La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 | Semaine 30

Depuis septembre 2020, la Gazette du Carbone vous est proposée chaque semaine (déjà 45 numéros !) et vous êtes de plus en plus nombreux au rendez-vous.

Ceci est le dernier numéro avant la rentrée, et nous tenions à remercier à cette occasion nos contributeurs, cette cinquantaine de Shifters et Shifteuses bénévoles qui font vivre la Gazette chaque semaine. Bravo à eux et elles pour leur belle motivation ! Un grand merci également à tous nos lecteurs, anciens et nouveaux, pour votre constance et votre détermination à vous informer et agir pour un monde décarboné.

Nous vous proposons pour cette semaine un récapitulatif de nos actions depuis le mois de septembre et une belle analyse sur les « déchets dans un monde fini ».
Un excellent été à toutes et à tous, et à bientôt en septembre !

Adam et Aleth
Rédacteurs en Chef de la Gazette du Carbone

Sommaire

Notre sélection de la semaine

Nos dernières actions

Notre sélection de la semaine

Repenser nos déchets dans un monde fini

Proposition portée par Patrick CHAIZE, Guillaume CHEVROLLIER, Jean-Michel HOULLEGATTE, Hervé MAUREY, Jean-François LONGEOT, Didier MANDELLI, Joël BIGOT, Ronan DANTEC, Guillaume GONTARD, Nadia SOLLOGOUB, Patrick KANNER, Catherine DEROCHE, Laurent LAFON, etc.

A l’été 2021, les conséquences de la surexploitation des ressources se font ressentir dans le monde entier via des pénuries de matériaux et des extrêmes climatiques meurtriers. Il est impératif de repenser notre rapport à un monde fini. L’exploitation des déchets à la manière des « mines urbaines »1 est centrale pour lever la pression sur les matières premières.

Des DEEE par millions et un recyclage à la peine

Avec une hausse mondiale de 3-4%/an, les Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques (DEEE), contenant polluants et métaux rares, représentent plus de 20 kg / an par habitant en France. Aujourd’hui, seuls 36% d’entre eux sont collectés. Parmi eux, certains métaux comme le cuivre, l’or, le platine, l’argent ou l’aluminium sont bien recyclés (>50%). Ce n’est pas le cas de métaux plus petits, comme les terres rares, traités à moins de 1%.

Les déchets non recyclés sont « valorisés », c’est-à-dire brûlés, et utilisés pour la fabrication du bitume notamment. Cela représente une perte de ressources immense compensée uniquement par des extractions croissantes, émettrices de CO2, dans des conditions parfois irrespectueuses de l’environnement et des droits humains2.

Pour limiter les impacts environnementaux du numérique et notre dépendance aux importations, une politique d’amélioration de la collecte et du recyclage doit être déployée.

Loi REEN et recyclage

En matière de gestion de déchets, la proposition de loi REEN vient compléter le corpus législatif, notamment la loi « relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ». Ces mesures sont-elles suffisantes ? Quelques articles visent directement le recyclage mais leur portée reste limitée.

L’art. 12 bis propose la rédaction d’un rapport pour « améliorer le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques ». Cette disposition ne doit pas pour autant retarder les actions car le sujet est documenté et les principales mesures activables sont connues.

« Les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation » des biens numériques (art. 12) ne seront appliqués qu’en 2028 contre 2025, échéance proposée par The Shift Project. La réforme sera inopérante sur le renouvellement actuel des équipements qui contribuent fortement à l’empreinte carbone du numérique.

L’art. 23 évoque les politiques de « réductions de l’empreinte environnementale des opérateurs », notamment le recyclage. Mais la transposition des « engagements » en « indicateurs » non contraignants est un net recul par rapport à la version du Sénat.

La prime au retour (art. 12 A bis) est intéressante et mériterait d’être beaucoup plus largement utilisée.

Le recyclage, un outil indispensable mais pas une baguette magique.

Parmi les leviers connus, l’écoconception des produits paraît particulièrement efficace pour faciliter le recyclage. La formation des ingénieurs à « l’écoconception des services numériques » (art. 2) est à cet égard favorable au développement d’une culture partagée, mais elle devra être étendue.

Enfin, malgré ses atouts, le recyclage ne doit pas être idéalisé.

La valorisation des DEEE est complexe et nécessite des investissements conséquents. Elle est actuellement peu rentable à cause du faible coût des ressources primaires. De plus, les matériaux se détériorent lors de chaque étape du recyclage. Cela induit un phénomène de décyclage limitant le nombre d’utilisations des matières premières.

La stratégie des 3-R (Réduire, Réutiliser, Recycler) promeut ce dernier uniquement lorsque les autres solutions sont déployées à leur maximum. En bref, l’économie circulaire et le retraitement sont indispensables pour limiter notre impact environnemental mais ils ne constituent pas une alternative à la sobriété, avec laquelle ils doivent s’articuler étroitement.

1 Developpé par François Labbé

2 Ces enfants qui travaillent pour nos batteries

▲ Sommaire

Nos dernières actions

Un récapitulatif de nos actions de plaidoyer depuis septembre 2020

Nos dernières actions

Quelques avancées dans les reprises des amendements déposés par les Shifters. On reste concentrés sur les prochains projets de loi de décentralisation et de finance.

Proposition de loi relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique
Une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fracture numérique a été déposée au Sénat le 16 février 2021. Elle vise à mieux structurer les dispositifs de médiation numérique en cours de déploiement dans les territoires, et à renforcer la qualité des services proposés.

Pour rehausser l’ambition du texte, le Shift Project a proposé 8 amendements visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique et à promouvoir la sobriété numérique. Tous les amendements ont été repris par 3 groupes parlementaires (18 amendements déposés).

Lors du vote en séance le 15 avril, la plupart des articles de la proposition de loi ont été supprimés au motif que les dispositions proposées étaient déjà mises en œuvre ou en passe de l’être via des programmes portés par le gouvernement et le Plan de relance. Cette initiative parlementaire, qui avait intégré nos amendements dans ses propositions, constituait pourtant une opportunité pour faire converger les enjeux d’une transition numérique inclusive et durable.

Proposition de loi “Réduire Empreinte Environnementale du Numérique” votée en première lecture à l’Assemblée nationale le 10 juin

Initiée par le Sénat, la première loi visant à Réduire l’Empreinte Environnementale du Numérique a été votée le 10 juin en première lecture à l’Assemblée nationale.
Pour renforcer l’ambition du texte, le Shift Project a proposé 23 amendements. Un amendement complémentaire a été rédigé avec Green IT pour proposer une définition commune de la sobriété numérique. Le Shift Project a été auditionné par le rapporteur pour avis de la Commission économique de l’Assemblée nationale, et par le rapporteur sur le fond de la Commission développement durable. Au total, 30 amendements ont été déposés en séance par 3 groupes parlementaires. Deux mesures ont été adoptées : la sensibilisation des étudiants à l’empreinte environnementale du numérique et la formation de tous les ingénieurs à l’écoconception.

À ce jour, le résultat est en demi-teinte : le texte contient des mesures pertinentes mais il est largement réécrit suite à 11 amendements de suppression ou de modification. Ceci a pour effet une réduction de portée alors que l’urgence d’actions disruptives pour contenir le réchauffement climatique s’accélère. Retour au Sénat pour, nous l’espérons, retrouver l’ambition initiale de la loi et placer la France à l’avant-garde de l’Europe au moment où les instances communautaires commencent à se saisir de ce sujet.

Projet de loi « Climat et Résilience » issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat :
Le Shift Project et les Shifters ont suivi ce texte de très près, notamment en proposant des amendements dans tous les grands domaines couverts : Consommer, Produire et Travailler, Se Déplacer et Se Loger. The Shift Project a également été auditionné au Sénat en présence de Jean-Marc Jancovici.

Lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, plus de 120 députés de 6 groupes parlementaires (LREM, PS, ex-EDS/EELV, LR, Libertés et Territoires, GDR – dont PCF), ont déposé ou cosigné des amendements proposés par nos soins. Cela montre que nos propositions pour une transition vers une économie bas carbone n’est pas l’apanage d’un bord politique mais peuvent être portées par tous les partis.

Le texte de loi a été définitivement adopté par le Parlement le 20 juillet 2021. Pour notre pôle, on notera que les mesures proposées quant à l’affichage environnemental et l’alternative de plats végétariens en cantine font partie du texte final !

Bien que nous soyons honorés d’avoir pu contribuer au débat parlementaire, nous pensons que dans son format actuel, le projet de loi n’est pas suffisamment ambitieux et les changements qu’il engendre ne permettront toujours pas à la France d’atteindre ses engagements internationaux en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Chantier autour du Projet de loi décentralisation (4D) :
Les équipes du pôle 4D ont travaillé sur une série d’amendements. Comme pour le PLF, les plus prometteurs seront présentés à l’Assemblée Nationale. D’autres amendements sont en préparation. Rendez-vous à la rentrée pour plus d’infos !

Chantier autour du Projet de loi finances :
Après une belle phase d’embarquement, les différents contributeurs et contributrices ont fait force de propositions et ont mis sur la table une trentaine de propositions d’amendements. Ces propositions ont été présentées devant J.-M. Jancovici et M. Lepetit. Parmi elles, 10 ont été retenues pour être proposées au PLF 2022. Un rendez-vous est fixé à la rentrée avec le rapporteur général du texte à l’Assemblée Laurent Saint-Martin pour porter haut et fort ces propositions !

▲ Sommaire

La gazette du carbone résulte du travail des bénévoles de l'association The Shifters, essentiellement réalisé sur la base de l’expertise du Shift Project. Son objectif est d'informer sur les opportunités que présente l'arsenal juridique français pour décarboner notre société.
N’hésitez pas à faire suivre largement le lien d’abonnement de cette publication à tout⋅e personne intéressé⋅e et/ou susceptible d’influencer le débat parlementaire !

Pour réagir au contenu, demander des précisions, proposer des évolutions, contribuer à notre action vers les décideurs, une seule adresse : gazette@theshifters.org !

Vous pouvez également découvrir The Shift Project et devenir membre de l'association.

Se désinscrire de la gazette du carbone