La gazette du carbone

Pour un arsenal juridique décarbonant

The Shifters - Les bénévoles du Shift Project

Chaque semaine, nos propositions tirées de l’expertise du Shift Project pour intégrer les enjeux climatiques au débat parlementaire.

2021 | Semaine 29

Entre l’explosion du numérique et le tout voiture, la législation essaie d’avancer pour limiter leurs effets négatifs.
Est-ce bien suffisant ?

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Notre sélection de la semaine

Questions émissions

Notre sélection de la semaine

Empreinte environnementale du numérique dans les territoires

Proposition portée par Patrick CHAIZE, Guillaume CHEVROLLIER, Jean-Michel HOULLEGATTE, Hervé MAUREY, Jean-François LONGEOT, Didier MANDELLI, Joël BIGOT, Ronan DANTEC, Guillaume GONTARD, Nadia SOLLOGOUB, Patrick KANNER, Catherine DEROCHE, Laurent LAFON, etc.

En 2019 (Source :1), plus de 50% des collectivités déclaraient ne pas s’engager dans une démarche de sobriété numérique car le sujet ne constituait pas une priorité politique. Depuis, les travaux législatifs initiés par le Sénat témoignent d’un intérêt politique nouveau au sujet de l’impact environnemental du numérique : The Shift Project a contribué en ce sens en documentant le sujet depuis 2018..

Des mesures pour promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires

Le dernier chapitre de la loi REEN, « promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires », vise à impulser la mise en place d’actions territoriales.

  • Le programme d’actions des PCAET devra intégrer la réduction de l’empreinte environnementale du numérique et la valorisation de la chaleur fatale des data centers, en déclinaison du Green Deal européen.
  • Le rapport annuel de développement durable des collectivités sera complété par une présentation de la stratégie numérique responsable, un prolongement du reporting prévu par la loi Grenelle II2.

Ces dispositions incitatives sont intéressantes pour engager la démarche mais les objectifs restent peu contraignants, et leur application est reportée à 2024. Comment aller plus loin dans la réduction des émissions de GES et relever le défi d’une transition numérique responsable ?

Définir le bon niveau d’intervention au regard des capacités d’action

Le territoire est le lieu de rencontre entre un système technique et un système d’usage, qui interagissent en permanence. Une trajectoire d’évolution soutenable passe par la régulation des effets d’offre et d’usage, et l’identification du bon niveau d’intervention au regard de la capacité d’action des parties prenantes. Quelques propositions issues du plaidoyer du Shift Projet sur la loi REEN :

Mettre en cohérence les outils de planification territoriaux, suivant la hiérarchie des normes : si l’EPCI semble être le bon échelon pour rassembler les acteurs, un alignement des schémas régionaux (notamment les SRADDET) sur les PCAET reste opportun pour une gouvernance renforcée de la SNBC.

Piloter l’aménagement du territoire en réseaux fixes et mobiles à partir d’une analyse des besoins et usages essentiels pour un déploiement plus ciblé, en particulier de la 5G3 : son principal outil, le SDTAN devrait faire l’objet d’une étude d’impact environnemental_ ex-post_ et ex-ante au regard du climat.

Accompagner les collectivités et leur donner le cadre méthodologique et les ressources pour agir, en mobilisant l’ANCT, l’ADEME et l’ARCEP : à l’heure des smart cities, évaluer la pertinence environnementale et sociétale des services avant leur déploiement est indispensable pour maîtriser les effets rebonds.

Dès à présent, au-delà de la prise de conscience de l’impact environnemental du numérique, il est nécessaire d’activer tous les leviers d’une transition juste, prenant en compte les contraintes énergie/climat, pour faire du numérique l’outil et l’atout qu’il peut devenir au cours de la prochaine décennie.

1 Sobriété numérique et collectivités territoriales : quels enjeux ?

2 Article 255 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement

3 D’après le Haut Conseil pour le Climat, le déploiement de la 5G devrait engendrer une augmentation de 18 à 44 % de l’empreinte carbone du numérique à horizon 2030 (HCC, 2020a) (Citizing – Virtus Management, 2020)

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Questions émissions

en partenariat avec Logo Dixit

Voiture en ville, transports alternatifs : qui paye?

Question posée par Pierre Charon (LR)

Le Sénateur Pierre Charon interroge dans une question écrite le Ministre de l’économie pour savoir quelles conclusions il envisage de tirer d’une étude de « Trésor info » parue en avril 2021 sur les usagers de la route et si de nouvelles dispositions fiscales sont à l’étude.

Dans les zones denses, il y a déjà un certain nombre de réglementations mises en place pour favoriser l’utilisation des transports alternatifs : zones piétonnes, diminution du nombre de places de stationnement et augmentation du tarif, limitation de la vitesse et du nombre de voies pour les voitures (cf. les enquêtes ménages-déplacements). Le péage urbain créerait uniquement des inégalités entre des foyers à revenus modestes qui en outre habitent en périphérie des grandes villes comme Paris ou Marseille et ceux qui ont les moyens de vivre en ville.
Les mesures incitatives sont des solutions alternatives à un péage urbain dont les coûts de gestion sont d’ailleurs à prendre en compte dans l’équation (cf. ville de Londres).
Un autre effet rebond concerne le risque d’étalement urbain avec le développement d’activités de loisirs et de consommation dans les périphéries.

Dans les zones de moyenne densité qui représentent 11% du territoire et 43% de la population, on retrouve toutefois une présence importante de la voiture utilisée en solo en tant que mode de déplacement et d’un urbanisme qui s’est en grande partie développé pendant ou suite aux « années voiture ». Ce que préconise le guide pour une mobilité bas carbone en zone de moyenne densité du Shift Project n’est pas une augmentation de la fiscalité directement sur l’usager mais la déconstruction d’un système tout voiture en le rendant moins attrayant ainsi que la mise en place d’un système de modes actifs et partagés.

Trois axes pour décarboner la mobilité en zone de moyenne densité (sans taxer l’usager) :

1. Déconstruire le “système voiture”

  • Agir sur l’urbanisme en limitant l’offre de stationnement et faisant payer le stationnement public. Il faut aussi développer les zones piétonnes, pistes cyclables, couloirs de bus et enfin réduire la vitesse à 30km/h en ville.
  • Agir sur les règles fiscales en révisant le dispositif des indemnités kilométriques et en supprimant les exonérations fiscales liées à l’octroi de voitures de fonction en les remplaçant par un budget multimodal ou par la mise à disposition de véhicules moins carbonés.
  • Rendre ces mesures acceptables en mettant en avant les contreparties en termes de qualité de vie et de services

2. Développer un système de modes actifs et partagés

3. Accompagner le changement de comportement (communication, déploiement de plans de mobilité employeurs)

Le coût pour la collectivité :

En zone dense, un réseau de transports publics plus efficace permet la diminution de l’utilisation de la voiture ce qui participe significativement à la réduction des externalités négatives liées à la congestion dans ces zones : réduction de la pollution de l’air et du coût que représente les décès prématurés et les maladies liées à celle-ci (OCDE, 2014 : 5% du PIB européen) et diminution des autres coûts cachés : impact sur le transport de marchandises, impact sur les salariés d’entreprises, augmentation des émissions de GES.

Pour que les externalités diminuent et redeviennent équivalentes aux prélèvements d’ores et déjà supportés par les usagers, c’est d’abord aux collectivités et à l’État d’agir : investissements importants pour le déploiement des réseaux de transports robustes, limitation de la place de la voiture dans les villes via des mesures incitatives, mise en place d’une réglementation plus stricte sur l’urbanisme des villes, etc.

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