La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 | Semaine 36

C’est avec grand plaisir que nous vous retrouvons avec ce numéro de rentrée de la Gazette du Carbone !
En attendant l’Univershifté, ses conférences, ses ateliers et ses tables rondes auxquels nous serons nombreux à participer en cette fin de septembre, deux sujet brûlants : comment rendre la lutte contre le dérèglement climatique juridiquement contraignant et comment réussir l’électrification des véhicules français.

Sommaire

Questions émissions

Quels outils juridiques pour la neutralité carbone ?

Étude réalisée sous la direction de Marta Torre-Schaub, directrice de recherche au CNRS, en collaboration avec l’équipe ClimaLex, avril 2021

Alors que le changement climatique s’accélère et s’intensifie, quels outils juridiques pour la neutralité carbone ?

Un rapport publié en avril 2021 à la demande du Haut Conseil pour le Climat1 analyse le cadre juridique actuel et formule un ensemble de recommandations sur les leviers à mobiliser en vue de respecter les engagements consécutifs à l’Accord de Paris.

Si l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 est un objectif clairement identifié, sa mise en œuvre repose paradoxalement sur des documents et dispositions de faible portée normative (SRADDET, PCAET, etc.). En l’absence d’une obligation générale de compatibilité à la SNBC, les mécanismes juridiques actuels ne parviennent pas à organiser efficacement la déclinaison des objectifs nationaux. Les initiatives sont dispersées et de nombreux projets ou investissements échappent à tout dispositif contraignant.

Partant de ce constat, l’étude appelle à mettre en cohérence et mieux articuler les outils existants, pour créer un « champ de forces normatives » capable de relever le défi de la transition. Elle appelle à confier un rôle pivot au SRADDET, en augmentant sa force prescriptive et en assurant sa concordance temporelle avec les documents à visée programmative. D’autres mesures pertinentes sont proposées, telles que les études d’impact et les bilans carbone, pour renforcer l’alignement des politiques publiques sur la SNBC.

Peut-on aller plus loin ?

Dans l’article 1er de la loi Climat, l’État s’engage à respecter les objectifs de réduction des émissions tels que révisés par le Parlement européen. Pour autant, la SNBC relève encore du simple décret. Ériger la stratégie nationale au rang de loi, comme le propose The Shift Project2, serait sans doute plus opérant pour disposer d’un arsenal juridique à la hauteur des enjeux.

Rappelons que le changement climatique est un facteur d’instabilité normative, du fait des risques physiques et financiers qu’il induit. Mettre à profit le temps de la transition pour adopter des moyens juridiques ambitieux est indispensable si l’on souhaite éviter l’écueil d’une transition trop tardive, « qui viderait d’effectivité les outils du droit ».

1 Rapport du HCC

2 The Shift Project plaide pour un renforcement des outils de politique climatique

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Questions émissions

en partenariat avec Logo Dixit

Accompagnements pour réussir l'électrification du parc automobile français

Question posée par André Villiers - Député de l'Yonne (UDI)

M. André Villiers interroge M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur les mesures de soutien économique et social supplémentaires en faveur des particuliers et des professionnels pour réussir l’électrification à terme du parc automobile français. (…)

La Stratégie Nationale Bas Carbone (pour une neutralité carbone en 2050) mise essentiellement sur le passage à une motorisation 100% électrique du parc automobile pour décarboner la mobilité des personnes. Pour le Shift Project il semble que ce soient des objectifs très ambitieux.

La programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit 3 millions de voitures électriques soit 10% du parc et 1,8 millions de Véhicules Hybrides Rechargeables en 2028.
La loi d’orientation des mobilités (LOM) prévoit que la totalité des voitures seront électriques en 2050, donc la fin de la vente de véhicules particuliers et de voitures utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles d’ici 2040 (la vente de véhicules d’occasion reste possible).
Enfin, les normes d’émissions européennes sont très exigeantes : 95 gCO2/km en 2021.

Pour réussir ces objectifs, il est nécessaire d’obtenir une action conjointe d’un écosystème d’acteurs :
  • L’utilisateur de voiture : la voiture électrique doit être désirable. À ce jour, l’utilisateur a des réticences à passer à la voiture électrique à cause de l’autonomie, le coût à l’achat et de possession, le réseau actuel de bornes de recharge et la vitesse de recharge.
  • Les constructeurs et équipementiers : ils doivent produire en quantité et à un prix compétitif
  • Concessions autoroutières, propriétaires de parking, syndics de propriété : ils doivent équiper les aires de service de bornes de recharge
  • L’état doit jouer son rôle de coordinateur

Selon le cabinet Deloitte, la capacité de production mondiale de voitures électriques en 2030 par rapport à la demande est trop grande d’où une perte de marché à prévoir pour certains constructeurs et une importante concurrence avec les nouveaux arrivants notamment sur le marché chinois.

La production de batteries est un enjeu majeur pour les constructeurs. C’est l’élément qui a le plus de valeur dans une VE (à titre de comparaison, dans une voiture thermique, il s’agit du moteur thermique et de la boîte de vitesse). Si l’Europe ne prend pas ce marché, le nombre d’emplois sera amené à baisser.

Il faut des investissements significatifs pour assurer un débouché à la future production de voitures électriques et VHR :
  • D’une part des aides de l’État : plusieurs acteurs, dont le cabinet Deloitte et l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), préconisent le maintien des aides à l’achat jusqu’en 2030, date à laquelle le prix de la VE se rapprochera de celui de la voiture thermique (par la diminution du coût des batteries notamment). Elles permettent également la pénétration de la voiture électrique dans les tissus sociaux moins aisés et de ce fait le développement du marché de la voiture électrique d’occasion. Or le financement publique d’un bonus / malus à l’achat ne pourra fonctionner qu’à l’essor du marché.
  • D’autre part il faut investir dans des infrastructures : les bornes de recharge, la filière de recyclage des batteries ainsi que des filières d’excellence en Europe pour la production des batteries.

Cependant, il y a d’autres facteurs à prendre en compte pour atteindre les objectifs annoncés par la SNBC :

  • L’évolution adaptée du système électrique avec la prise en compte des autres usages reposant sur l’électricité (chauffage, éclairage, industrie, etc.)
  • La capacité à extraire, produire et acheminer les matériaux nécessaires au développement de la voiture électrique. À l’heure actuelle il y a des incertitudes d’ordre industriel, géologiques et géopolitiques.

Enfin, parlons de la voiture à hydrogène : celle-ci ne sera une source d’énergie décarbonée uniquement si elle est produite via l’électrolyse de l’eau. Cette technologie a un coût important, c’est a minima 3x plus cher que pour la production des carburants fossiles. Si toutefois l’hydrogène est obtenu par vaporeformage (réaction du méthane avec de la vapeur d’eau à haute température), c’est une source d’émissions de gaz à effet de serre importante. De plus, son transport est difficile car il est produit de manière décentralisée, sur le lieu de la station-service. A moyen terme, la voiture à hydrogène ne semble donc pas pouvoir émerger significativement face à la voiture électrique .

Une stratégie de décarbonation de la mobilité des personnes devra donc également s’accompagner d’une diversité de solutions de mobilités et d’une politique de réduction des déplacements, de report modal, d’augmentation des taux de remplissage. En bref, on a besoin d’une politique favorisant l’usage de véhicules adaptés au besoin de mobilité « dans un souci d’efficience énergétique et matérielle ».

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