La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 | Semaine 47

Trois sujets de transition cette semaine dans la Gazette du Carbone : faciliter l’accès des vélos dans les trains, accélérer la transformation de l’agriculture et… se débarrasser des énergies fossiles, du fioul sentimental , j’ai envie de dire… (Vous allez nous adorer pour cette chanson.)

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Questions émissions

Notre sélection de la semaine

Non-prolifération des énergies fossiles

Portée par Matthieu ORPHELIN, Delphine BATHO, Cédric VILLANI et 10 Députés (ex-EDS)

C’est le mois « Fossile » à l’Assemblée Nationale. Deux récents textes s’attaquent directement aux énergies les plus carbonées à l’Assemblée Nationale :

  • 13 députés de l’ancien groupe parlementaire « Écologie, Démocratie, Solidarité » ont co-signé une proposition de résolution sur la non-prolifération des énergies fossiles également annoncé par Yannick Jadot, le candidat écologiste aux présidentielles.
  • Un autre texte déposé par Delphine Batho et al. propose la mise en place d’une commission d’enquête sur l’implication de l’État dans la stratégie du doute à l’égard du réchauffement climatique portée par les entreprises Elf et Total lorsqu’il en était actionnaire ainsi que sur les soutiens publics accordés depuis sa privatisation au groupe TotalEnergies pour la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles.

Le premier texte dont l’adoption n’aurait pas pour objectif de remodeler l’ordonnancement juridique, juste d’émettre l’avis de l’Assemblée sur une question donnée, n’a pas beaucoup remué la poussière, d’autant plus qu’il a été déposé juste avant la COP26. Nous en publions l’exposé des motifs :

Sortir des énergies fossiles est l’un des principaux leviers pour lutter contre le changement climatique d’origine humaine en cours.

Mais on observe que se passer des énergies fossiles est l’un des défis les plus complexes à surmonter à l’échelle de la planète : l’Accord de Paris sur le climat ne mentionne d’ailleurs pas une seule fois les énergies fossiles. Dès qu’un pays prend une initiative, même modeste comme en France avec la loi Hulot (1) dès qu’une idée est débattue, comme en Norvège sur la fin de la dépendance au pétrole lors de la dernière campagne législative, ou comme en France lorsque la fin des garanties export aux énergies fossiles est mise sur la table, les mêmes arguments reviennent : « si ce n’est pas nous, d’autres pays exploiteront ou utiliseront ces ressources fossiles ».

Pourtant, les scientifiques appellent depuis longtemps à laisser les réserves fossiles dans le sol, tandis que l’Agence Internationale de l’Énergie a appelé très solennellement à ne développer aucune nouvelle installation de charbon, de pétrole ou de gaz. À l’opposé, les dernières analyses de l’ONU (à travers son Production Gap Report 2021) montrent que le monde est sur la voie de produire 240 % de charbon, 71 % de gaz et 57 % de pétrole en trop en 2030 par rapport à ce que requiert l’objectif de l’Accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique à +1,5° C.

La France s’est engagée à faire cesser l’exploration et même l’exploitation des fossiles sur son territoire ; un objectif également adopté par le Danemark, et qui est en cours de discussion au Québec. Au‑delà de la production, la demande en énergies fossiles devrait drastiquement baisser afin d’atteindre les objectifs climatiques de court et de long terme : les pays les plus émetteurs, couvrant près de 75 % de l’économie mondiale, se sont engagés à atteindre la neutralité climatique entre 2045 et 2060, ce qui devrait impliquer mécaniquement la fin de l’usage des énergies fossiles à cet horizon. Il n’y a donc aucune bonne raison pour notre pays de ne pas promouvoir la fin de l’exploration et de l’exploitation des énergies fossiles au niveau mondial, si ce n’est pour malheureusement garantir les profits des actionnaires des firmes françaises productrices d’énergies fossiles à l’étranger. TotalEnergies, avec ses 11,3 milliards de dollars de bénéfices depuis le début de l’année 2021 (2) profite à ses actionnaires, comme le premier d’entre eux BlackRock, qui a jeté son dévolu sur la production de pétrole et de gaz en Arctique ou dans les nombreuses réserves naturelles d’Afrique de l’est.

Seule une action coordonnée, pouvant être impulsée par la France, peut permettre d’engager réellement la sortie mondiale des énergies fossiles, tout comme cela avait pu être fait pour le traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires en 1968 qui s’est négocié au sein du « Comité des dix‑huit puissances sur le désarmement ». Cette coopération est la seule à même de garantir une transition juste.

Depuis 2019, 101 prix Nobel, plus de 2 500 scientifiques, plus de 800 ONG et plus de 100 élus nationaux de plus de 25 pays ont appelé à une plus grande coopération internationale sur les trois piliers d’une proposition de traité de non‑prolifération des combustibles fossiles (3) :

– Mettre fin à l’expansion de la production de charbon, de pétrole et de gaz et de tout hydrocarbure non‑conventionnel associé,

– Éliminer progressivement la production existante de combustibles fossiles conformément à l’objectif de +1,5° C fixé par l’Accord de Paris,

– Veiller à ce que la transition soit équitable afin qu’aucun travailleur, communauté ou pays ne soit laissé pour compte.

C’est pourquoi la présente proposition de résolution invite le Gouvernement français à œuvrer pour sortir des énergies fossiles en coopérant avec d’autres gouvernements pour aboutir à un traité de non‑prolifération des énergies fossiles, et ainsi à faire de la France un acteur international moteur et exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique.

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Questions émissions

en partenariat avec Logo Dixit

Agriculture : passer à la vitesse supérieure

Question posée par Marie-Christine Chauvin - Sénatrice Les Républicains - Jura

La sénatrice (LR) Marie-Christine Chauvin interroge le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur la signature du quatrième contrat d’objectifs et de performance (COP, un autre!) avec les chambres d’agriculture.

Le contrat d’objectifs : un outil de programmation local qui respecte les grandes orientations fixées par le Programme national de développement agricole et rural (PNDAR)

Un contrat d’objectifs et de performance est un cadre de référence qui fixe les grandes orientations du développement agricole et rurale (CasDAR) pour sept ans. Par exemple, le troisième contrat d’objectif 2014-2020 avait pour priorité l’innovation, le développement de l’agroécologie et la performance économique et environnementale ; il proposait des « actions de référence » aux territoires pour guider leur transition agricole et le développement rural.

Le nouveau contrat repose quant à lui sur des objectifs chiffrés répartis en 16 thématiques, définis avec l’appui du ministère de l’agriculture. Les chambres d’agricultures ont commencé l’évaluation de la performance de leur COP, leur permettant ainsi d’affiner leur objectifs.

Si le quatrième contrat d’objectifs et de performance 2021- 2026 souhaite accélérer la transition agroécologique du secteur agricole, le manque de visibilité budgétaire retarde pourtant sa mise en œuvre

Le quatrième contrat n’est toujours pas signé : la sénatrice Marie-Christine Chauvin demande au gouvernement d’expliquer ce retard et de signer le contrat avant la fin de l’année. En effet, sans visibilité budgétaire pluriannuelle, les chambres ne pourront pas réaliser leur objectifs et déployer leurs projets, comme créer un conseil stratégique sur les phytosanitaires ou participer à la décarbonisation du secteur grâce au développement d’outils numériques.

Ce COP met notamment l’accent sur le remplacement des agriculteurs qui partent à la retraite et la transmission de pratiques agricoles : c’est un enjeu majeur souligné par le PTEF, dans un contexte où la profession agricole est en recul continu. Un agriculteur sur deux prendra sa retraite dans les dix ans qui viennent et « un quart des agriculteurs va disparaître si la tendance actuelle se poursuit ».

Rappelons-le : le secteur agricole français est peu résilient face aux dérèglements climatiques, il dépend grandement des énergies fossiles, des intrants chimiques, de la mécanisation et du contexte international. La Sénatrice a donc raison de s’inquiéter de l’accompagnement des agriculteurs face aux aléas climatiques, du soutien à l’agriculture biologique et du développement de l’agriculture urbaine. Les programmations locales représentent en effet un levier intéressant pour espérer une transition agroécologique « bottom-up » des exploitations agricoles, malgré la dépendance du système agricole français à la Politique Agricole Commune (PAC).

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Vélo à bord des trains : pour un meilleur accès

Question posée par M. André Chassaigne - Député Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme

La question du transport du vélo à bord d’un train se pose le plus souvent lorsqu’il n’existe pas de système de transports collectifs suffisant dans l’une (ou les deux) zones desservies. Pouvoir embarquer son vélo est une solution à la décarbonation des transports, mais l’offre proposée par la SNCF est complexe et varie selon les types de train.

Par ailleurs, les réservations ne sont pas toujours possibles, notamment dans les TER qui ont un rôle important à jouer dans la transformation de la mobilité quotidienne via le développement de l’intermodalité (entre autres). En effet, la possibilité de pouvoir combiner le vélo et le train facilement dans les zones de moyenne densité, contribue à la réduction de l’utilisation de la voiture particulière et donc à la réduction des émissions de GES.

Quelques éléments de contexte issus du PTEF sur la mobilité quotidienne

60% des trajets parcourus en France correspondent aux trajets du quotidien courtes et moyennes distances (<100km) et 22% des km effectués par passager sont des trajets domicile-travail. La part modale du vélo représente seulement 1% des km effectués par passager, celle des trains régionaux (y compris RER, métro, tramway) s’élève à 8%, tandis que celle de la voiture domine à 82%.

Développement de l’intermodalité

Une étude de l’ADEME réalisée en 20161 sur l’intermodalité en gare et notamment les services de consignes à vélo, montre que la distance parcourue à vélo entre le domicile et la gare ne dépasse généralement pas les 5km. Une étude de l’INSEE de janvier 20212 montre également que pour des trajets inférieurs à 2km, 53% des actifs utilisent leur voiture. C’est donc sur ces trajets que des changements d’habitudes doivent avoir lieu via des investissements pour le développement et l’amélioration des modes décarbonés tels que le vélo ou le train.

Toujours selon l’ADEME, 10 à 15% des usagers vélo + TER utilisent 2 vélos différents pour le déplacement domicile-gare puis pour le trajet gare-travail. L’amélioration des services de transport des vélos à bord des TER appuyée par l’ouverture à la réservation des emplacements de vélos à bord pourraient donc d’une part, faciliter le quotidien des usagers possédant deux vélos en gare. D’autre part, ces améliorations favoriseraient l’augmentation de l’utilisation et de la fréquentation de ces deux modes de transports combinés sur des trajets plus importants, contribuant à la réduction de l’usage de la voiture et de fait aux émissions de GES.

Il existe également d’autres solutions d’aménagement pour encourager les travailleurs proches des centres-villes à opter pour le vélo pour se rendre à la gare : le développement du stationnement sécurisé, notamment des consignes gratuites pour les abonnés du TER. Ainsi l’ADEME indique dans son étude que la mise en place de ces consignes dans certaines villes de France a augmenté la part des abonnés du TER en France : 12% des abonnés des consignes en 2016 n’utilisaient pas le TER avant leur création. Les villes comme Strasbourg, Toulouse ou Dijon sont très en avance sur ces services annexes et doivent inspirer d’autres collectivités et autorités de transports (notamment, les lignes de car).

Le rapport du Shift Project « Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité » propose également de nombreuses solutions pour développer le système vélo et ainsi son intermodalité.

1 ADEME : Etude d’évaluation sur les services vélos – Septembre 2016 (PDF)

2 INSEE : la voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour des courtes distances

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