La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 | Semaine 46

Alors que la COP26 a accouché d’une souris climatique, nos députés tentent de nous remonter le moral avec une « écologie positive » des transports. Est-ce que cela sera suffisant pour atteindre nos objectifs 1.5°C en 2050 ?
Cette semaine aussi, une question sur les outils de production agricole qui ouvre une fenêtre sur les propositions du PTEF pour l’agriculture de demain.

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Questions émissions

Notre sélection de la semaine

Une « écologie positive » pour décarboner les transports

Proposition portée par Mme Marine BRENIER et 14 Député(e)s Les Républicains

« À l’heure d’une crise écologique sans précédent qui perturbe nos écosystèmes et nos vies en société, nous devons apporter des solutions concrètes pour garantir aux générations futures, un environnement propre et de bonne qualité… »

Une quinzaine de député(e)s Républicains se désolent des effets du dérèglement climatique et proposent des solutions « alliant développement durable et croissance économique »[sic]. En voici un rapide récapitulatif accompagné de brèves recommandations de la part des Shifters :

Articles 1 à 3 : fret ferroviaire et multimodal

L’article 1 fixe les objectifs concernant le développement du fret ferroviaire (atteindre 30 %) et du transport multimodal (atteindre 25 %) pour 2030, modes de transport des marchandises qui contribuent à diminuer les émissions de gaz à effet de serre du fret, notamment en diminuant la part modale du transport routier. L’article 2 vise à instaurer une obligation d’utiliser le fret ferroviaire ou un transport multimodal pour les distances de plus de 400 km, avec des sanctions financières jusqu’à 2 % du CA annuel. L’article 3 renforce la collaboration entre les Régions et l’État afin de mettre en place des « autoroutes ferroviaires et fluviales régionales ».

Recommandations : concernant le transport multimodal, il faudrait préciser s’il s’agit d’un report vers le transport ferroviaire ou fluvial. Par ailleurs, d’autres mesures complémentaires pourraient être encouragées, comme :

  • Réduire le contenu carbone de la tonne.km ;
  • Repenser la logistique du dernier kilomètre ;
  • Optimiser les taux de remplissage.

Article 4 : tickets électroniques

Cet article instaure la suppression des tickets de transport sous format papier pour un voyage unique dans les transports en commun. L’intérêt de passer au numérique dépend de l’usage. Pour l’ADEME, un document dématérialisé a moins d’impact environnemental seulement s’il n’est pas lu plus de 15 minutes, s’il n’est pas stocké plus d’un an et demi et s’il n’est pas imprimé. L’étude Quantis pour La Poste a démontré que le papier demeure plus favorable que le numérique en termes d’impacts environnementaux. Il s’agit donc d’une mesure symbolique.

Recommandations : piloter le développement d’un système d’usages sobre nécessite la mise en place d’autres mesures : limiter les flux de données, limiter les capacités de stockage (datacenters), allonger la durée de vie des appareils numériques et instaurer un plafond du taux d’équipement notamment.

Articles 5 à 7 : hydrogène renouvelable et bas carbone

L’article 5 précise les objectifs en matière d’hydrogène renouvelable et bas carbone pour 2030. L’article 6 élargit le champ d’action de l’État pour soutenir financièrement l’industrie de l’hydrogène. L’article 7 vise à compenser la perte de recettes pour l’Etat par la création d’une taxe additionnelle.

Recommandations : le choix de passer par l’hydrogène issu de l’électrolyse mènerait à une forte augmentation de la consommation d’électricité. Pour cette raison et contrairement à ces propositions, le Shift Project plaide en faveur d’une réduction plus forte des besoins en carburants liquides et gazeux.

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Questions émissions

en partenariat avec Logo Dixit

La réparabilité des machines agricoles et les évolutions du secteur

Questions émissions M. Charles de Courson (Député Liberté et Territoires de la Marne)

M. Charles de Courson attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur le prix des réparations des machines agricoles professionnelles et des services associés. (…) en France tout particulièrement, les réparateurs indépendants et les utilisateurs finaux ont encore le plus grand mal à accéder aux informations sur la réparation et l’entretien (…). Alors que des travaux universitaires ont déjà mis en évidence l’asymétrie des rapports de force entre les vendeurs et les acheteurs – premier maillon de la chaîne alimentaire. Il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour éviter que les faibles marges laissées par le maillon aval ne soient captées par ces fournisseurs d’équipements, jadis partenaires, dans le respect du règlement européen.

Les tracteurs et machines agricoles font partie de notre système agricole : ce sont des outils de travail indispensables aux exploitants. Si une agriculture manuelle ou en traction animale existe, elle est minoritaire.

Le manque d’autonomie en matière d’entretien et de dépannage qu’impose les fabricants est un facteur de vulnérabilité technique : cela induit une perte de savoir-faire et de revenus. En effet, les coûts de réparation pratiqués par les fabricants étant supérieurs à ceux effectués par les propriétaires fragilise davantage le modèle économique des exploitations. Ce problème accentue les faibles marges et indirectement le déclin de la profession agricole.

Ce manque d’autonomie est généralisée dans les fermes modernes françaises qui dépendent largement d’entreprises étrangères pour leurs approvisionnements en semences, intrants et outils. Le manque de réparabilité des machines agricoles ajoute cette vulnérabilité aux tensions géopolitiques. Une des solutions pourrait être la création de pièces standardisées ou une d’une certaine interopérabilité entre fabricants à l’image du secteur numérique (cf. l’esprit de la loi Réduire l’empreinte environnementale du numérique).

Développer notre souveraineté et notre sécurité alimentaires

Notre système alimentaire et agricole représente 1/4 des émissions de GES françaises.
Le PTEF pour l’agriculture explore les conditions nécessaires pour transformer ce secteur et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Par exemple, en utilisant les ressources et le tissu économique local, les agriculteurs pourront accroître leur autonomie et leur résilience et réduire les émissions liées aux flux de transport.
Il faut pour cela « ouvrir » le système des machines agricoles, imposer la réparabilité et disponibilité des pièces détachées à tous les constructeurs, développer l’offre de réparateurs locaux compétents et formés à dépanner et entretenir des machines de conception étrangère et songer à déployer une filière française, européenne de machines agricoles.

Pour aller plus loin : généraliser l’agroécologie, revaloriser les professions agricole

L’agroécologie est une approche globale cherchant à construire des systèmes agraires soutenables et résilients grâce à l’application de savoirs issus de différents disciplines (agronomie, écologie, sociologie…). Les grands principes qui guident ces évolutions sont la recherche d’une plus grande diversité à toutes les échelles (génétique, assolement, paysage), d’un usage économe des ressources (eau, engrais, énergie), d’une plus grande autonomie dans les moyens de production (fertilisation, énergie et travail humain, semences, alimentation animale), d’une meilleure protection des milieux (eaux, sols, biodiversité).
Généraliser l’agroécologie par la formation et l’accompagnement ouvrira à une meilleure résilience des systèmes. Le PTEF recommande enfin de rendre la profession (en recul depuis des années) plus attractive par une revalorisation sociale et économique notamment en proposant des mesures pour débloquer l’accès aux moyens de production entravés par les coûts prohibitifs du foncier, des investissement ou encore des frais de transmission.

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