La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2022 | Semaine 09

Cette semaine, on s’intéresse au commerce, de la publicité à la livraison.
Question existentielle : papier ou numérique pour la pub ? Et si la réponse était “no pub” ?
Quant à la livraison pour le e-commerce, les sénateurs remettent sur le tapis la question de la « livraison gratuite ». Et cherchent à limiter les nuisances des transporteurs.
Nous suggérons de réfléchir à l’électrification de corridors routier ⚡

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Questions émissions

Notre sélection de la semaine

Transport de marchandises : des leviers de décarbonisation

Proposition portée par Mme Nicole BONNEFOY et 21 Sénateurs

La proposition de loi déposée à la présidence du Sénat le 2 février 2022 est découpée en 2 chapitres :
– Chapitre 1 : Identification des itinéraires autoroutiers gratuits contournant une voie autoroutière proche et transformation de ces derniers en « zone de réduction des nuisances », à titre expérimental.
– Chapitre 2 : Sensibilisation des clients à l’impact environnemental du service de livraison et interdiction de la mention « livraison gratuite ».

Identification des itinéraires autoroutiers gratuits contournant une voie autoroutière et transformation en « zone de réduction des nuisances »

Plusieurs routes nationales ou départementales (en 1×2 voies ou 2×2 voies) sont très proches des réseaux autoroutiers. Alors que la vitesse des camions est limitée de 80 à 90 km/h, il est plus intéressant économiquement, pour les camions, d’emprunter ces axes car ils s’affranchissent des coûts de péages. Cependant, ces circulations créent un encombrement sur des voiries non adaptées, des nuisances locales et une détérioration de l’infrastructure routière que l’utilisateur ne compense pas financièrement.

Le principal point positif de ce texte consiste à transférer le flux de camions circulant actuellement sur des voiries non adaptées vers les autoroutes payantes, conçues pour ce type de circulation. A ce stade, cette proposition n’a cependant pas d’impact significatif sur la réduction des émissions de GES car le flux de camions à moteur thermique reste constant, il y a seulement un transfert de flux d’une infrastructure à une autre.

Ce qu’en pensent les Shifters :

Un axe d’amélioration de ce texte serait l’identification des zones de réduction des nuisances pour créer d’une part des corridors routiers sur autoroutes, électrifiés, permettant à des camions munis d’un pantographe de circuler en mode électrique. D’autre part, le recensement de l’ensemble de ces corridors pourrait permettre d’identifier là où les infrastructures ferroviaires existent afin de développer des autoroutes ferroviaires sur des axes nationaux.

Informer les clients de l’impact environnemental du service de livraison et interdire la mention « livraison gratuite »

D’après la fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), le marché du commerce en ligne de biens (environ 63 Mds€ en 2020) s’est accru de 37 % par rapport à 2019. Mais il ne représente encore que 13 % du commerce de détail en France et conserve un potentiel de développement important.

Ce qu’en pensent les Shifters :

Même si le texte ne permet pas en soi une réduction des émissions de GES, il permet a minima de faire comprendre au « client consommateur » que toute livraison n’est pas gratuite et qu’elle a un coût financier et environnemental.

Il serait possible d’aller encore plus loin, en reprenant les propositions ci-dessous, faites dans le cadre du rapport1 rédigé en février 2021 par France Stratégie, le Conseil général de l’environnement et du développement durable et l’Inspection Générale des Finances.
Elles concernent la réduction des principales externalités du commerce en ligne sur l’environnement :

  • Obligation d’une facturation distincte de la livraison mentionnant son prix, interdisant de fait l’affichage « livraison gratuite » ;
  • Conditionnement de la délivrance des licences transporteurs au respect du calendrier de verdissement des flottes d’entreprises prévu par la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019. Cette mesure pourrait être accompagnée d’un dispositif spécifique d’aide à la conversion des indépendants, artisans et PME ;
  • Affichage, lors de la consultation du catalogue de vente par le client, du bilan carbone de la livraison du produit, établi selon des normes standards en tenant compte de la localisation du produit, des délais de livraison proposés, du lieu de livraison ;
  • Encadrer les livraisons du commerce en ligne réalisées par des véhicules à moteur thermique et encourager celles réalisées en plus de J+1 hors alimentaire et médical.

1 « Pour un développement durable du commerce en ligne », février 2021 – pages 47 et 48

Liens utiles :

▲ Sommaire

Questions émissions

en partenariat avec Logo Dixit

Papier vs. numérique ? — L'impact environnemental de la publicité

Question posée par Mme Sylvie Tolmont (Socialistes et apparentés - Sarthe)

Mme Sylvie Tolmont alerte Mme la ministre de la transition écologique sur les répercussions de la loi [Climat et Résilience] sur le secteur de l’imprimerie. En effet, l’article 9 prévoit l’expérimentation d’une interdiction de la distribution à domicile d’imprimés papiers ou cartonnés non adressés à visée commerciale, lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres. Si elle comprend la mise en place de mesures fortes pour tendre vers une transition écologique, elle s’interroge sur l’efficacité de la mise en place de cette expérimentation. En effet, le résultat d’une telle mesure semble être à nuancer au vu du faible impact environnemental du papier face au numérique. Grâce à l’utilisation de papiers certifiés et la mise en place du traitement de production, les campagnes d’imprimés publicitaires sont plus vertueuses que les campagnes publicitaires numériques. De plus, l’expérimentation de cette loi peut menacer jusqu’à 30 % des activités des imprimeries et des sociétés de distribution de documents.

Ce qu’en pensent les Shifters :

Dans le cadre de ses missions en faveur d’une consommation responsable, l’ADEME a engagé une étude pour réduire le gaspillage des imprimés publicitaires sans adresse. Ces derniers représentaient 894 000 tonnes en 2019 en France. Bien que recyclables, ces imprimés constituent une perte importante de ressources, d’autant plus lorsqu’ils sont jetés sans même avoir été ouverts. Les collectivités acteurs publiques souhaitent légitimement réduire l’impact environnemental, les coûts de collecte et le traitement que cela occasionne.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, votée il y a un 1 an, s’est saisie de cette problématique en renforçant le dispositif « Stop pub ». Reprenant une proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat, le projet de loi « Climat et Résilience » va encore plus loin en prévoyant, dans son article 9, l’expérimentation du « Oui pub » ou Publicité acceptée. Les collectivités locales volontaires vont par ailleurs pouvoir évaluer les deux dispositifs précités (« Oui pub » / « Stop pub ») notamment sur le volet de réduction du gaspillage.

Au-delà de l’incidence environnementale et sociale bénéfique de cette mesure, il est important de souligner, comme le relève la députée dans sa question, que l’usage du numérique est une réponse partielle à la réduction des émissions de GES du secteur de la publicité. Le numérique est en effet soumis aux mêmes contraintes énergétiques que le reste des systèmes et suit une croissance annuelle sans précédent ces dernières années en termes de consommation énergétique.

Pour éclairer ce risque, nous reportons une étude du cabinet Quantis pour La Poste. Celui-ci a réalisé une Analyse de Cycle de Vie (ACV) comparant l’impact environnemental papier et numérique de différents supports publicitaires. Il en résulte que les émissions de GES d’un support imprimé de type « flyers » ou « catalogues » sont plus importantes que celles d’un support numérique type « e-mail » (2,5 fois plus d’émissions pour le papier) mais elles sont largement plus faibles que celles d’un support de type « vidéo » (3 fois plus d’émissions pour le numérique). Ce résultat montre que selon le support privilégié, le risque d’observer un report négatif du papier vers le numérique vis-à-vis des émissions de GES n’est pas négligeable.

L’analyse des impacts écologiques et énergétiques du numérique ne se limitant pas aux émissions de GES, l’étude Quantis a procédé à une analyse comparative très complète par l’intermédiaire de 16 indicateurs (changement climatique, écosystèmes, santé humaine, ressources, eau, etc.). Leur conclusion va dans le sens des travaux du Shift Project sur la sobriété numérique et met en exergue un système complexe dans lequel une seule solution n’existe pas. Pour construire un système résilient, il faut être en mesure d’identifier les conditions dans lesquelles il est pertinent de déployer une solution numérique.

Or l’arbitrage entre les deux systèmes « papier » et « numérique » se pose quotidiennement dans la publicité. Il parait donc primordial d’éclairer les acteurs du secteur à partir d’une analyse de l’ensemble du cycle de vie chiffrée de manière fiable dans le but d’aiguiller leurs choix afin qu’ils soient le plus rationnels et sobres en ressource possibles.
C’est un complément nécessaire à ajouter au fait que les clients disposent des moyens d’exprimer leur consentement à recevoir des messages de nature publicitaire.

Liens utiles :

▲ Sommaire

La gazette du carbone résulte du travail des bénévoles de l'association The Shifters, essentiellement réalisé sur la base de l’expertise du Shift Project. Son objectif est d'informer sur les opportunités que présente l'arsenal juridique français pour décarboner notre société.
N’hésitez pas à faire suivre largement le lien d’abonnement de cette publication à tout⋅e personne intéressé⋅e et/ou susceptible d’influencer le débat parlementaire !

Pour réagir au contenu, demander des précisions, proposer des évolutions, contribuer à notre action vers les décideurs, une seule adresse : gazette@theshifters.org !

Vous pouvez également découvrir The Shift Project et devenir membre de l'association.

Se désinscrire de la gazette du carbone