La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 | Semaine 44

C’est avec fierté que nous publions aujourd’hui la réponse des Shifters à une consultation publique du Gouvernement sur les obligations de bilans de gaz à effet de serre pour les PME.
Non moins ambitieux, nous vous proposons également de réfléchir ensemble sur l’avenir de l’industrie spatiale au seuil de la révolution NewSpace.

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Réflexions décarbonées

Notre sélection de la semaine

Consultation publique : un bilan de GES simplifié pour les PME?

Réponse des Shifters à une Consultation Publique

Un projet de décret du ministère de la Transition écologique précise les modalités d’applications de l’article 244 de la loi de finances 2021, qui introduit l’obligation de réaliser un bilan simplifié de GES pour les entreprises de 50 à 500 salariés bénéficiaires du Plan de relance.
Avec l’aide précieuse de l’Association Bilan Carbone (ABC), nous, Shifters, avons décidé de répondre à la consultation publique car il nous tient à cœur de proposer des mesures efficaces pour décarboner l’économie française et rappeler qu’un bilan carbone, c’est une opportunité pour agir et construire la résilience du monde bas-carbone de demain !

En France, la réalisation et la publication d’un Bilan d’Émissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES) sont obligatoires sur le périmètre des scopes 1 et 2 pour les seules entreprises employant plus de 500 salariés1. Complétant ce cadre législatif, l’article 244 de la loi de finances pour 2021 prévoit l’établissement d’un bilan simplifié des émissions de GES pour les entreprises de 50 à 500 salariés bénéficiant des crédits du « Plan de relance ». Un projet de décret, soumis à la consultation, précise le contenu de la méthode simplifiée, et les modalités de collecte et d’exploitation des données à des fins statistiques. Les conditions sont-elles réunies pour faire de ce dispositif un vrai levier de décarbonation ?

Revenons sur les atouts et les limites de la mesure prévue par la loi de finances. Son principal intérêt réside dans l’extension du périmètre des obligés aux entreprises de 50 à 500 salariés, qui représentent une part importante du tissu productif en France. Le principe d’associer une exigence environnementale à un financement public constitue une orientation cohérente avec la SNBC. Les travaux conduits par The Shift Project dans le cadre du Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) montrent que la transition énergétique nécessite une transformation systémique de tous les secteurs de l’économie, dans laquelle l’ensemble des entreprises ont un rôle à jouer. Il est donc pertinent d’aller chercher ces structures parfois éloignées des enjeux énergie / climat, en favorisant leur engagement via une politique économique incitative.

En revanche, en instaurant un BEGES simplifié, restreint aux émissions directes produites par l’énergie nécessaire aux activités de l’organisation (scope 1), cette nouvelle disposition ne permettra de mesurer qu’une très faible part des émissions et ne met pas en avant l’intérêt fondamental d’une comptabilité carbone. Mesurer les émissions directes et indirectes d’une organisation est une étape incontournable pour identifier les postes les plus émissifs et définir un plan d’actions pertinent. Comme le souligne The Shift Project2, l’inventaire des émissions doit intégrer les scopes 1 à 3 pour évaluer les dépendances aux flux physiques, anticiper les risques, et identifier les opportunités propres à chaque organisation. La comptabilisation du scope 3 est particulièrement importante, puisqu’elle représente souvent plus de 80% des émissions3 et offre le plus grand potentiel d’actions.

Selon un rapport de l’ABC sur la comptabilité et la stratégie carbone des PME4, la capacité d’une entreprise à s’engager dans une démarche de décarbonation dépend des ressources mobilisées et de la motivation des équipes. Les coûts sont généralement de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’euros. Les PME disposent parfois de moyens limités et n’ont pas toujours les actifs disponibles pour financer la démarche. Il est donc légitime d’être attentif à ne pas créer de charges disproportionnées pour ces structures. Néanmoins, répondre à cette préoccupation en amoindrissant l’ambition et surtout l’intérêt du bilan carbone envoie un message erroné et laisse la porte ouverte au greenwashing.

Rappelons que les risques liés au climat sont des enjeux stratégiques pour les acteurs économiques. Face à ces risques, les PME sont parfois plus vulnérables que les grandes entreprises. Il est donc essentiel qu’elles utilisent les bons outils pour se préparer et construire la résilience de leur organisation. La mise en œuvre d’une stratégie de décarbonation est avant tout un investissement pour l’avenir, permettant à l’entreprise de s’adapter sur le moyen et le long terme à une société sous contrainte carbone. C’est pourquoi les modalités d’application précisées par décret doivent permettre aux entreprises de gagner rapidement en maturité dans la démarche, en leur donnant la méthode et les outils pour agir dès maintenant :

  1. La méthodologie du bilan simplifié est inspirée de la méthode réglementaire française du BEGES, qui couvre les scopes 1 et 2, et s’appuie sur des standards internationaux. Cependant, l’utilisation de ce référentiel ne garantit pas l’efficacité de la démarche puisque la focalisation sur le scope 1 ne donne aucune visibilité sur les principaux postes d’émissions (scopes 2 et surtout 3). Le décret pourrait donc utilement indiquer que, sans préjudice du II de l’article 244 de la loi n° 2020-1721, la réalisation d’un BEGES peut se substituer à un bilan simplifié, et couvrir les scopes 2 et 3, ce qui est fortement conseillé.
  2. Alors qu’un plan de transition (présentant les objectifs, moyens et actions engagées) doit être joint au BEGES pour les entreprises de plus de 500 salariés, le décret ne mentionne aucune exigence de plan d’actions. Définir et mettre en œuvre une stratégie de réduction des émissions représente pourtant la finalité première d’une comptabilité carbone. Là encore, le décret pourrait encourager les entreprises à s‘engager en mentionnant qu’un plan de transition peut être joint au bilan simplifié.
  3. Le décret prévoit la collecte des données par voie électronique via une plateforme spécifique aux bilans simplifiés où elles seront rendues publiques . Dans un souci de cohérence et de simplification des démarches pour l’ensemble des acteurs, il semble opportun d’avoir recours à la plateforme existante. Même si les régimes d’obligation diffèrent aujourd’hui, l’utilisation d’une plateforme unique pour le rapportage des BEGES doit faciliter à terme l’évolution et la convergence des périmètres vers un bilan carbone complet ainsi que la mutualisation des référentiels et des ressources par secteur.
  4. Bien que ce sujet ne soit pas évoqué dans le décret, il conviendrait de développer les moyens et les outils mis à disposition pour faciliter le passage à l’action. Un centre de ressources et une base carbone sont disponibles sur www.bilans-ges.ademe.fr. Pourquoi ne pas y intégrer des informations destinées précisément aux PME et ETI (informations à destination des dirigeants, données en open data, retours d’expériences illustrant les biais de lecture et les risques associés à une focalisation sur le scope 1). L’objectif n’est pas seulement d’alléger les contraintes. Il est aussi de montrer, de manière pragmatique, l’opportunité et l’urgence à prendre en compte la contrainte carbone dans la stratégie de l’entreprise.

Dès à présent, ce décret doit être l’occasion d’adresser un message volontariste à l’ensemble des acteurs économiques en favorisant l’adoption des bonnes méthodes pour agir et figurer parmi les leaders du monde bas-carbone de demain. Du fait de l’ampleur des transformation à mener, le dispositif de bilan simplifié ne peut être qu’une première étape, et le contenu et la portée de l’obligation doivent être rapidement renforcés. Le rapport final du gouvernement, mentionné au IV de l’article 244 de la loi de finances pour 2021, pourrait formuler des recommandations ambitieuses pour donner davantage de robustesse à la législation française en vue d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

1 Article L. 229-25 du code de l’environnement

2 Étude du Shift Project : Analyse du Risque « Climat »

3 Guide pratique de l’ABC et de l’ADEME : Intégrer les émissions indirectes

4 Rapport de l’ABC : Comptabilité et stratégie carbone des PME

Liens utiles :

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Réflexions décarbonées

Des satellites et des hommes

Alors que s’ouvre la COP26, la Gazette du Carbone regarde l’avenir et lève les yeux vers l’espace. Pendant que les dirigeants du monde entier s’accordent sur les engagements à prendre à l’horizon 2050, nous nous intéressons à l’impact environnemental du secteur spatial. Encore marginal aujourd’hui, en sera-t-il de même en 2050 avec la révolution NewSpace ?

NewSpace ou le rêve d’Icare

A l’occasion de son discours France 2030, le Président de la République a mis en avant un plan d’investissement pour le spatial incluant la conception de mini-lanceurs réutilisables, de nouveaux services spatiaux et d’une constellation de satellites. Ces propos résonnent avec la volonté de la Commission Européenne, (via sa présidente Ursula Von Der Leyen et son commissaire Thierry Breton), de développer une constellation concurrente des États-Unis.

Les ambitions Françaises et Européennes s’inscrivent dans un contexte de démocratisation de l’accès à l’espace facilité par l’apparition de lanceurs à bas coût. En parallèle, la standardisation et la miniaturisation des satellites, matérialisées dans les nanosatellites ont ouvert la fabrication à de nouveaux acteurs y compris des universités et des PME. Cet écosystème émergent, appelé NewSpace, se caractérise par un changement d’hégémonie des grands opérateurs étatiques historiques vers de nouvelles entreprises, start-up, PME ou multinationales en quête de diversification, agiles et rapides, souvent massivement financés.

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