France. Bien que recyclables, ces imprimés constituent une perte importante de ressources, d’autant plus lorsqu’ils sont jetés sans même avoir été ouverts. Les collectivités acteurs publiques souhaitent légitimement réduire l’impact environnemental, les coûts de collecte et le traitement que cela occasionne. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, votée il y a un 1 an, s’est saisie de cette problématique en renforçant le dispositif « Stop pub ». Reprenant une proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat, le projet de loi « Climat et Résilience » va encore plus loin en prévoyant, dans son article 9, l’expérimentation du « Oui pub » ou Publicité acceptée. Les collectivités locales volontaires vont par ailleurs pouvoir évaluer les deux dispositifs précités (« Oui pub » / « Stop pub ») notamment sur le volet de réduction du gaspillage. Au-delà de l’incidence environnementale et sociale bénéfique de cette mesure, il est important de souligner, comme le relève la députée dans sa question, que l’usage du numérique est une réponse partielle à la réduction des émissions de GES du secteur de la publicité. Le numérique est en effet soumis aux mêmes contraintes énergétiques que le reste des systèmes et suit une croissance annuelle sans précédent ces dernières années en termes de consommation énergétique. Pour éclairer ce risque, nous reportons une étude du cabinet Quantis pour La Poste. Celui-ci a réalisé une Analyse de Cycle de Vie (ACV) comparant l’impact environnemental papier et numérique de différents supports publicitaires. Il en résulte que les émissions de GES d’un support imprimé de type « flyers » ou « catalogues » sont plus importantes que celles d’un support numérique type « e-mail » (2,5 fois plus d’émissions pour le papier) mais elles sont largement plus faibles que celles d’un support de type « vidéo » (3 fois plus d’émissions pour le numérique). Ce résultat montre que selon le support privilégié, le risque d’observer un report négatif du papier vers le numérique vis-à-vis des émissions de GES n’est pas négligeable. L’analyse des impacts écologiques et énergétiques du numérique ne se limitant pas aux émissions de GES, l’étude Quantis a procédé à une analyse comparative très complète par l’intermédiaire de 16 indicateurs (changement climatique, écosystèmes, santé humaine, ressources, eau, etc.). Leur conclusion va dans le sens des travaux du Shift Project sur la sobriété numérique et met en exergue un système complexe dans lequel une seule solution n’existe pas. Pour construire un système résilient, il faut être en mesure d’identifier les conditions dans lesquelles il est pertinent de déployer une solution numérique. Or l’arbitrage entre les deux systèmes « papier » et « numérique » se pose quotidiennement dans la publicité. Il parait donc primordial d’éclairer les acteurs du secteur à partir d’une analyse de l’ensemble du cycle de vie chiffrée de manière fiable dans le but d’aiguiller leurs choix afin qu’ils soient le plus rationnels et sobres en ressource possibles. Liens utiles : |
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